Tribune 15 mai 2024

Soutenir les étudiant·es, briser le silence

Dans une pétition qui circule depuis le 29 mars et présenté à l'administrateur provisoire de Sciences Po-Paris, Jean Bassères, le 25 avril, un ensemble d'enseignant·es et chercheur ·euses de Sciences Po Paris appellent leur direction à réaffirmer les valeurs de leur établissement et à continuer à défendre les libertés académiques. Les points soulevées par ce texte semblent plus que jamais d'actualité, notamment après le recours aux interventions policières de la direction de Sciences Po.

Cette pétition a circulé auprès de faculté permanente de Sciences Po-Paris autour du 29 mars. Elle fut présentée au nouveau administrateur provisoire de Sciences Po-Paris, Jean Bassères le 25 avril. Les points soulevées par cette pétition nous semblent plus que jamais d'actualité, notamment après le recours aux interventions policières de la direction de Sciences Po

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Nous, enseignant.e.s et chercheur.euse.s de Sciences Po Paris, appelons notre direction à affirmer plus clairement les valeurs de notre établissement au vu de la crise qui affecte aujourd’hui notre communauté. 

L’organisation par l’université d’une « minute de silence en hommage à l’ensemble des victimes civiles depuis le 7 octobre » va dans le bon sens. Néanmoins, face aux violations du droit de la guerre et du droit international en Palestine, et afin d’affirmer son soutien aux étudiant.e.s qui se sont mobilisé.e.s depuis des mois, ainsi qu’une véritable compréhension de leur message, l’ensemble de notre communauté universitaire doit sortir de son silence complice.

Sciences Po a joué un rôle majeur pour former des générations de responsables politiques, administratifs et économiques en France et dans le monde. Cet héritage fait peser sur notre institution une importante responsabilité morale. De plus, le rôle de l’université comme lieu d’enseignement et de production de savoir risque d’être miné si elle se tait face aux destructions de populations, de culture et d’environnement dont nous sommes témoins depuis près de six mois. Enfin, notre université ne peut plus fonctionner sans une protection adéquate de son personnel et de ses étudiant.e.s contre les diffamations de la part de politiciens et de médias.

Nous dénonçons l'assassinat de plus de 1 000 personnes en Israël par le Hamas le 7 octobre et la poursuite de la prise d'otages par le Hamas.

Nous dénonçons l'assassinat de plus de 30 000 Palestiniens au cours des six derniers mois par l’armée israélienne.

Nous rappelons que, selon une déclaration des Nations unies le 12 mars, « le nombre d’enfants présumés tués en seulement quatre mois à Gaza est plus élevé que le nombre d’enfants tués en quatre ans dans l’ensemble des conflits à travers le monde. »

Nous rappelons que le 26 mars, une rapporteure spéciale de l'ONU a affirmé qu’il existait « des preuves d’intention génocidaire » et « des motifs raisonnables » de croire qu'Israël a commis des « actes de génocide » à Gaza et que le 18 mars, l’organisation en charge d’évaluer la sécurité alimentaire (IPC) a alerté de « l’imminence d’une famine » à Gaza.

Nous rappelons enfin le vote le 25 mars du Conseil de sécurité de l'ONU pour l’adoption d’un « cessez-le-feu immédiat ».

Nous appelons la direction de Sciences Po Paris :

  • à condamner la destruction de Gaza et de sa population, les conditions de famine provoquées par la politique israélienne, et la prise en otage de civils par le Hamas ;
  • à soutenir les appels au cessez-le-feu immédiat ;
  • à réaffirmer une forte volonté de combattre toutes les formes de racisme et de rejet y compris l’antisémitisme et l’islamophobie, mais aussi leur instrumentalisation ;
  • à faire preuve de transparence et de respect des normes dans la procédure disciplinaire engagée à l’encontre des étudiant.e.s après leurs manifestations de soutien du 12 mars ;
  • à continuer à défendre les libertés académiques, l’autonomie de l’université et la liberté d’expression des étudiant.e.s face aux menaces et volontés d’intervention politique.

Cosignataires / cosignatories : [la liste sera régulièrement mise à jour]

  1. Pierre Fuller, Associate Professor, CHSP
  2. M'hamed Oualdi, Professeur, CHSP
  3. Gerd-Rainer Horn, Professeur, CHSP
  4. Nadia Marzouki, Chargée de recherche CNRS-CERI
  5. Samuel Hayat, chargé de recherche CNRS, CEVIPOF
  6. David Recondo, Chargé de recherche, Sciences Po-CERII
  7. Laurent Bonnefoy, chargé de recherche CNRS, CERI
  8. Françoise Mengin, Directrice de recherche, CERI
  9. Juliette Galonnier, Assistant professor, CERI
  10. Olivier Dabène, Professeur , CERI
  11. Thomas Tari, chercheur, médialab
  12. Laurent Gayer, Directeur de recherche CNRS, CERI
  13. Thomas Lacroix, CNRS-CERI
  14. Sandrine Revet, Directrice de recherche FNSP, CERI
  15. Florence Bernaut, Historienne, CHSP
  16. Laurent Fourchard, Directeur de Recherche, CERI
  17. Sandrine Lefranc, directrice de recherche au CNRS, CEE
  18. Emilie, Biland-Curinier, Professeure des universités, CSO
  19. Gilles Favarel-Garrigues, directeur de recherche CNRS, CERI
  20. Antonela Capelle-Pogacean, Chargée de recherche, Sciences Po-CERI
  21. Bruno Cousin, Associate Professor, CEE
  22. Anabella Rosemberg, Chargée d'enseignement, PSIA-SciencesPo
  23. Luis Martinez CERI
  24. Emmanuelle Tourme Jouannet, Professeure, Ecole de droit Sciences Po
  25. Gabriel Feltran, CNRS/CEE
  26. Marco Cremaschi, Professeur des Universités, CEE
  27. Evens Salies, Chargé d'étude, OFCE
  28. Philippe Coulangeon, directeur de recherche CNRS, CRIS
  29. Marina Calculli, Chercheuse, CERI
  30. Éric Verdeil, professeur, CERI
  31. Béatrice Hibou, directrice de recherche CNRS, CERI 
  32. Gwenaële Rot, Professeure des Universités à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, CSO
  33. Fariba Aadelkhah. CERI-SCIENCES-PO
  34. Roland Marchal, chargé de recherche FNSP, CERI
  35. Philipp Brandt, Assistant Professor of Sociology, CSO
  36. Hélène Le Bail, chargée de recherche, CNRS, CERI
  37. Sylvain Brunier, chargé de recherche, CSO
  38. Lidia Panico, professeure, Cris
  39. Marta Dominguez, associate professor, CRIS
  40. Claire Lemercier, directrice de recherche CNRS, CSO
  41. Elise Massicard, directrice de recherche CNRS, CERI
  42. Agnès van Zanten, Directrice de recherche CNRS, CRIS
  43. Richard Banégas, Professeur, CERI
  44. David Camroux, chercheur honoraire, CERI
  45. Etienne Nouguez, Chargé de recherche CNRS, CSO
  46. Catherine Perron, Chargée de recherche, CERI
  47. Adam Baczko, Chargé de recherche CNRS, CERI
  48. David Todd, Professeur des universités, CHSP
  49. Alain Pottage, Professeur, École de Droit
  50. Helena ALVIAR, Professeure, École de Droit
  51. Guillaume Lachenal, professeur, médialab
  52. Jean d'Aspremont, Professeur, École de Droit
  53. Rebecca Mignot-Mahdavi, Assistant Professor, École de Droit
  54. Jean-François Chanet, professeur des universités, CHSP
  55. Sylvain Parasie, Professeur des Universités, Directeur du médialab
  56. Alex Kindel, assistant professor, medialab
  57. Manisha Anantharaman, Assistant Professor of Sociology, CSO

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Sciences Po Faculty Appeal: Support our Students, Break the Silence

We, the undersigned faculty members of Sciences Po Paris, call on our leadership to more clearly affirm and act on the university’s values in light of the crisis that has befallen our community. The university’s “minute’s silence in memory of all of the civilian victims since 7 October” is a step in the right direction. However, in the face of violations of international law and the laws of war in Palestine, and in order to give meaningful support to the students who have been mobilizing for months, as well as truly understand their message, our entire university community must break out of its complicit silence.

Sciences Po has helped mold generations of political, business and civic leaders here in France and around the world. A moral role comes with this legacy. A university cannot function as a genuine place of learning and knowledge creation when it is mute in the face of wholesale human, cultural and environmental destruction unfolding before the eyes of the world. Nor can a university function without adequate protections for its staff and students from vilification by politicians and the media.

We decry the killing of more than 1,000 people in Israel by Hamas on October 7 and the continued hostage-holding by Hamas.
We decry the killing of more than 30,000 Palestinians over these past six months by the Israeli army.
We note that, according to the United Nations on March 12, “the number of children reported killed in just 4 months in Gaza is higher than the number of children killed in 4 years of wars around the world combined.”
We note that on March 26 a UN Special Rapporteur found “direct evidence of genocidal intent” and “reasonable grounds” that Israel has committed “acts of genocide” in Gaza, and that on March 18 the global body charged with assessing food security (IPC) determined that “famine is imminent” there.
We note the UN Security Council’s call for “an immediate ceasefire” on March 25.
We call on the leadership of Sciences Po Paris to:

  • condemn the continued destruction of Gaza and its people, the famine conditions driven by Israeli policy, and the continued holding of hostages by Hamas;
  • add the university’s voice to calls for an unconditional ceasefire;
  • reaffirm its fight against all forms of racism and exclusion including anti-Semitism and Islamophobia, as well as their instrumentalization;
  • demonstrate transparency and regard for precedent in the disciplinary process launched against students after the occupation on March 12;
  • tirelessly defend academic freedom, university autonomy and the freedom of student expression in the face of political threats and interference.