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Billet de blog 16 août 2022

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Viktor Orbán à Dallas : de Chuck Noris à la servante écarlate

Le discours de Viktor Orbán devant les conservateurs étatsuniens réunis à Dallas le 4 août 2022 a été écrit pour ne pas passer inaperçu et pour séduire son audience. Dans un billet d'humeur, mon amie Némesis a souhaité insister sur des points inquiétants, homophobes, transphobes et sexistes mais passés presque inaperçus...

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Viktor Orbán savait qu'il allait choquer[1]. Il a lui-même annoncé les titres dénonçant son racisme, son antisémitisme et son allégeance à Poutine. Mais ne le laissons pas nous dire ce que son discours est, lisons- le et remarquons qu’il est aussi homophobe, transphobe et sexiste.

Morceaux choisis :

  1. We decided we don’t need more genders; we need more rangers. Less drag queens, and more Chuck Norris.

Je ne sais pas ce qui me surprend le plus : que Viktor Orban se souvienne de Walker Texas Ranger ou qu’il ait lu Judith Butler ? Rappelons que la philosophe américaine pense le genre à partir de la performance de la drag queen[2]. Elle nous montre que le genre n’est qu’un rôle. Et Viktor Orbán a donc choisi celui de Chuck Norris, un adepte des arts martiaux hétérosexuel conservateur qui gagne toujours à la fin (toute ressemblance avec un homme politique russe est sans doute purement fortuite).

  1. “If you are not married yet, you should immediately find a Hungarian wife!”

Viktor Orbán explique fièrement que les mères hongroises de quatre enfants (et bientôt de trois) ne paieront jamais plus d’impôts. Donc, si vous n’êtes pas marié, enchaîne-t-il, vous devriez immédiatement trouver une femme hongroise.

Face à lui une assemblée d’hommes et de femmes. Je m’interroge : est-ce qu’il est en train d’ignorer la moitié de son auditoire ou fait-il l’apologie du mariage lesbien ? Très vite, le Premier ministre dissipe mes doutes : la constitution hongroise stipule en effet que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme.

Viktor Orbán ne parle donc qu’aux hommes. C’est pourquoi ils ne demandent pas aux Hongroises si elles ont envie d’épouser un conservateur étatsunien. Non, dans le monde de Viktor Orbán, c’est « Fais des enfants et tais-toi ».

  1. “In the last 10 years, Ladies and Gentlemen, the number of marriages has doubled, and the number of abortions has halved in Hungary”.

Voici les résultats de Viktor Orbán : le nombre de mariage a doublé et le taux d’abortion a chuté. À nouveau ici je m’interroge : qu’est-ce que ces chiffres étrangement parallèles sont censés prouver ? Que le mariage est un bon moyen de contraception ? Que la Hongrie est devenue un réservoir de femmes à épouser ? Que le corps des Hongroises ne leur appartient plus ?

D’autres citations du discours de Dallas méritent d’être relevées, analysées et déconstruites. Elles sont sorties ou sortiront dans les médias du monde entier, seront condamnées et réfutées. Mais pour les trois phrases que j’ai choisies, je ne suis pas sûre.

J’ai peur que si je ne dis rien toutes les femmes en âge de procréer se retrouveront dans le rôle de la servante écarlate. Dans le roman éponyme de Margaret Atwood, un régime totalitaire s’inspirant de l’Ancien Testament a réduit les femmes à quelques rôles : les Épouses qui dirigent la maison, les Marthas qui s’occupent des tâches domestiques, les Tantes qui préparent les Servantes dont la seule tâche sera de faire des enfants[3].

À Dallas, Viktor Orbán n'a pas envisagé pour les femmes un monde meilleur.

Allons-nous le laisser faire ?

[1] Le Premier ministre hongrois était invité à la Conservative Political Action Conference. Le discours est disponible en ligne https://miniszterelnok.hu/speech-by-prime-minister-viktor-orban-at-the-opening-of-cpac-texas/ (consulté le 16 août 2022)

[2] Judith Butler, Trouble dans le genre, Paris, La Découverte, 2005.

[3] Margaret Atwood, La Servante écarlate, Paris, Robert Laffont, 2017 (1985).

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