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Billet de blog 30 octobre 2019

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Ma modestie m'interdit de le revendiquer, mais l’attachement à mon espèce la surpasse. C'est encore sain de corps et d'esprit qu'ici aujourd'hui j'écris que s’il s'agit un jour de sauver la terre et les hommes qui sont dessus, que mon ère soit. Je ne pose que deux conditions.

Je ne veux pas être crucifié, ni, même dans mon lit dans l’attente de ma mort, être donné en spectacle jusqu'à ce que mort n'en finisse pas de suivre ; comme ce fut le cas pour le pauvre Jésus. Et, j'y tiens, la célébration de ma naissance ne doit pas perpétuer la tradition de la dinde aux marrons. Je n'aime pas la dinde. Sa viande me gave et, c'est une banalité de le rappeler, le nom de ce volatile de basse-cour est synonyme de stupidité.

Entre le massacre annuel quasi sacrificiel d'une de ses générations à Noël et l’éclosion d'une nouvelle le printemps suivant dans des couveuses artificielles, il est exceptionnel de rencontrer une dinde vivante dès la messe de minuit le soir du réveillon, quand la plupart de ces volatils attendent déplumés dans un four qu’il soit minuit pour être mangés jusqu'aux os après un ultime apéro. L'absence de coexistence entre générations exclut donc toute transmission culturelle entre elles. Pourtant les dindes de printemps ne sont pas moins stupides que celles qui les ont précédées. La femelle pond toujours, mais à la chaine, des œufs que jamais elle ne couvera, tandis qu'en digne dindon le mâle nouveau tintinnabule comme l'ancien en glougloutant bêtement par un bec enfoui sous une espèce de pendante morve rouge que le moindre sens du ridicule inciterait à faire oublier. La connerie est donc consubstantielle à l'espèce.

Les êtres humains, drapés dans la cape d'une espèce dominant par le piège et l'estoc, se sont longtemps crus inaccessibles aux maux qui frappent les autres animaux. Or, crime de lèse-dominants ! voilà qu’irrespectueusement le VIH, un virus assez frustre pour n'être pas dangereux pour des cousins singes ; que la grippe porcine – la cochonne qui n'en voulait qu'aux porcs-; que la peste aviaire qui ne touchait que les oiseaux, dont les dindes issues dégénérées de dinosaures antédiluviens, attaquent, rongent et tuent les humains sans distinction d’âge ni de sexe. Après Darwin, qui en démontrant l'origine des espèces a démantelé la légende d’Ève et d’Adam, voici que des prédateurs invisibles ont fait s'effondrer la barrière imaginaire des espèces qu'avait décrétée celle d'ignorants qui croient tout savoir.

- Les hommes n'ont pas compris que si les lions, qui peuvent les bouffer et sont de plus en plus rares, se voient, les virus qui les tuent et s'adaptent constamment ne se voient pas", me souffle Bobosse mon neurone moqueur.

Il a raison Bobosse. L'humanité est sous la menace de parasites impudents et nuisibles que naguère encore, à l'instar du héron de la fable pour un goujon, nos leucocytes, de valeureux soldats dits globules blancs même chez les noirs, n'auraient pas ouvert pour si peu le bec. Nouvelle ère nouvelles chansons, après celles à sa gloire requiem pour des cons ? Si l'être humain n'est plus inaccessible aux maladies des autres animaux, s’il peut être infecté par les mêmes parasites qu'eux, pourquoi ne pourrait-il pas être envahi par leurs gènes et qu'il mute ?

 Il se dit que l'espèce humaine n'est pas la moins conne des mammifères, que la connerie recrute chez elle des clients tous les jours, avec, ajoutent certains, des pointes les jours d’élection. Il n'est donc pas illogique de penser que des apports génétiques d'autres espèces ne donneraient pas forcément des produits plus cons qu'il en existe déjà chez elle, sauf bien sûr avec des apports de dinde.

Pour moi c'est un axiome, une conviction que ma certitude dispense de démonstration, en cas d'hybrides dindes-hommes ou homme-dinde la connerie ne peut qu’être dominante.

Avec en l'air une foule d'êtres ailés pouvant, comme couramment l'homme, mesurer plus d’un mètre quatre-vingt du bec pourvu de 28 dents (la connerie excluant la sagesse) à la queue, pourrions-nous échapper à un perpétuel embouteillage de l'espace aérien par une foule de chalands emplumés aussi incapables d'aller au super grainetier sans prendre l'air que l'est l’humain actuel d'aller au super marché sans prendre sa voiture ?  Probablement pas. Alors adieu bronzette…!

Sachant que le risque de mutation tient à la gloutonnerie, c'est en tant que potentiel père d'ère, donc de repaire d'ans, je refuse que mon espèce soit exposée à une invasion par les gènes d’un volatile qui ne siffle pas, ne chante pas, mais glougloute ridiculement. Je m'oppose donc à ce que la dinde figure au repas de commémoration annuelle de ma venue au monde, le néo Noël.

Je n'ai rien contre les marrons qui ne sont pas d'Inde mais des fruits de châtaigniers quand ils sont comestibles ; cependant servir sans dinde sa rituelle garniture à la table de ce repas solennel pourrait commémorer ma naissance par une farce.

C'est pourquoi je décrète que le 4 novembre, durant l'ère qui portera mon nom on ne devra plus trouver de dinde aux marrons sur les tables de réveillon, mais uniquement des moules et des frites. Leur mélange dans l'assiette est délectable en bouche et je le préconise. Toutefois je conseille de les tenir préalablement dans des plats distincts ; car si le gras de la frite ne gâte pas la moule le jus de la moule ramollit la frite.

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