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Billet de blog 30 juillet 2023

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Lettre ouverte à un policier

Les policiers sont nos concitoyens, oui ou non ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mon cher concitoyen,


Te voici en grève larvée, parce que tu ne supportes pas qu’un de tes collègues se retrouve emprisonné pour avoir commis un supposé acte injustifié de grave violence. Si je peux comprendre ton émotion, je ne te cache pas mon étonnement : en quoi cette mesure judiciaire te pose-t-elle un problème à ce point sensible ?


Je n’ignore pas les difficultés spécifiques de ton métier, le manque de moyens et de considération. Sache que je le déplore. Je sais à quelles problématiques tu fais face chaque jour, à la violence des délinquants, des trafiquants de drogue, à la violence au sein des familles, sur la route, dans les quartiers défavorisés, à combien d’horreurs tu es confrontées... Je sais à quel point ta mission est nécessaire dans une société évoluée. Et ingrate.


Comme l’immense majorité du peuple français, je ne chante pas sur l’air de « tout le monde déteste la police ». Toutefois je m’étonne. Tu manques de moyens pour exercer ta mission de protection des personnes et des biens, mais tu sembles accepter, jusqu’à l’épuisement, de jouer le rôle d’une milice de répression des mouvements sociaux ordonnée par un pouvoir qui, tu le sais bien, te méprise en te flattant. Tu es le rempart et l’exécutant de la loi, de l’état de droit, mais tu manifestes une étrange solidarité lorsque quelques-uns de tes collègues outrepassent leurs droits et s’abîment dans ce qu’il est convenu d’appeler des « violences policières ». Je veux pourtant croire qu’il n’est pas nécessaire de te rappeler que le monopole de la violence légitime n’est pas un droit de tabassage ni un privilège d’impunité - au contraire, suis-je tenté de dire. C’est même autant que possible un enjeu de non violence. Tu es un fonctionnaire : que dirais-tu si d’autres fonctionnaires, les enseignants par exemple, se mettaient en grève lorsque l’un d’eux est mis en examen et emprisonné pour des actes de violence sur un élève ?


Il est vrai que tu n’es pas aidé par ta hiérarchie qui elle-même semble se soucier comme d’une guigne de l’état de droit. Depuis quand n’as-tu pas eu un ministre digne de ce nom ?


Méfie-toi des réflexes corporatistes, peu propices à la réflexion. Ta mission est de sécuriser la République, c’est-à-dire la population, à commencer par sa part la plus fragile, la plus pauvre, celle qui subit déjà la violence sociale. Tu es la République. Alors pourquoi abandonnes-tu ton image et tes intérêts professionnels à des syndicats dont l’idéologie est loin des idéaux humanistes et de l’impartialité qu’exige ta mission ? Pourquoi tolères-tu à tes côtés des collègues violents, racistes, d’extrême-droite, aux comportements de « beauf », toi qui souvent montres un sang-froid et un esprit d’abnégation voire de sacrifice exemplaires ?


Ton métier au service de la collectivité est certainement, avec d’autres tels que ceux de la santé, parmi les plus difficiles, les plus exténuants, les plus démoralisants. Les plus dangereux aussi. C’est pourquoi nous avons besoin de te respecter, de restaurer le contact, et, j’ose le mot, de t’aimer, sans quoi - sans toi - le pacte social n’est plus qu’un trompe-l’œil. Or tu admettras qu’il y a un problème récurrent à ce sujet : ce problème s’appelle « Steve » ou « Nahel ». Que ne te mets-tu en grève larvée pour refuser ce genre d’ordre ou de comportement aussi inutile qu’indigne de toi ?


Tu es chargé, mon cher concitoyen, de faire respecter la loi. Une telle mission d’exception a forcément ses servitudes, c’est là sa grandeur, à commencer par respecter et exécuter toute décision de justice, qu’elle te plaise ou non. C’est ton honneur, et c’est pourquoi toute la société devrait se mobiliser pour te soutenir, contre ta hiérarchie politique s’il le faut, pour des moyens dignes (humains et matériels, formation, salaire…) et une considération véritable. Afin qu’enfin tout le monde aime la police.
Salut et fraternité.

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