J’en profiterai pour faire en plus une estimation réaliste des futurs budgets de la GIPA, pour répondre en fait aux prévisions délirantes, faites à la louche, de l’auteur.
L'article en question : «Pourquoi la "prime" pouvoir d’achat des fonctionnaires (GIPA) doit être supprimée »
I. INTRODUCTION
C’est en août que devrait paraitre le décret pour entériner la « GIPA 2024 », ce qui n’est donc pas du tout certain (voir publi précédente). Aux dernières nouvelles, sa reconduction devrait être examinée en septembre ...
A cette occasion l’IFRAP a sorti un article en mai (maj en juin) censé inciter le gouvernement à supprimer cette GIPA.
Pour ceux qui ne connaitraient pas, L’IFRAP c’est, et pour reprendre une définition d’un ancien article de 2018 dans Marianne, « une fondation ultra-libérale très éloignée de toute rigueur scientifique, experte du lobbying au Parlement, arrosée par de mystérieux mécènes et noyautée par des chefs d'entreprise... ». En fait un lobby pseudo scientifique qui œuvre principalement pour inciter à la suppression du statut de fonctionnaire, à la libéralisation/privatisation de quasiment tout ce qui est encore public, et donc évidemment à la réduction de toutes les dépenses publiques quand cela peut profiter au secteur privé, etc. Avec à sa tête la fameuse Agnès Verdier-Molinié.
Plus d’informations – éloquentes - dans ce même article, par exemple (accès libre) :
Quand il y a moyen d’influer sur la suppression possible de dépenses publiques, l’IFRAP est là pour sortir un article dont la partialité n’a d’égal que son manque de rigueur scientifique, ce qui sera ici mis en évidence.
Ainsi l’IFRAP veut nous expliquer dans cet article, « Pourquoi la "prime" pouvoir d’achat des fonctionnaires (GIPA) doit être supprimée ».Je suis tombé sur cet article par hasard, il est donc récent (21/5/24, avec maj le 10/6/24), et j’imagine qu’il est censé pouvoir influer sur la non reconduction de cette GIPA.
A propos, c’est normalement pendant cette période que la décision doit être prise, avec arrêté d’application sortant en aout.J’en profite donc ici pour le commenter et l’analyse, avec d’abord un rappel important pour ne pas s’emmêler les pinceaux :La « GIPA 2023 » se calcule sur les années 2018 et 2022. Elle est nommée « 2023 » car le décret d’application est publié en aout de cette année 2023. Le paiement s’effectuant en théorie à partir du mois d’octobre, mais il semble que pour cette GIPA 2023 par exemple certains fonctionnaires ne l’aient pas reçue avant février 2024 …
II. ANALYSE
1) L’introduction de l’article
Après avoir rappelé la législation concernant la GIPA, l’auteur avance 4 arguments (les 4 points).
- Premier point, séparé en deux parties :
Ça commence très fort, avec une énorme « erreur » :
a) « le dispositif se déclenche quand bien même le revenu du fonctionnaire a augmenté plus vite que l’inflation en 4 ans, puisque les parts catégorielles et indemnitaires ne sont pas incluses dans le calcul du dispositif. Seul le traitement indiciaire de base (TIB) est concerné. »
Passons sur la coquille « base » au lieu de « brut » pour le « B » du TIB.
D’abord pour éviter une confusion éventuelle, il eut été judicieux de relier les deux premières phrases par « et que » pour qu’il y ait cohérence. Ce qui donne de toute façon une phrase fausse dans la très grande majorité des cas, puisque, d’après la méthode de calcul, que le salaire ait ou non progressé plus vite que l’inflation, il faut avant tout que ce soit le TIB qui ait progressé plus vite pour que la GIPA ne soit pas versée.
Une autre façon de voir les choses, qui montre combien cette erreur est grossière : si cette phrase était vraie, alors cela signifierait que la très grande majorité des fonctionnaires toucheraient la GIPA ! En effet, la grande majorité des fonctionnaires ont eu un passage d’échelon sur les quatre ans, donc une augmentation du TIB qui correspondra à une augmentation de salaire. Et évidemment dans la grande majorité des cas, cela ne permettra pas de toucher la GIPA. Cette « erreur » est vraiment grossière.
Après il faut évidemment comprendre, et cela sera explicité plus loin, que c’est lorsqu’il y a une forte inflation – non suffisamment compensée en indiciaire - lors des quatre ans pris en compte, qu’il y a aura une augmentation du nombre de bénéficiaires.Il aurait donc fallu écrire plutôt « le dispositif PEUT se déclencher… ». Mieux, la phrase qui convenait à ce qui semble être l’idée de l’auteur devait être :« le dispositif PEUT se déclencher même si le revenu du fonctionnaire a augmenté plus vite que l’inflation en 4 ans, c’est-à-dire lorsque le TIB a augmenté moins vite que l’inflation, mais que les parts catégorielles et indemnitaires - qui ne sont pas incluses dans le calcul du dispositif – auront par contre augmenté plus vite.»
Et c’est ce qu’il se passe pour nos plus jeunes collègues - enseignants - qui ont bénéficié des primes dégressives entre mai 2021 et septembre 2023. Et lors de période d’inflation «modérée » cela ne concerne donc que très peu de personnels.
b) « Si le gouvernement compense les augmentations de pouvoir d’achat par des primes, la GIPA se déclenchera de toute façon. »
Bon, il faut d’abord rectifier en remplaçant « augmentation » par « pertes ».Et dans ce cas, oui ! Puisque l’on part donc implicitement du cas où le TIB aurait augmenté moins vite que l’inflation.Cependant l’auteur omet évidemment de préciser quelque chose d’important, de crucial, et cela sera le cas dans plusieurs autres points :
la revalorisation par primes, plutôt qu’indiciaire, permet d’engendrer d’énormes économies sur la masse des (futures) pensions des fonctionnaires, puisque l’on parle de pensions qui seront payées ensuite pendant une moyenne de plus de 20 ans. C’est justement le principe de revalorisation par primes plutôt qu’en indiciaire, de par la spécificité de calcul de la pension : économiser sur les montants des futures pensions. Je parlais évidemment des fonctionnaires en général, puisque concernant les enseignants, c’est pire : la stratégie de tassement salarial qui nous est appliquée rigoureusement – et cautionnée par « nos » syndicats – fait que les pertes en salaires des fins de carrière ne sont pas compensées du tout en primes/indemnités, les passages en classe exceptionnelle ne concernant qu’une petite partie et ne permettant pas non plus de conserver les mêmes progressions salariales avec un point d’indice qui aurait été indexé sur l’inflation.
Bref, on ne peut pas ne retenir que les « inconvénients » budgétaires d’une mesure, lorsque celle-ci a été prise pour des « avantages » budgétaires bien plus importants encore !
- Deuxième point, encore en deux parties :
a) « Ensuite le dispositif n’est pas recentré sur les bas salaires, si bien que les revalorisations augmentent en progressant dans l’échelle des salaires jusqu’au hors échelle. »
D’abord, pourquoi le fait que ce dispositif ne soit pas « centré que sur les bas salaires » serait problématique ? On parle ici d’une compensation de pertes en pouvoir d’achat, et rien d’autres ! Il s’agit donc d’un hors sujet.
Ensuite il est complètement faux de dire que « les revalorisations augmentent en progressant dans l’échelle des salaires ». Il suffit de voir le tableau produit dans la publi sur la GIPA 2024 : ce sont les plus bas échelons qui obtiennent les plus gros montants de GIPA, et les milieux et fins de carrière ne touchent rien ou quasiment. Tout simplement parce que les pourcentages d’augmentation d’un échelon à l’autre sont plus importants pour les milieux et fins de carrière.Et il y a donc évidemment le cas où, quelle que soit la place dans l’« échelle de salaires », il n’y aura pas eu de passages d’échelons, donc grosses pertes en pouvoir d’achat, ce qui légitime alors complètement le déclenchement de la GIPA. C’est en fait dans ce seul cas bien précis où la phrase de l’auteur est correcte.
b) « Ce que cette prime différentielle sanctionne c’est notamment « les fonctionnaires bloqués au sommet de leur grille de rémunération». Le fameux « plafond de verre » que le ministre actuel de la Fonction publique Stanislas Guérini entend supprimer (avec les catégories) dans le cadre d’une réforme à venir de la fonction publique. »
Et c’est donc ici justement que l’auteur aborde ce dont on vient de parler…En comprenant que « sanctionne » est utilisé dans le sens « fait bénéficier ».Là on ne sait pas s’il s’agit d’un argument dans la tête de l’auteur. Puisque cette constatation est en fait un argument en faveur de la GIPA : les fonctionnaires ayant atteint leur échelon sommital ne peuvent se voir compenser leur perte en pouvoir d’achat – hormis primes éventuelles - qu’avec cette GIPA, justement ! Et s’il y avait la suppression de ce plafond de verre, d’abord il n’est pas du tout acté, ensuite on imagine que la suppression de ces catégories serait exclusivement faite pour engendrer des économies …
- Troisième point
« Pour les employeurs de la FPT et de la FPH il s’agit de contraintes budgétaires supplémentaires sur lesquelles les collectivités n’ont pas la main puisqu’il s’agit de mesures nationales décidées par décret. Ils paient cher le principe de parité appliqué à la gestion de l’ensemble des versants de la fonction publique en matière de mesures générales indiciaires. »
Voici que l’on commence à aborder le « combien ça coute ». « Un pognon de dingue » ?!
En fait le « Ils paient cher » fait sourire. Les agents de la FPT et de la FPH touchent une pension calculée sur le même système que les autres fonctionnaires. Il en découle que leurs employeurs ont un taux de cotisation de 31,65 %, largement supérieurs aux taux pratiqués dans le privé. Ainsi les revalorisations par primes, qui engendrent en grande partie le déclenchement de la GIPA, sont d’autant plus bénéfiques que les revalorisations indiciaires, avec des prélèvements qui retombent à 5 % (pour la RAFP). Sans même parler des coûts que représenteraient une revalorisation du TIB à hauteur de l’inflation …Ces « contraintes budgétaires supplémentaires » sont donc surtout un très moindre mal, qui ne font en fait que refléter de grosses économies en amont.
- Quatrième et dernier point
« Enfin, sa base juridique est extrêmement fragile puisqu’il ne s’agit que d’un dispositif réglementaire sans base législative, reconduit chaque année, et assortit d’une fiche d’impact environ tous les 2 ans. Le dispositif passe donc au-dessus de la tête du législateur et n’est pas systématiquement évalué chaque année par lui lorsqu’il vote les crédits de masse salariale de la FPE. »
Quel serait l’intérêt d’évaluer le dispositif tous les ans, puisque l’on sait (voir justifications plus loin) que plus le budget GIPA est important, plus cela signifie que l’Etat, ainsi que les employeurs de la FPT et de la FPH, auront fait d’importantes économies sur la masse salariale, et/ou les prélèvements retraites (montants des futures pensions pour l’Etat) … ?!
Comme déjà soulevé dans la publi précédente, il y aurait éventuellement des ajustements à faire pour éviter que des bénéficiaires de la GIPA soient ceux qui aient déjà été le plus revalorisés …
Vient ensuite la première partie :
2) « Un coût statistique extrêmement variable et difficile à maîtriser »
a) Analysons d’abord l’introduction : dans un premier temps et pour résumer, l’auteur déclare que le principe de calcul de la GIPA (qu’il rappelle) rend le « calcul de son évaluation de son cout complexe ». Une formulation pour le moins absconse, et dont le sens laisse à penser que l’auteur ne se rend pas compte de certaines évidences.
Car si ce n’est pas tant la prévision des futurs budgets GIPA qui est complexe, c’est surtout qu’elle dépend principalement de l’inflation – difficilement prévisible - et des revalorisations indiciaires éventuelles futures, qui le sont encore plus. Ainsi ce n’est pas, par exemple, à partir d’un simple graphique des précédentes GIPA que l’on pourrait prévoir les montants des futures GIPA. Pourtant c’est plus ou moins ce que fera l’auteur …
Par contre, et comme on le verra, il est possible d’avoir de bonnes estimations a priori des montants des futures GIPA proches, puisque les inflations sont en fait soit déjà connues (de l’année 2023 pour la GIPA 2024), soit facilement prévisible car en cours d’année (de l’année 2024 pour la GIPA 2025).S’ensuit d’abord une phrase navrante de trivialité :
« Globalement toutefois, il est possible d’affirmer que le coût de la GIPA est moindre en cas de revalorisation active du point de fonction publique. Au contraire toute politique de « gel » a tendance à faire augmenter le coût de ce dispositif. »
b) Analyse de l’exploitation faite sur les montants de la GIPA
- un « argument » basé sur … rien.
L’auteur montre ensuite l’évolution du budget de la GIPA (pour la FPE) entre 2010 et 2023, sans l’exploiter dans la foulée, alors qu’il s’appuiera dessus plus loin, cela ajoute de la confusion à un déroulé déjà mal ficelé.
Vient le graphique d’évolution du salaire moyen des agents de l’Etat. Et là on se demande vraiment si l’auteur est sérieux ?! Car il indique que « Par ailleurs, ce coût « compensatoire » est en réalité sans incidence notable par rapport à l’évolution salariale publique en général. ». Or, on parle d’une prime qui est censée compenser les pertes dues à l’inflation, pas une mesure censée augmenter les salaires ! Mais l’auteur n’hésite pourtant pas à présenter cette constatation évidente comme un argument …
- Précisions importantes : le coût relatif de la GIPA, ce qu’il dit des économies faites par l’Etat
C'est le moment de préciser un aspect important, qui se décompose en deux points, mais sciemment éludé par l’auteur :
- D’abord la masse salariale publique hors cotisations et contributions des employeurs a été de 234 Md€ en 2022. Et en 2023, la GIPA a coûté 227 M€. On a ainsi une GIPA qui aura coûté une somme correspondant à 0,1 % de cette masse salariale.- Ensuite combien aurait coûté à l’Etat une revalorisation du point d’indice des fonctionnaires à hauteur de l’inflation ? Les 1,5 % du dégel de juillet 2023 ont coûté 3,2 Md€ année pleine, et donc 1,6 Md€ pour la seule année 2023. Si on retenait l’inflation de 2022 pour une revalorisation du point d’indice (PI), donc de 5,2 %, l’Etat aurait alors eu à payer 7,9 Md€ supplémentaire, avec les surcoûts à prévoir concernant les montants des futures pensions correspondants. Alors si évidemment il y avait au moins eu revalorisation à hauteur de l’inflation par primes, ne permettant à l’Etat « que » de faire des économies sur les futures pensions, cela aurait paru acceptable, mais ce fut loin d’être le cas : il y a eu des revalorisations catégorielles diverses, dont celle pour les personnels enseignants en septembre 2023 (dans les 1,9 Md€ année pleine), et même s’il ne restait qu’un différentiel de 5 Md€, c’est une somme sans commune mesure avec le budget GIPA, et qui correspond à des bénéfices nets faits par l’Etat sur le dos des fonctionnaires … et de leurs futurs retraités !
L’auteur indique à la suite de la phrase précédente « Le salaire étant composé de dispositions catégorielles et indemnitaires (primes) n’entrant pas dans le calcul du traitement de base. »
Ce qui est superflu, puisque n’appuyant en rien l’affirmation précédente
- Des « erreurs » grossières, mais s’agit-il vraiment d’erreurs ?!
L’auteur produit alors deux tableaux de chiffres, un pour les montants de la GIPA par année (avec une erreur pour la valeur de 2021), l’autre pour les effectifs ayant touché la GIPA, et dans les deux cas par versant de la FP.
Puis un graphique montrant l’évolution des effectifs bénéficiaires uniquement pour la FPE (civile).
Tous plutôt fiables, provenant d’organismes différents. Et ce pour ensuite écrire :
« On peut observer une augmentation très vive du coût de la GIPA entre 2018 et 2023 pour l’ensemble des administrations publiques, celle-ci passant de 6,62 millions d’euros à près de 267 millions d’euros. Il faut noter qu’en 2018, la GIPA a été freinée par la revalorisation du point de fonction publique intervenue en juillet 2016 (+0,6 point) puis en juillet 2017 (+0,6 point) dans un contexte d’inflation faible. »
Jusque-là, tout va bien.
« En revanche, les revalorisations intervenues en juillet 2022 (+3,5%) puis en juillet 2023 (+1,5%) et l’attribution de 5 points d’indice majorés à tous les fonctionnaires au 1er janvier 2024 ne semblent pas encore porter un coût d’arrêt à l’envolée de la GIPA dans un contexte de forte inflation. »
D’abord l’auteur « omet » de préciser que, à forte inflation, il devrait y avoir forte revalorisation du PI. Et si à la hauteur de cette inflation, alors il n’y aurait plus de GIPA à payer !
Mais il y a surtout ici deux grossières « erreurs » (et demi), sur ce qui a déjà été pris en compte dans le calcul de la dernière GIPA versée, la « GIPA 2023 ».
Rappelons qu’elle prend donc en compte les années 2018 à 2022 pour le calcul, et qu’ensuite :
- Elle prend en compte les TIB de décembre 2018 et 2022.
- Elle ne prend en compte que les moyennes d’augmentation du PI (pour simplifier) de ces années.
Il en découle que la revalorisation du PI de 3,5 % de juillet 2022 n’a pour l’instant été prise en compte qu’à hauteur de la moitié, soit 1,75 %. C’est donc, évidement, une erreur que de parler de son effet sur les montants de la GIPA, sans donc préciser qu’elle ne l’a été qu’à moitié. Et a fortiori concernant la revalorisation du PI de 1,5 % de juillet 2023, qui ne sera prise en compte que dans la GIPA 2024 ! Et alors que dire des 5 points d’indice rajoutés en janvier 2024, qui ne seront pris en compte que dans la GIPA 2025 …
On est donc ici soit dans une volonté de tromper, soit dans l’expression d’incompétence sur le sujet …
- Comment transformer des économies d’Etat en argument pour supprimer la GIPA …
« Facteur aggravant, à compter 2021 le programme PPCR (remaniant les grilles indiciaires et les harmonisant dans la FPE et la FPT) est totalement achevé. Il n’y a donc plus d’effet décélération sur ce côté. »
Le fait d’utiliser le qualificatif « aggravant », pour finalement dire que la GIPA risque d’être plus importante parce que les fonctionnaires n’auront en fait pas été suffisamment augmentés au regard de l’inflation … comment dire … ?!
c) Analyse de l’interprétation et de la prévision faite du nombre de bénéficiaires de la GIPA
- De l’étonnement d’un nombre de bénéficiaires de la GIPA qui augmente fortement … quand la GIPA augmente fortement … ?!
Que dire de cette « analyse » qui suit sur l’évolution du nombre de bénéficiaires ? Doit-on être étonné,, même si le graphique présenté ne concerne que les agents de l’Etat, que son évolution suive celle du budget de la GIPA correspondante ? Evidemment que non, cette partie n’était donc pas vraiment pertinente, si ce n’est pour que l’auteur puisse se permettre d’en rajouter une couche dans son extrémisation, et qui plus est dans des prévisions très aléatoires :
« Leur nombre devrait exploser pour 2023 ».
- Tartufferie …
Vient ensuite le passage sur les catégories des bénéficiaires :
« On relève par ailleurs[8] que la GIPA jouera en 2023 une nouvelle fois en faveur des agents les mieux rémunérés (elle bénéficiera à 63% aux catégories A dans la FPE qui ne représentent que 55,2% des effectifs). Les rémunérations supérieures à 70.000 euros/an représenteraient 4,5% des agents titulaires de la FPE mais 12% de la dépense de GIPA, soit avec une dépense attendue de 140,7 millions d’euros, pratiquement 16,9 millions d’euros. En bas de l’échelle salariale, les fonctionnaires de l’Etat avec une rémunération en deçà de 30.000 euros/an représentent 8,3% des agents, mais ne bénéficieraient que de 3% de la GIPA soit 4,2 millions d’euros. »
Ah, l’argument censé faire frétiller le sentiment d’injustice chez les agents aux plus faibles revenus !
C’est plutôt cocasse pour quelqu’un qui bosse pour un organisme ultralibéral … Et donc, ce dont l’auteur ne se rend manifestement pas compte – normalement si, dans un but manipulatoire, mais un doute persiste au vu de ses erreurs affichées dont on ne sait pas (toujours) si elles sont volontaires ou pas – c’est que cela revient à remettre en cause l’échelle de revenus ! Car d’une part le montant de la GIPA dépend évidemment du niveau de TIB, mais en plus, comme on l’a dit, les montants sont aussi évidemment les plus importants pour les personnels ayant atteint l’échelon sommital. Ce qui signifie qu’ils auront donc perdu en pouvoir d’achat lors de ces 4 ans, dépendamment bien sûr des augmentations de primes éventuelles. Et en n’oubliant pas que, s’il y avait eu compensation de la perte du pouvoir d’achat en primes, les pertes en montants des futures pensions ne seront par contre pas compensées.Et faut-il le rappeler encore, une revalorisation du point d’indice à hauteur de l’inflation réduirait cette GIPA à néant, ou quasiment.
Si vous pensez que l’on a déjà atteint le fond du manque de rigueur, de la partialité et de la malhonnêteté, le pire est en fait encore à venir …
3) « Un fort risque de dérapage budgétaire en 2025 »
a) Première partie
- Un regain de rigueur jusque-là indécelable …
Contre toute attente, l’auteur va – enfin ! – partir de données exactes … enfin presque.
Je vais dans un premier temps rectifier les approximations faites dans le premières phrases, ça va, ça commence de façon soft :
« D’après la clé de calcul, la GIPA pour 2024 devrait comparer la variation du TIB intervenue entre 2019 et 2023 et l’inflation sur la période. »
Bon ce qu’entend l’auteur par « clé » de calcul, c’est évidemment la « formule », l’ « algorithme » de calcul de la GIPA. Je ne pense pas que « clé » soit un terme correct pour cette utilisation.
Ensuite, plus précisément c’est la variation du TIB entre les mois de décembre 2029 et 2023 qui est prise en compte.Et si on veut chipoter, ce n’est pas exactement « l’inflation sur la période » qui est prise dans le calcul, mais une « approximation » de l’inflation sur la période. En fait la différence entre la valeur moyenne des IPC (indices des prix à la consommation) des deux années considérées.
« Or celle-ci devrait dépasser les 12% tandis que la variation de la valeur moyenne du point entre 2019 et 2023 devrait atteindre 4,2% (8 points d’écarts). »
On aura en fait 12,37 % avec une variation de 4,28 % (donc 8,09 points d’écart).
« En 2025 le mécanisme se reproduirait soit une inflation moyenne sur la période de 14% environ, pour une valeur moyenne du point en augmentation de seulement 5% (soit 9 points d’écart). »
L’expression « inflation moyenne » n’est pas plus terrible que « inflation » seule, mais elle est plus explicite quant au calcul à effectuer pour trouver cette inflation, comme expliqué précédemment. Les 14 %, valeur prévisible est tout à fait plausible, au vu des IPC 2023 déjà connus, et sans a priori de raison d’une forte augmentation – ou diminution - de l’inflation.
Pour chipoter encore, la valeur moyenne du point aura augmenté de 5,05 %.
Mais surtout, deux points :
- d’abord l’auteur oublie ici de mentionner les 5 points d’indice qui avaient été rajoutés à tous les agents publics le 1er janvier 2024 ! En fait il les avait implicitement inclus dans la GIPA 2023 pour mieux servir sa « démonstration », et il aurait donc logiquement dû les faire intervenir dans le paragraphe précédent. A moins qu’il ne sache pas comment ces points doivent être pris en compte. En fait, c’est dans l’ITB/ITN que cette augmentation indiciaire aurait été prise en compte, mais pas, évidemment, dans l’augmentation du PI. On y reviendra.
- Ensuite ce sont donc « seulement 5 % » de revalorisation du PI qui serait pris en compte pour la GIPA 2025, parce qu’il n’y aura pas eu de revalorisation du PI en 2024 ! Et alors que les « 14 % environ » d’inflation prise en compte partent d’une hypothèse d’environ 2,5 % d’inflation en 2024 …
« Rappelons que pour la GIPA 2023, l’inflation entre 2018 et 2022 représentait +8,19% tandis que la valeur annuelle moyenne du point n’augmentait que de 1,8% (6 points d’écart). »
Juste ici une explication du 1,8 %, en fait un rappel : comme expliqué précédemment, pour la GIPA 2023 seule la moitié des 3,5 % de revalorisations est prise en compte (et pour toute la période). Donc 3,5 / 2 = 1,75, arrondis ici à 1,8 on ne sait pourquoi …
Bon, au moins, dans cette première partie, l’auteur montre qu’il a finalement bien compris que les montants de la GIPA dépendent du différentiel entre l’inflation et la revalorisation du point d’indice (mais aussi des gains indiciaires éventuels) sur la période concernée.
N’est-ce pas ?
Et c’est là qu’il en profite alors pour se lancer dans cette déduction pour le moins racoleuse :
« Le phénomène devrait donc s’accélérer malgré les augmentations générales consenties et faire doubler à chaque fois le nombre de bénéficiaires. Il en résulterait une véritable explosion du coût de la GIPA sans pouvoir le chiffrer précisément à l’heure actuelle. »
Rien que ça !!!
b) Deuxième partie
On a ici le plongeon final vers le grand fond :
« C’est en tout cas ce que l’on peut lire en creux des évolutions annuels passées de l’ITB, de l’IPC et de la valeur du point. La figure suivante fournie par la DGAFP permet de montrer que les phases où l’indice de traitement brut (ITB) est le plus élevé sont celles (avec un décalage d’un an) où la GIPA est la plus basse (voir graphique précédent).»
Alors là, oui, on a vraiment atteint le fond, même si cela ne parait pas forcément évident pour l’instant car il y a ici beaucoup de choses à dire, à expliciter !
Non seulement cette phrase est erronée, mais en plus elle tendrait plutôt à dire le contraire que ce qui est avancé dans le paragraphe précédent !
Ainsi donc cette conclusion spectaculaire est censée être « montrée » par le graphique qui suit. Enfin, plutôt par le graphique qui suit ET UN DES graphiques précédents (en fait le premier graphique). L’idée est donc que l’on fasse un gros effort pour superposer mentalement les deux graphiques, et constater que ce que l’auteur avait dit était vrai. Oui, oui, il faut que l’on se débrouille avec ça !
La moindre des choses aurait été de faire cette superposition – au moins l’un en dessous de l’autre, pour faciliter l’observation. Mais non. Cela cache évidemment quelque chose …Ce qui ne sera une surprise pour personne ici (n’est-ce pas ;) ), lorsque l’on a donc compris les paramètres qui jouent sur le montant de la GIPA. Mais on va faire comme si de rien n’était, et on va faire cette comparaison.
- Et pour poursuivre dans une analyse claire, il faut quelques préliminaires …
1) Car il faut d’abord comprendre de quoi on parle, avec un nouvel indicateur est apparu : l’ITB, cet « indice de traitement brut ». Que cela représente-t-il précisément ?
Il s’agit en fait d’un indicateur qui représente l’augmentation moyenne des traitements indiciaires de tous les fonctionnaires. Augmentation due principalement aux passages d’échelons, aux augmentations du nombre de PI et à sa revalorisation éventuelle.
« L’ITB-GI (et son équivalent en net, l’ITN-GI) évoluent notamment sous l’effet de l’évolution de la valeur du point fonction publique, de la revalorisation du minimum de traitement, et des mesures générales et des réformes catégorielles qui modifient la grille indiciaire. »
A noter qu’il n’inclut donc pas les gains lors des passages d’échelons (ce qui aurait correspondu alors au « GVT + »).
Ainsi il est logique de constater que la courbe correspondante est toujours au-dessus de l’axe des abscisses (axe horizontal), puisque les ITB ne peuvent pas être négatifs (contrairement aux ITN).
2) L’auteur parle donc, à partir du graphique, de l’évolution de l’ITB. En fait il s’agit plus précisément de l’évolution du « glissement annuel de l’ITB », ce qui est un peu différent. Explication : l’ITB se définit par trimestre. Pourquoi ? Car des revalorisations par exemple du PI en cours d’année ne peuvent pas être considérées comme une revalorisation pour l’année complète. D’où cet ITB trimestriel pour avoir des mesures plus fines. Ensuite, pour avoir des interprétations plus pertinentes de cet ITB, on utilise donc ce « glissement annuel ». Comme l’ITB est trimestriel, ce glissement s’effectue sur les 4 derniers ITB.On utilisera par la suite le seul terme « ITB » pour simplifier.
- Comparaison des graphiques :
Revenons-en maintenant à la comparaison des deux graphiques, et pour ce faire j’ai disposé ces deux graphiques l’un au-dessus de l’autre, en faisant en sorte que les unités graphiques de l’axe horizontal soient alignées :

Agrandissement : Illustration 1

La comparaison demandera tout de même des efforts, d’autant plus que la courbe des ITB est à isoler des 3 autres courbes, ou plutôt des deux autres, celle des ITN étant quasiment très proche. L’idéal aurait été de refaire les deux courbes dans un même graphique, rien de plus facile … mais aussi rien de plus long !
Donc rappelons que pour l’auteur, « les phases où l’indice de traitement brut (ITB) est le plus élevé sont celles (avec un décalage d’un an) où la GIPA est la plus basse (voir graphique précédent).»
Déjà on pourrait supposer que c’est ce que l’on constatera en regardant les graphiques, mais que c’est la généralisation – en fait la conjecture – que l’auteur en fera qui est une grosse erreur.
Eh bien même pas !
a) Entre 2010 et mi 2011, ça commence mal : l’ « ITB » est en phase d’augmentation, alors que le montant de la GIPA est en forte augmentation jusqu’en 2012.
b) A partir de 2015, cette GIPA baisse très fortement jusqu’en 2017, alors que l’IPN aura été proche de zéro de 2013 à 2016. On aurait donc ici une interprétation contraire à ce que l’on est supposé voir !
c) Entre 2019, l’ITN passe de 0 à 0,75 %, avec stabilisation jusqu’en 2020, pourtant la GIPA subit une légère augmentation constante.
d) Mais le plus flagrant est évidemment à venir. Car il suffit de faire ce que l’auteur n’a semble-t-il pas su (voulu) faire : trouver le graphique des glissements ITN plus récent. Il date de mars 2024, donc était disponible depuis 2 mois déjà à la date de cet article, qui avait été d’ailleurs mis à jour en juin. J’ai donc refait le même montage :

Agrandissement : Illustration 2

Et évidemment on constate ce que l’on savait déjà : en 2022, l’ITN augmente fortement, mais la GIPA aussi jusqu’à 2023, comme on le voit sur le graphique, mais comme on le sait aussi jusque l’année suivante 2024, et encore après d’ailleurs. C’est la constatation la plus évidente, qui ruine complètement ce qu’avançait l’auteur.
D’ailleurs l’auteur savait pertinemment que cela était ainsi puisqu’il l’avait bien dit dans les phrases qui précédaient :
« Le phénomène devrait donc s’accélérer malgré les augmentations générales consenties et faire doubler à chaque fois le nombre de bénéficiaires. »
Cela confine à la schizophrénie. Pour avoir un argument supplémentaire, l’auteur n’a donc pas hésité à en trouver un qui était en pleine contradiction avec un constat précédent. C’est quand même extrêmement rare de voir ça, surtout venant de « scientifiques » de l’IFRAP ! (on ne rit pas !).
La manipulation précédente est d’autant plus malhonnête et grossière que l’auteur avait bien montré avoir compris les paramètres qui influaient sur le budget GIPA : voir le « n’est-ce pas ? » en amont. Et donc, pour rappel, il dépend du différentiel entre l’inflation et la revalorisation du point d’indice (mais aussi des gains indiciaires éventuels) sur la période concernée.
- Prévisions des futurs montants (ou de l’effectif des futurs bénéficiaires) de la GIPA.
a) De la pertinence d’une extrapolation
L’auteur n’a visiblement pas pensé (décidément !) à estimer les montants des futures GIPA par extrapolation. C’est dommage puisqu’il s’agit d’une méthode niveau première/terminale. D’autant plus simple si on procède graphiquement avec un logiciel comme Géogébra, par exemple. Et comme en plus l’auteur avait bien montré qu’il voyait la corrélation entre les différences inflation/revalorisation du PI, il aurait dû trouver cela pertinent. Peut-être savait-il que les résultats qu’il aurait/avait trouvé ne lui aurait pas permis cette envolée lyrique des « faire exploser » ou «faire doubler » …
On pourrait ainsi ajuster les montants totaux de la GIPA (des 3 FP) en fonction des différences inflation/revalorisation du PI. Mais il y a un peu plus précis : dans les précédents fichiers de calculs que j’avais mis à disposition, j’ai fait intervenir ce que j’appelais « l’inflation rectifiée ». C’est le quotient, qui donne un pourcentage : (1+% inflation)/(1+% revalorisation PI) – 1.
On peut montrer mathématiquement et simplement, que le critère de déclenchement de la GIPA, revient à comparer le pourcentage d’évolution du TIB avec cette « inflation rectifiée ». Si le premier est inférieur au deuxième, alors le fonctionnaire aura droit de toucher la GIPA. Et évidemment, plus le différentiel est important, plus la GIPA sera importante. On peut donc en première approximation considérer qu’il y a une relation entre ces deux paramètres.
b) Remarques/hypothèses
- On suppose que tous les autres paramètres qui influent sur le montant de la GIPA restent constants ou, que leurs variations n’ont eu des effets négligeables. Comme les passages d’échelons – considérés comme paramètre constant - en ce sens que l’on considère donc que le gain en pourcentage qu’il engendre en moyenne chez les fonctionnaires est le même tous les ans. Ca ne vous rappelle rien ? Il s’agit des fameux « 1,5 %», qu’à l’époque une certaine O. Grégoire, ainsi qu'un certain S. Guérini avait rajouté aux 3,5 % du dégel du PI de juillet 2022, pour clamer cyniquement que les fonctionnaires avaient donc été en fait revalorisés de 5 % … ou comment décréter en creux que les passages d’échelon devaient avant tout servir à combler l’inflation …
- Mais il y a, comme cela avait été indiqué, un autre paramètre qui influe sur les montants de la GIPA : les revalorisations sous forme d’augmentations indiciaires, comme cela avait été le cas pour le PPCR (ou les récents 5 PI). On verra si cela doit être considéré comme un paramètre « constant ».
Et il y a aussi eu des refontes de grilles indiciaires pour certains corps à l’occasion du PPCR, que l’on ne peut ici que considérer d’avoir eu des effets négligeables.
- Pour remédier à cette imprécision, il serait finalement judicieux d’utiliser les ITB – qui incluent donc aussi les augmentations indiciaires hors passages d’échelons - plutôt que les seules revalorisations du PI. Encore faut-il avoir des valeurs précises, ce que je n’ai pas trouvé.
c) Extrapolation
L’image suivante montre le résultat de l’ajustement par une fonction polynomiale de degré 2, avec les résultats prévisibles pour les GIPA 2024 (421 M€) et 2025 (517 M€).

Agrandissement : Illustration 3

Ainsi la GIPA 2024 serait multiplié par 421/267 soit environ 1,58, et la GIPA 2025 par 517/421 soit environ 1,23. On est très loin des multiplications par deux successives qu’avait supposé – à la grosse louche – l’auteur de l’article !
D’ailleurs on passerait de la GIPA 2023 à la GIPA 2025 en multipliant par 517/267 soit environ 1,94, on n’atteint même pas le coefficient 2, quand l’auteur prévoyait donc un coefficient de 4 …
Remarque technique importante :
Comme dit précédemment, les augmentations en points d’indice n’ont pas été pris en compte, bien qu’elles influent sur les montants de la GIPA, en les abaissant évidemment. Dans quelle mesure ces augmentations influent-elles sur les montants de la GIPA ?
Déjà pour une « GIPA N », il faut qu’il y ait eu une augmentation indiciaire entre l’année N-5 et l’année N-1 (à n’importe quel moment de l’année). Ainsi il y a eu augmentation indiciaire pour les GIPA 2020 à 2023, qui a eu une répercussion sur les montants de GIPA correspondants. Bon, il faut préciser aussi que cela a eu une incidence sur le montant de la GIPA qui est fonction du nombre de points d’augmentations entre les deux années considérées, que l’on doit considérer ici comme similaires.
Mais pour la GIPA 2024, il n’y a pas d’augmentation indiciaire entre les années 2019 (année du report de la dernière mesure indiciaire du PPCR) et 2023 prises en compte.En conséquence, le montant de la GIPA obtenu en extrapolation correspond à une valeur que l’on doit considérer comme un peu inférieure à celle qui aurait été obtenue.Par contre pour la GIPA 2025 il y a augmentation indiciaire avec les 5 PI rajoutés pour tous les agents publics (je crois que c’était pour tous) au 1er janvier 2024. La valeur obtenue peut donc être considérée comme valable.
Remarque 2 (rappel) : Comme cela a déjà été dit, la continuation de l’augmentation relativement importante de la GIPA 2025 vient de la non revalorisation du PI en 2024, avec une inflation prise en compte d’environ 2,5 % pour cette année. Une non revalorisation qui engendrerait autant d’économies par l’Etat, en rappelant qu’une revalorisation d’1% du PI coûte un peu plus de 2 Md€ à l’Etat …
4) La conclusion de l’auteur :
Il continue évidemment dans l’extrêmisation injustifiée par
« La GIPA constitue une épée de Damoclès en matière d’évolution de la masse salariale pour le Gouvernement. ».
Comme déjà dit, il a raison, sur le principe, quand il dit qu’il n’y a pas de « prise en compte de l’ensemble des autres composantes salariales (indemnitaires et catégorielles) ».
Mais plutôt que de proposer une adaptation de cette GIPA, il tente évidemment d’argumenter pour une suppression pure et simple. Ainsi la fin des catégories aurait pour conséquence de supprimer les « plafonds de verre » et justifierait cette suppression. Et pour les autres cas légitimes ?Mais il va plus loin en ressortant le refrain libéral habituel sur l’insertion de primes au mérite, voire sur le présentéisme - qui remplaceraient donc les mesures catégorielles, ce qui justifierait de la même façon cette suppression.
Ce qui serait inique : car ce serait justement dans ce cas que la GIPA serait d’autant plus nécessaire, à moins de considérer qu’un fonctionnaire devrait, le cas échéant, compenser ses pertes en pouvoir d’achat – à partir d’un salaire de base – que s’il faisait partie des « plus méritants » …
Cela fait d’ailleurs penser au commentaire d’un certain Joël GIRAUD, ancien membre du parti radical de gauche devenu macroniste, à l’occasion d’un rapport au nom de la commission des finances en 2019 (lien donné dans l’article de l’IFRAP), et dont il était entre autres question de la GIPA. Il en parlait en ces termes :
«Cette composante vient diminuer la force que peut avoir la politique de rémunération comme levier de motivation et de maîtrise des dépenses en lissant les rémunérations et en atténuant l’effet des mesures catégorielles ou individuelles. C’est un système qui contribue à une vision focalisée sur le régime indiciaire. »
Il faut donc comprendre en creux, comme pour l’auteur de l’article dont il est question ici, que l’absence d’une garantie à ce que des salariés ne soient pas compensés en pertes de pouvoir d’achat ne saurait constituer un problème …
Enfin, « A tout le moins son recentrage sur les catégories aux revenus les plus faibles (C et B) serait souhaitable pour en maîtriser le coût financier qui en 2024 et en 2025 pourrait être amené à déraper. »
Donc de sacrifier les plus hauts salaires qui supposément auraient vraiment perdu en pouvoir d’achat. Ou quand une officine privé conseille au public de faire tout ce qu’ils n’accepteraient jamais pour eux …
III. CONCLUSION
Cet article ressemble à une commande faite où l’objectif est de trouver à tout prix des arguments pour une suppression de la GIPA. Force a été de constater, et même de démontrer, qu’il n’y a aucune rigueur dans l’établissement de ces prétendus arguments, jusqu’à ce que cela en devienne même caricatural.
Seul élément sensé : le fait que la GIPA ne prenne donc pas en compte les indemnités, les primes ni les « parts fonctionnelles ».
Cependant l’auteur évite surtout d’expliquer le contexte essentiel, le pourquoi des revalorisations par primes/indemnités plutôt qu’en indiciaire.
L’Etat applique depuis 1983 une politique de réduction des dépenses publiques en ciblant d’abord la masse salariale des fonctionnaires avec une revalorisation du PI un peu en-dessous de l’inflation, ce qui avait pour effet d’engendrer aussi des économies sur les montants des futures pensions. Cette politique a été appliquée rigoureusement à partir de l’année 2000, et jusqu’à 2010 elle a donc permis des économies, modérées mais constantes. En parallèle certaines catégories, dont les cadres A – hors profs évidemment – et les catégories B, ont été plus ou moins compensées des pertes en niveaux de salaire via des primes/indemnités. Avec des pertes en futures pensions qui demeuraient donc.
Puis vint le tournant de 2010, ce qui devait être absolument évité réussit quand même à passer : le gel du point d’indice.
Dès lors il y eut accélération des pertes en niveaux de salaires, et donc à hauteur directe de l’inflation puisque celle-ci n’était plus du tout compensée. Mais aussi, donc, et de par la formule de calcul de la pension, accélération des pertes en montants des futures pensions, à hauteur là aussi de l’inflation.
Les mêmes catégories citées précédemment continuèrent à ne quasiment pas perdre en niveaux de salaires, toujours par revalorisations ou créations de primes/indemnités (surtout la RIFSEEP). Avec de ci de là quelques rustines sous forme de revalorisation indiciaire, et quelques supposées améliorations de carrière via le PPCR qui n’aura constitué en fait qu’une très faible compensation (moins de 4 % de gains sur toute une carrière en moyenne).
Et lorsqu’il y a une forte inflation comme ces dernières années, on alors une accélération encore plus grande des pertes en niveaux de salaires (et futures pensions), avec donc des économies encore plus importantes pour l’Etat, qui bien sûr ne revalorise le point que largement en-dessous de ce qu’il faudrait pour compenser complètement l'inflation.
Dans ce contexte, la GIPA représente un thermomètre : plus ses montants sont importants, plus cela signifie que les pertes en niveaux de salaire ont été importants, avec donc même de nombreuses pertes en pouvoir d’achat. Et – dans un contexte économique non récessif – plus l’Etat, dont les recettes augmentent plus ou moins au niveau de l’inflation, fait d’économies. Il est alors des plus cocasses de voir l’auteur arguer des montants de la GIPA qui risque d’ « exploser », non seulement parce que cela est faux, mais qu’en plus les augmentations indiquent surtout une augmentation des économies faites par l’Etat sur le dos des fonctionnaires, de par les revalorisations indiciaires insuffisantes effectuées.
Demander la suppression pure et simple de la GIPA, relève de fait d’un cynisme crasse. Cela revient donc à demander surtout de casser un thermomètre, ce qui permettrait alors de mieux continuer à paupériser les fonctionnaires en général (pour leur futures pensions) comme prévu d’ailleurs, et bien sûr les enseignants en particulier, qui n’auront jamais été compensés des pertes en niveaux de salaires par des primes/indemnités : pour eux, c’est double peine, il n’y a pas beaucoup d’autres catégories de fonctionnaires qui auront subi un tel double déclassement.
Au-delà de la question de la suppression ou non de la GIPA, il y a donc le scandale qu’il révèle : une paupérisation des futurs retraités, et un déclassement salarial rigoureusement appliqué sur les enseignants en particulier. Un scandale pourtant éludé le plus possible par « nos » syndicats qui ont en fait depuis longtemps accepté ce déclassement, visiblement considéré comme nécessaire et inévitable, et contre lequel il serait donc hors de question de lancer un combat, qui serait pourtant des plus légitimes.