I. LA GIPA
Rappelons que la GIPA est une sorte d’indemnité censée compenser, pour les agents publics, les pertes supposées en pouvoir d’achat, et en prenant en compte l’évolution du traitement indiciaire sur une période de calcul de 4 ans.
On parle ici de la « GIPA 2024 », mais elle est en fait calculée sur les années 2019 à 2023. Elle est en forte augmentation par rapport à la précédente, de par la très faible revalorisation du point d’indice au regard de la forte inflation prise en compte sur cette période.
« Cette prime est prise en compte pour le calcul de la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP). À ce titre, elle donne lieu à une retenue de 5% sur son montant. De plus, cette prime est soumise aux cotisations sociales, à la CSG à hauteur de 9,2% et à la CRDS à hauteur de 0,5%. ».
C’est d’habitude en août que le décret de sa reconduction est publié. Mais cette année, rien de moins sûr, et à moins avoir loupé quelque chose, pas de trace d’annonce sur le sujet.
Voire éventuellement de précédente publis sur le sujet, ou sur cette page officielle :
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32517
II. CONTEXTE
Pour rappel le gouvernement Macron s’était engagé à reconduire cette GIPA « jusqu’en 2022 », sans plus de précisions. Toujours est-il que la « GIPA 2023 » (donc sur 2018-2022) avait bien été payée. Cette GIPA sera-t-elle donc reconduite une fois encore ? J’étais persuadé que non, pour la raison précédemment évoquée d’abord – le non engagement du gouvernement à le faire – mais aussi et d’abord parce que la GIPA 2024 serait plus importante que toutes les précédentes. Cependant le gros ralentissement de l’inflation (un peu plus de 3% seulement pour 2023), avec un dégel de 1,5 % du point d’indice en 2023 aura rabaissé énormément les montants prévisibles.
III. LE CALCULATEUR
A priori, le principe de calcul de la GIPA sera toujours le même, se basant toujours sur les mêmes paramètres dont les valeurs ont été mises à jour. Ce calculateur donnera donc un montant quasi exact, dépendamment des décimales utilisées pour les différentes valeurs (dont celle du point d’indice).
Fichier Excel téléchargeable, donc, et l’image suivante présente le montant de GIPA attendu pour les passages d’échelons les plus fréquents pour les enseignants (CN) sur les 4 ans.

Agrandissement : Illustration 1

Dans le calculateur la dernière ligne du tableau permet de rentrer ses propres indices (IM) de décembre 2019 et 2023 (cellules jaunes) pour obtenir le montant de la GIPA correspondant.
Lien fichier Excel calculateur à télécharger
IV. ARGUMENTS ALLANT CONTRE UNE RECONDUCTION
Ainsi on pourrait penser que cette GIPA pourrait tout de même être validée. Mais il y a au moins deux autres raisons – ou prétextes - qui iraient dans une volonté de ne pas la payer :
1) La plus évidente, c’est bien sûr la dette, et les demandes d’économies de la part du gouvernement Macron, B. Le Maire en tête. Une dette bien pratique, quand il s’agit de légitimer ensuite de baisses de budgets – qui deviendraient pérennes – et les réformes antisociales d’un gouvernement dont la mission principale – sinon la seule – est de continuer à néolibéraliser la France. Ce gouvernement a très certainement eu facilement la main lourde pour augmenter cette dette, dans ce but. Le plus cynique étant qu’une bonne partie aura indirectement fini dans la poche des actionnaires (crédits d’impôts, crédit recherche, flat taxe etc). En rajoutant que l’UE a donc lancé une procédure pour déficits excessif contre la France …
2) Concernant les enseignants (mais j’imagine pas que) et comme on peut le voir dans le tableau, la GIPA concerne, lorsqu’il y a eu passage d’échelon, exclusivement les débuts de carrière. Tout comme pour les GIPA précédentes. Et ce pour deux raisons : parce que la GIPA ne se calcule qu’à partir du traitement indiciaire, et qu’en plus ce sont lors des passages d’échelons des débuts de carrière que l’augmentation est le plus faible (surtout, en pourcentage). Rien d’anormal dans l’absolu, sauf que tout le monde sait qu’avec cette stratégie de tassement salarial qui s’effectue par primes dégressives, ce sont les débuts de carrière qui ont été le plus revalorisés ces dernières années (d’autant plus en pourcentage). Ainsi on arrive à ce qui apparait comme une contradiction : cette garantie de pouvoir d’achat profite à ceux qui auront été le plus revalorisés, et qui, au contraire des fins de carrière auront le moins perdu en niveaux de salaires. Cette stratégie de tassement salarial par primes dégressives est donc en contradiction avec les modalités de calcul de cette GIPA.
Même s’il ne s’agissait pas de primes dégressives, le fait que cette GIPA ne les prenne pas en compte remet en cause la pertinence de cette GIPA.
3) On pourrait rajouter une troisième raison : la volonté claire de ce gouvernement à faire des économies sur les dépenses publiques, même hors dettes, dans une logique de politique néolibérale.
On pourrait d’ailleurs faire un rapprochement entre cette volonté de supprimer cette GIPA et une interview d’une certaine A. De Montchalin (désolé pour les mauvais souvenirs !) qui sur Europe 1 en novembre 2021 avait trompé les auditeurs en sortant deux énormes mensonges sur le principe de fonctionnement de la GIPA (lien de la vidéo sur demande) : ainsi elle déclarait qu’elle ne concernait que les salaires en dessous du SMIC – ce qui est donc complètement faux – pour pouvoir mieux en conclure que, comme il y avait eu une revalorisation des bas salaires jusqu’au SMIC, alors cette GIPA devrait de fait disparaître … Habituer à ce qu’il soit normal que cette GIPA disparaisse, c’était la seule explication que j’avais trouvée à ces mensonges de la ministre de la FP – qui avait eu d’autres occasions de montrer ses talents de manipulatrice - qui ne pouvait pas ne pas être précisément au courant des critères d’application de cette GIPA.
4) Le montant – et bien sûr le nombre de bénéficiaires – des précédentes GIPA (2022 et 2023) était en forte augmentation, même s’il a été largement limité pour celle de 2023 par la revalorisation du point d’indice de 2022 (3,5%).
Il est d’ailleurs clair que le niveau de revalorisation du point de 2022 a été décidé en prenant notamment en compte les montants prévisibles pour cette GIPA.
Pour cette GIPA 2024, la revalorisation du point a été de 1,5 % en 2023 et, même si l’inflation aura été beaucoup plus faible que prévisible, cela reste d’autant faible que seule la moitié sera prise en compte dans le calcul. Ainsi le budget à prévoir pour la GIPA 2024 fera plus que doubler par rapport au précédent (voir publi qui suivra source allant dans ce sens).
V. ARGUMENTS ALLANT POUR UNE RECONDUCTION
Pas beaucoup d’arguments. Si les syndicats de fonctionnaires mettaient la pression dans ce sens, cela aurait pu en constituer un, mais je n’en ai pas eu l’écho.
1) L’argument principal puisque cette GIPA reste légitime voire essentielle pour ceux des personnels qui :
- n’ont pas eu ces primes dégressives et qui après calculs doivent bénéficier de cette GIPA.
- n’ont pas eu de passage d’échelon sur cette période de 4 ans : soit des cas particuliers qui restent rares en cours de carrière – la période de référence de 4 ans étant évidemment prise pour qu’un passage d’échelon ait pu avoir lieu – soit le cas de stagnation au dernier échelon.
2) De façon générale, plus la GIPA est importante, plus les économies faites par le gouvernement sur la masse salariale ces dernières années sont importantes, et à un niveau largement supérieur au budget de cette GIPA, rapport à l’inflation évidemment. Dans un contexte où il n’y a pas de récession, les recettes de l’Etat suivent plus ou moins l’inflation. Reconduire cette GIPA est alors la moindre des choses.
VI. UNE CONCLUSION
Cette GIPA n’est pas pertinente pour les personnels ayant bénéficié récemment de revalorisation par primes dégressives, donc pour les enseignants concernés par exemple, car occasionnant indûment un gros surplus budgétaire. Mais elle le reste pour une bonne partie des autres fonctionnaires.
En toute logique le gouvernement devrait à l’avenir la remplacer par une autre indemnité prenant en compte les primes de revalorisation (inconditionnelle), mais il semble plutôt qu’il finira par la supprimer, purement et simplement. En effet si on se projette dans les prochaines années, les GIPA suivantes continueront d’augmenter, de par la revalorisation trop faible en 2023, et la non revalorisation prévue jusqu’au moins en 2027. Pour rappel, G. Attal avait bien fait comprendre cyniquement que c’était le pacte qui devrait être considéré comme revalorisation pour ces prochaines années.
Le projet de refonte des grilles salariales et de suppression des catégories de fonctionnaires associé à une politique de revalorisation « au mérite » pourraient aussi justifier – en tout cas du point de vue du gouvernement néolibéral – la suppression de cette GIPA.
La question se pose aussi concernant les réactions syndicales – éventuelles. Mais quand on a compris que nos syndicats ont décidé depuis longtemps de ne pas s’opposer à la stratégie de tassement salarial qui nous était appliquée …