Quatre visages tirés du tableau d'honneur de la grande guerre

En cherchant quelque chose que je n’ai pas trouvé, j’ai retrouvé quelque chose que je savais posséder mais n’aurais pas pensé à chercher. Il s’agit, tiré d’une collection de l’Illustration, du tableau d’honneur de la guerre de 14-18 publié par ce journal à partir de janvier 1915. Chaque semaine cet hebdomadaire publiait sur une double page quatre planches de photographies des soldats cités à l’ordre des armées, généralement blessés ou tués accompagnées du texte de la citation figurant au journal officiel.  Il y a eu 674 planches qui chacune comportait entre 25 et 30 noms. Elles sont toutes visibles  ici

Nous aurions bien des choses à dire sur cette guerre, par exemple qu’elle n’est pas finie, ou que plus que des leçons de courage, elle nous donne celle de notre médiocrité par la comparaison des gigantesques moyens matériels et humains mis en œuvre pour préserver la nation relativement à ceux que nous consentons pour sauver la planète. Pour cette fois  contentons nous de ce bref hommage. Quelques visages tirés au hasard de cette masse, plus touchants que les grands chiffres qui les indifférencient. Au hasard parce que je n’ai parcouru que quelques planches, trouvé de très étonnantes formulations, des détails précis de la taille des amputations, noté qu’elles n’étaient jamais dépréciatives de l’ennemi.

Voici d’abord Jean Plaisance, sur la planche 321, dont la beauté m’a frappé, sergent du 13èm bataillon alpin de chasseurs à pied dont il est dit : tireur émérite, s’est fait remarquer dans tous les combats auxquels il a été mêlé depuis le début de la campagne, par son sang froid, un courage et une audace au dessus de tout éloge ; bien qu’ayant un commencement de gelure aux pieds, n’a pas voulu être évacué au moment ou sa compagnie allait à l’assaut, a continué à exciter ses hommes dans six assauts successifs de tranchées allemandes.

Sur la planche 3, une photo d’un père et de ses fils de la famille Aurousseau, c’est celui de droite dont la mort est signalée dans la citation. On retrouve assez souvent au fil de ces planches des frères, des pères et fils. Il est dit du père, colonel commandant le 108èm d’infanterie : a conduit, le 22 aout, avec intelligence et énergie son régiment à l’attaque d’une position ennemie et s’en est emparé. Apprenant, au cours du combat, la mort glorieuse de son fils, sergent du régiment, tué devant le front de sa section qu’il entrainait à l’assaut, a réprimé sa douleur et continué à diriger avec une rare énergie le combat mené par son régiment.

Le nommé Bunge, sur la planche 103, dont les exploits sont étonnants : étant attaché comme interprète à une formation britannique, a, le 8 septembre 1914, en traversant un bois où il se trouvait isolé, rencontré un parti de sept soldats allemands qu’il a, par son audace et son énergie, contraints à se rendre. Après les avoir conduits à son unité, est reparti, toujours seul, à la recherche d’autres soldats allemands dont la présence lui avait été signalé dans les environs, les a faits prisonniers au nombre de 32 et a ainsi réussi à assurer seul la capture de 39 soldats allemands qu’il a ramenés à son corps avec armes et bagages.

Enfin, et alors que je m’étais fait la réflexion qu’il n’y avait que des hommes, ai trouvé sur la planche 69, Mathilde Manger, receveuse des postes à Hannonville sous les Côtes : pendant la journée du 7 septembre 1914, a renseigné notre état major sur les mouvements de l’ennemi et a continué même après l’occupation du village.