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Billet de blog 13 février 2017

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Le retrait de Mélenchon. Un geste de haute intensité politique.

De deux choses l’une. Ou Monsieur Mélenchon croit aux idées qu’il défend ou il n’y croit pas. S’il n’y croit pas n’en parlons pas, il fait comme bien d’autres, il ne nous étonne pas. S’il y croit, s’il combat pour la dignité de l’homme, s’il a placé sa vie sous cette bannière, il n’a pas le choix, il doit faire bande à part, il doit nous étonner, il doit renoncer à sa candidature.

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Il doit le faire parce que s’il ne dispose pas des moyens d’être élu, il peut éviter ou au moins rendre plus difficile l’élection de Marine Le Pen (peu probable) ou pire encore, celle d’Emmanuel Macron (pire parce probable). Il le doit pour saisir une chance historique de permettre au peuple qu’il aime d’échapper au populisme le plus bête ou à l’apolitisme le plus ancré dans le fric.

Je ne suis pas un chaud partisan de Hamon, surtout pas du revenu universel. Mais le RU ne saurait se mettre en place sans un vaste débat qui permettrait de débusquer les loups cachés dans cette idée d’apparence généreuse. L’essentiel n’est pas de disposer d’un programme détaillé (sur ce point Macron a raison), mais d’une capacité à mettre la société en mouvement afin qu’elle prenne un peu de distance avec la maison qu’elle habite pour s’apercevoir à quel point c’est un taudis. En marche comme dirait notre fringant… quoi, je ne sais pas, disons « notre fringant » tout simplement, non pour confier notre avenir à la bande à gafa, à Messieurs Leclerc et Auchan ou quelques merveilleux jeunes français qui deviendraient milliardaires, mais pour tenter d’insuffler de la volonté politique dans le corps social tout entier, pas dans quelques verbeux manipulateurs de lignes budgétaires.

Assez de la rhétorique des traîtres. Il n’y a pas de traîtres, il y a des hommes équipés comme les autres et par chance d’un instinct de prédation, d’une volonté de nuisance. Des hommes laissés sans surveillance qui jouent avec le pouvoir et qu’il est aussi profitable à la conscience politique de désigner comme traître que comme imprudent un enfant de trois ans laissé seul avec une arme à feu. Surveiller ne veut pas dire regarder par les trous de serrure mais être co-responsable. Surveiller ne veut pas dire attendre la délation pour être informé. Hamon, élu, devrait être surveillé par des citoyens actifs, désireux d’améliorations dont ils seraient partie prenante et non  de gadgets politiques dont ils seraient acquéreurs ou bénéficiaires. Ce serait là la vraie nouveauté. Au lieu de rester bouche bée devant des programmes qui n’ont ni queue ni tête, agir pour contribuer à régler durablement au moins un problème dont dépend une évolution vers une société équilibré. Hamon a le mérite, même si son programme ne tient pas debout, de nous mettre sous les yeux un besoin de changement qui ne se contente pas d’accrocher le wagon de la politique à la loco des lobbies ou de la technique, définis comme un réel indépassable, mais de mettre en œuvre de la volonté humaine.

Mais, me diront les «insoumis», pourquoi faudrait il que ce soit Mélenchon qui se retire plutôt que Hamon ? Parce que, tout simplement, l’électorat du PS ne suivra pas Mélenchon, ira du coté de Macron. Ce qu’il fera aussi avec Hamon mais en moindre proportion. Le retrait de Mélenchon n’apporte aucune assurance de la présence de Hamon au deuxième tour, mais çà vaut le coup d’essayer et Mélenchon tirerait une autre gloire de sa contribution à cette tentative, même en cas d’échec,  que d’un dernier tout de piste soldé par une déconfiture. Rappelons à ceux qui veulent laisser un nom dans l’histoire que Jaurès n’a pas été Président de la République.

Résumons nous. Monsieur Mélenchon fait il de la politique ou fait il du Mélenchon, comme Fillon fait du Fillon et Macron du Macron ? S’il fait de la politique, il ne peut ignorer que ses idées ont plus de chance de progresser sans sa candidature qu’avec. S il se retire, sans aucune négociation ou compromission, il saisit la petite chance offerte par l’accident de parcours du PS (doublé par l’accident de Fillon) pour tenter de rendre une âme au peuple de France, il tente de nous éviter Macron. Il se comporte comme agent de l’Histoire et cesse de déverser des tonnes d’arguties pour en refuser le sens. Il redonne du sens au mot politique qui est en passe de devenir synonyme de voyeurisme.

Il ne faut pas lui nier la capacité de faire ce geste. Et s’il ne peut y parvenir, il faut espérer que ses électeurs potentiels lui donneront à comprendre qu’il est imprudent d’encourager l’insoumission. 

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