Le 19 avril, article sur le mariage pour tous
Hé les gars, hé les filles, c’est le printemps.
On pourrait pas prendre juste une petite journée pour le regarder, pour faire bourgeonner nos esprits, pour changer d’optique. Une journée sans braquer notre longue (ou courte ?) vue sur le front des médiocres, des méchants, des pervers, des criminels, des idiots, des grandes gueules, et chercher un type que personne ne connaît et qui serait suréquipé d’une merveilleuse qualité dont on ose à peine prononcer le nom : la gentillesse.
C’est difficile à trouver, on les voit mal. Mais le printemps on le voit. Je ne parle pas de la date officielle, mais du moment, de la semaine ou il déferle, ou il teinte de vert tendre les arbres qui semblaient morts, ou il donne des airs de mariées à tous les cerisiers (ce qui n’est pas si éloigné de l’actualité !). Pourquoi laisse t’on passer le printemps sans en parler ?
Le retour du printemps ! Je n’y suis pas allé voir (je me fiche de ce qu’ils possèdent et m’inquiète surtout de ce qu’ils ne possèdent pas, le bon sens de l’audace par exemple) mais je ne serais qu’à demi étonné qu’aucun ministre l’ait inscrit à son patrimoine.
C’est vrai qu’on en dirait toujours les mêmes choses mais des choses qu’il fait bon répéter. Un jour par an, en faible écho de l’accueil triomphal que lui réservent d’autres espèces, on tirerait de tous les coins de France des sensations de printemps et on ne parlerait que de çà. Imaginez : 789 commentaires sur le printemps ! Mon mois gratuit sur Médiapart est bientôt fini. Je vais peut être payer pour continuer un peu. Mais si Mr Plenel s’avance pour me dire ; cher Monsieur, vous avez mille fois raison, et nous ne passerons plus un printemps sans en faire au moins une une, je m’abonne définitivement. Juste un jour une une. A la deux, à la trois et aux suivantes on continue l’inventaire des fripouilles.
Bien sûr j’ai préparé ce petit numéro. Ne m’en veuillez pas, faites moi quand même l’aumône d’un petit clic pour garder le printemps à portée de vue (il restera deux place sur le podium pour les ardents protestataires) et rendre accessible le lien ci dessous dont me seront reconnaissants ceux qui le découvrirons. Ecoutez Ange-Toussaint Albertini. Il y a des hommes dont la vie et la voix sont porteurs de printemps. Comme çà je ne me contente pas de faire le malin, je donne quelque chose.
Le 3 avril, article sur Cahuzac
Déflagration ? Et pourquoi pas explosion atomique ?
Devant ce déchaînement de vertu, ces hordes de redresseurs de tords, l’envie vient de défendre un homme qui certes s’est fourvoyé mais vient de passer aux aveux d’une manière plutôt digne.
Voici l’occasion d’expérimenter une échelle de jugement à trois barreaux distinguant le navrant, l’accablant et l’épouvantable.
Cette affaire relève du premier registre, elle est navrante. Un fraudeur est pris, suite à un acte de délation qui n’a rien de glorieux, pour quelques dizaines (centaines ?) de milliers d’autres qui ne le sont pas ou qui, quand ils le sont, sont soumis à des amendes qui ne risquent pas de les dissuader de recommencer.
Cahuzac n’alimentait plus ce compte depuis 12 ans. On peut dire que cette pratique, simple symptôme d’une société malade du fric, était d’une ancienne vie et que cette expérience aurait pu être de grand secours pour traquer les fraudeurs par une sorte de Jean Valjean du fisc. La grande erreur a été la négation, est il est possible de rappeler à tous les commentateurs horriblement scandalisés que le mensonge est de loin la pratique humaine la mieux trempée ?
En témoigne avec éclat la devise de la République
Cà ne l’excuse pas, çà commande un peu de modération. Nous sommes en face d’un homme qui a perdu, qui a manqué de prudence. Car quand la présidence de la république déclare qu’un homme politique doit être irréprochable, il faut lire qu’il doit s’organiser pour qu’on ne puisse pas lui faire de reproche.
Laissons l’accablant, c’est un registre immense.
Et pour l’épouvantable, disons seulement que le scandale des scandales, c’est une société incapable de faire face à ses devoirs élémentaires de solidarité, incapable de penser sérieusement politique, que nous sommes tous acteurs de ce scandale et qu’il devient urgent de le mettre sur la table le temps qu’il faut pour le réduire, avec la même ardeur que pour courir d’une information à l’autre, d’un petit scandale à l’autre.
le 4 , même affaire
Il y a un scandale dans le scandale, c’est le déchaînement d’appel à la propreté qui nous fait courir mille fois plus de risques que les indélicatesses d’un Jérôme Cahuzac. A quoi servent les expériences du 20ém siècle ? Comme on a bien du mal à les penser, je serais partisan de créer un
COMITE DE SOUTIEN A JEROME CAHUZAC
qui soit un miroir tendu à la société qui lui montre des responsabilités dont elle ne peut se défausser sur des anecdotes de ce genre.
Chacun a vu les images d’hommes tirés par une voiture, généralement un pick-up, en punition de leurs crimes. Jusqu’à quand allons nous remorquer J Cahuzac derrière le pick-up de la vertueuse indignation ?
Il est vrai que l’ignoble personnage a menti. Menti à un pays si violemment épris de vérité que le mensonge le révulse. Menti à la représentation nationale elle même toute vibrante d’amour pour la vérité. Mais qu’est ce que cette représentation ? Est il sûr qu’elle représente la nation ? Cette appellation n’est elle pas un mensonge ? Une telle explosion de ressentiments envers un mensonge n’est il pas un moyen d’oublier que nous les tissons serrés pour former l’étoffe de la société, qui d’ailleurs s’effiloche dangereusement ? N’y a t’il pas un mensonge derrière – nous allons proférer un mensonge mais la vérité pardonne à la générosité et à l’espérance – un parlementaire sur deux qui prétend faire de la politique et n’est occupé qu’à faire carrière ? N’y a t’il pas un mensonge de porté beaucoup plus grande, car il laisse les peuples sans armes et sans vêtements pour affronter le rude hiver qui s’annonce, dans l’affirmation que la croissance va nous sortir de la crise ?
S’il fallait organiser un défilé de mensonges, il faudrait d’abord rallonger les Champs Elysée. D’autant que l’habitude de les entendre les dissimule à notre vue. Par exemple le mensonge des formules toutes prêtes du genre «il ne faut pas jeter l’arbre qui se cache derrière mon petit doigt avec l’eau du bain». Ou un autre, mieux caché, dont il est fait ces derniers jours un usage intensif, qui réside dans la formule «de droite comme de gauche» employé comme marqueur de vue large alors qu’elle est réductrice et dissimulatrice. On ne peut pas mettre un signe d’équivalence entre la droite et la gauche. Pour dire vite, la droite défend les privilèges alors que la gauche se donne pour mission de préserver la société de leur expansion sans limite. En conséquence à actions égales, là ou la droite exerce la vision qui est le sienne, la gauche trahit et il est insupportable de banaliser la trahison en disant qu’elle est «de droite comme de gauche». Les faits reprochés à Monsieur Cahuzac sont aggravés par son appartenance à la gauche mais son utilisation comme bouc émissaire par un groupe d’experts en trahison doit nous alerter.
Le titre donné à cette contribution est une demi plaisanterie, cependant Cahuzac, certes gravement fautif mais pas horriblement criminel, n’a pas a porter seul la honte de la trahison généralisée.
Le 8 avril, sur le blog Camédia
Intéressé par votre appel, j’y découvre une parole qui me semble juste et dont le seul inconvénient est qu’on peut la lire et la relire en des termes quasiment similaires depuis 30 ans. Pour autant évitons de nous interroger sur le pourquoi de cette longue impuissance car c’est encore rester dans la description de ce qui nous accable. Nous sommes si intensément mobilisés pour décrypter et décrire la misère du monde (sous ses multiples variantes et croisements dans les ordres matériel et spirituel) que nous sommes trop épuisé pour presser les ressorts à introduire dans cette mécanique funeste en vue de la faire bouger. Les constats bouffent toutes notre intelligence et notre énergie, nous en sommes réduits à être des huissiers courants d’une porte à l’autre pour vérifier que oui, c’est bien vrai, tout se casse la gueule.
Cependant je suis venu sur Médiapart (quelques jours avant l’affaire Cahuzac qui m’aurait plutôt fait fuir) pour entendre ce discours. Lecteur du Monde, je ne crois pas que Médiapart puisse remplacer cet extraordinaire robinet d’informations (en dépit des vives critiques qu’il mérite) et qu’en conséquence son rôle, s’il veut en tenir un, est bien d’être un média dans le vrai sens du terme, un moyen d’extraction, de mise au jour, de confrontation au réel d’un minerai politique (d’un désir d’être autrement ensemble) qui stagne au fond de nous. J’attends la fin de la période gratuite sur Médiapart pour savoir si je reste ou non. Si je reste je serais des vôtres, mais ce ne sera pas pour grossir le flots des plaintes et des protestations, ce sera dans l’espoir de contribuer à chercher, à trouver, à introduire du ressort dans la réalité molle et pourtant pétrifiante qui est la nôtre.
Le 25 avril, à propos d’un « chat pot d’accueil »
Je fais parti des recrues du 5ém anniversaire. Depuis bientôt un mois j’hésite à m’abonner ou non. Afin d’en juger l’opportunité j’ai laissé pas mal de commentaires, parfois un peu long, et j’ai pu constater que les lecteurs ne sont pas d’un bloc même si manifestement la sensibilité Front de gauche (bien que le mot sensibilité soit ici difficile à employer) était, sinon majoritaire, du moins la plus bruyante. Finalement je vais m’abonner. Le déclencheur est une réunion au Monde ou j’étais invité avec quelques autres abonnés à débattre des réseaux sociaux. J’ai fait aller retour mille km pour assister à cette réunion car je prends au sérieux, au moment d’une retraite prochaine qui va me rendre plus disponible, le choix du lieu où batailler pour tenter de faire avancer quelques idées. Cà ne peut être au Monde qu’une vision d’entreprise, qui veut garder la maîtrise totale, empêche de libérer l’espace interactif tout en se soumettant d’un manière affligeante aux exigences techno-machin de l’époque. En particulier, nous avons eu droit à l’exposé d’une batterie de chiffres sur le taux de pénétration des divers réseaux sociaux sans une seule référence au contenu, par une charmante jeune femme responsable au monde.fr et que Mr Niel aurait tout aussi bien pu embaucher pour animer des séminaires de réflexion pour les commerciaux de Free. On est vraiment en train de tout mélanger.
Je vais donc rester abonné au Monde papier – que je trouve irremplaçable – pour les trois ou quatre pages quotidiennes remarquables (ainsi que le fait observer Michel Butel dans son dernier édito de l’Impossible, autre référence pour moi) et m’abonner à Médiapart pour l’interactivité.
Nous sommes dans un marasme politique profond. On ne peut garantir que les réseaux, tel que celui des abonnés de Médiapart puisse contribuer à nous en sortir et en même temps il semble très probable que c’est avec leurs concours que nous remettrons la société en mouvement. Voir le mouvement 5 étoiles qui enfonce encore plus dans le marasme tout en démontrant que peuvent surgir, presque d’un jour à l’autre, 100 députés inattendus dans une assemblée. Il est commun d’entendre que les réseaux sont promesse du meilleur ou du pire. Or le meilleur ou le pire çà n’existe pas. Dans le cas le plus favorable c’est le meilleur ET le pire, la présence du pire étant garantie, pas celle du meilleur. Et si le meilleur est là, sa plus grande espérance doit être de disposer d’un peu plus de force que le pire, sans perdre de vue que c’est toujours une situation instable.
Je dis cela parce que c’est important, parce que l’existence du débat ne suffit pas à l’élaboration démocratique d’un modèle politique, qu’il peut même en constituer le frein le plus puissant quand on idéologise, comme on le fait aujourd’hui les techniques de communications, quand l’abondance semble nous suffire même quand elle ne fournit aucune construction. Qui ne voit que les réseaux sociaux sont un nouvel opium du peuple, un opium d’une extraordinaire, peut être inexpugnable efficacité, car il ne s’agit plus d’être passionné par Dieu ou par le foot, mais passionné par soi même et de renforcer une addiction qui disposait déjà d’encouragements naturels. Quelqu’un doute t’il que la plus grande part des contributions qui semblent nourrir un débat riche et abondant sont d’abord faites pour se plaire à soi même et qu’elle se moque de leur éventuel caractère contributif ?
Je ne prétends pas être à l’abri de ce défaut. Très peu de gens le sont, quelques saints peut être mais ils doivent préférer le secret d’une vie discrète. Mais il me semble qu’une communauté qui ne refuse pas de connaître ce problème est capable de formuler des principes qui la dépassent. Tel est le ressort qui animera mes interventions, jamais anonymes, jamais agressives envers les personnes mais furieusement agressives envers les radotages qui se prennent pour des idées. Et toujours soucieux de laver le langage. Les scientifiques disent que nous sommes composé à 90% d’eau, c’est faux, nous sommes composé à 90 % de langage. C’est un deuxième corps sous notre peau. Il faut le laver, le parfumer, c’est le rôle de la fantaisie et de l’humour, il faut le soigner préventivement et quant il est malade, c’est le rôle de la poésie et de la philosophie. Ensuite il peut sortir dans la rue. Voilà un principe avec lequel je n’ai fini de vous emmerder : si vous n’allez pas régulièrement frotter votre parole au sublime, vous ne pouvez répandre autre chose que de la grisaille.
Idem – une réponse à un commentaire
Merci à vous d’avoir pris la peine de me lire. Juste un mot sur le «sérieux». Je suis comme vous, je crois qu’il faut l’être, qu’il est impératif de l’être mais qu’il suppose de ne pas envisager le mouvement sans accorder son pas avec l’amour, le printemps, l’art, sans garder sous les yeux, au delà du terrifiant inventaire des catastrophes présentes et à venir, le fait miraculeux de vivre. Il n’y a que la lumière de ce miracle pour éclairer nos manières d’être et d’agir.