Car Macron c’est aussi le pire même si c’est le moins pire. Ce n’est pas le ni droite ni gauche dont nous aurions besoin pour régénérer la pensée politique à l’abri d’un clivage qui l’a enfermée dans un simplisme stérilisant, c’est un pas de plus vers ce qui est peut être irrémédiablement engagé : le remplacement du citoyen par le client, les conditions de l’existence inventées et fournies par les entreprises et non par l’ensemble de la communauté humaine, ainsi que c’est le rôle de la politique de le proposer et le mettre en œuvre.
Abandon de la politique programmée - pas besoin de complot, la pression sans limite des intérêts particuliers suffit - par une société dont le dieu se nomme marchandise et au culte duquel sont dédiés des moyens très supérieurs à ceux qu’en d’autres temps on réservait à la construction des cathédrales. Aujourd’hui, en France, le budget consacré à la pub sous toutes ses formes est équivalent à celui du ministère de l’éducation national. La pub a le même projet que l’éducation : élever les hommes. La première dans le sens d’élevage, la seconde dans celui d’élévation. Des deux sens du mot élever, quel est celui qui triomphe ? N’avons nous pas sous les yeux assez de signes pour dire que notre époque est celle d’un élevage des hommes par la marchandise ? Est il besoin de le démontrer sur 300 pages ? Et même si l’on conteste ce constat déplaisant, qu’on se raconte des histoires sur la liberté, n’est il pas utile de mettre quelques entraves d’ordre éthique, esthétique, poétique, politique au style de société vers laquelle on veut nous mettre En Marche ?
En ce moment de bascule historique, pas la fin de histoire mais la fin de la politique dont l’actuelle campagne présidentielle donne un aperçu saisissant, un homme dispose du moyen de poser une entrave un peu sérieuse, c’est JL Mélenchon. Son retrait sans aucune forme de négociations serait ce moyen. Il est évident qu’il ne l’emploiera pas et évidemment pas certain qu’il suffirait à nous préserver de Macron, mais ce n’est pas parce qu’il ne le fera pas que nous devons nous y résoudre et nous dispenser de dire que toutes les contorsions rhétoriques pour expliquer ce choix ne peuvent dissimuler un fait massif : son retrait ouvrirait, son maintien ferme. Et dans le cadre actuel de très grande urgence écologique et sociale, ne pas se saisir de cette possibilité relève d’une obstination criminelle. Une telle conjonction ne se représentera peut être plus avant les monstrueuses déflagrations qui, potentiellement, sont en germes dans notre monde.
On ne sait ce que ferait Hamon, ou plutôt la présence de Hamon à la tête de l’Etat car au nombre des « fake news » de l’époque celle qui veut nous faire croire que le président dirige le pays n’est pas la moindre, mais il pourrait être une faille dans le système, stimuler un débat en vue de définir un cadre d’accompagnement des multiples initiatives qui, tout de même, tentent d’ouvrir des brèches dans les carcans d’un libéralisme qui porte mal son nom. Fermer cette possibilité c’est semer la désolation. Préférer le rien au peu, préférer Macron à Hamon relève d’un aveuglement historique, d’une obstination criminelle. D’une obstination criminelle, oui çà fait trois que je le dis. Il faut le dire et le redire à propos d’une attitude qui, aussi conforme qu’elle soit à la raideur courante, revient à ne pas lever le camp quand l’eau monte sous prétexte qu’on a pas plié son pyjama. JL Mélenchon pourrait être surnommer Corne d’Auroch comme le personnage de la chanson de Brassens qui préfère mourir, refuse la thérapeutique « parce que c’était à un allemand, au gué, au gué, qu’on devait le médicament, au gué, au gué » . Tiens voilà un titre pour ma chronique et il se chante. Cà ne console pas des lendemains qui ne le font pas mais çà met quand même un peu de vin dans notre eau croupie.
Combien de temps faudra t’il subir cette politique dépourvu de sens, cette nuit des objets, connectés ou non, des marchandises sans oreilles, sans yeux, sans toucher, pourvues d’un seul sens, celui qui permet de transformer de la réalité, n’importe quel petit bout de réalité, en dollars.
S’il faut mettre un bulletin Macron dans l’urne je le ferai, plutôt que la belle Marine mieux vaut la continuité du vide en attendant les propositions qui puissent fédérer les citoyens autour d’autre chose que la résignation. Je le ferai, je donnerai ma voix à cette essence, à cette expression chimiquement pure de la marchandise, je me rendrai à ce commandement : toute résistance est inutile. Je le ferai mais j’aurai une pensée pour Monsieur Mélenchon et pour ceux qui, en votant pour lui, auront détruit pour longtemps non pas la gauche, un concept devenu creux qui ne mérite pas meilleur sort, mais l’espérance de ceux qui ne croient pas que le marché et le fric doivent être les éléments principaux du décor de la niche écologique de la personne humaine.