C’est l’automne. On va pouvoir lâcher le jardin et se remettre à la politique. Cà tombe bien, j’ai deux trois choses à dire d’une matière difficile à prendre au sérieux tant elle produit de mensonges : solennelles déclarations de projets qui n’ont aucunes chances de dénouer les problèmes qu’ils sont censés résoudre. Entre particuliers, le mensonge détruit la confiance, en politique il détruit le langage. Dés lors comment faire de la politique quand on ne dispose que de cadavres de mots? Ne vaut-il pas mieux la laisser à des gens équipés d’un QI respectable, d’un plan de carrière, d’un plan com et s’occuper de nos affaires à nous personnelles avec l’aide bienveillante des GAFA ?
Il était difficile de la prendre au sérieux mais depuis qu’il faut donner du Monsieur le Président de la République à un galopin, c’est tout à fait impossible. C’est un premier apport important de Macron. Si nous nous prenions un peu moins au sérieux, nous serions peut être déjà en marche, pas vers un monde enchanté mais meilleur autant qu’il se peut. Un second apport est le fameux «en même temps». Notons au passage, pour notre gouverne, la force de ces formules, très petites embarcations, points de repères sur des océans de propos vides ou sans effet. Une des plus redoutables est la matraque qui semble taillée dans le bon sens «il faut vivre avec son temps».
Ce «en même temps» EMT pour utiliser un macronyme*, est précieux. Il faut en extraire les virtualités explosives, cesser de nous focaliser sur l’aspect marketing de son irruption. Nous avons un énorme besoin d’idées pour concevoir des formes diverses du vivre ensemble.
Il est de notoriété publique que le cargo affrété par Macron bat pavillon de la finance, ne transporte que de l’argent, des chiffres, du budget. EMT, la finance aurait elle triomphée sans l’anesthésie de la pensée de gauche ? Pourquoi ne pas tenter, avant de dire que ce n’est pas possible, de lui faire embarquer des denrées plus rares, de la liberté, de l’égalité, de la fraternité, présentes dans la devise de la République dont se réclame le mouvement du président.
Les institutions démocratiques sont endommagées par l’usage de la parole à fin de communication et non d’échange. Elles disposent encore d’une réserve de conscience dont l’activation dépend de nous et non de ceux qui s’en sont emparés. La jeunesse et l’ambition de notre président sont un espace pour les idées nouvelles. Parvenu au somment du pouvoir, son dernier espoir de réussite est de laisser sur l’histoire une empreinte moins anecdotique que celle de son âge. Il ne peut devoir cette ultime promotion qu’en contribuant à l’avènement d’un monde mieux équilibré. Comme il ne manque pas de dispositions pour la déloyauté, il ne faut pas s’alarmer de ce qu’il doit à la finance.
La notion d’équilibre est au cœur de l’EMT. Il faudrait en parler longuement, ce n’est pas le moment. Faisons vite. L’équilibre ce n’est pas le compromis entre des forces, qui paralyse la société, c’est au contraire leur affirmation. En caricaturant, deux très anciennes forces passent par chaque individu et traversent la société. Celle de la présence physique, biologique, et celle de l’histoire de l’humanité. Celles du «je» et celle du «nous». L’art de la politique, la recherche de l’équilibre c’est l’action sur l’articulation du «je/nous» dont la dégradation est cause d’une société claudicante. Les universelles litanies sur la férocité de l’individualisme donnent à penser que la déficience provient d’un nous qui aurait besoin d’être repensé et pratiqué à nouveaux frais. Ce qui implique une pluralité de propositions, une active mise en œuvre de l’EMT.
Des propositions faites à toute la société, tout de suite, afin d’en éprouver l’acceptabilité et la faisabilité, et non après d’hypothétiques échéances qui permettraient de chasser le pouvoir en place avant d’en installer un autre. Le temps presse pour activer une vision du nous adaptée aux dérèglements climatiques (tempêtes) et humains (terrorisme, inégalité sans borne). Macron est là pour cinq ans, peut être dix. Reporter à l’après Macron les actions décisives est absurde et criminel. Se distraire de cinq en cinq ans en virant le président sur les épaules duquel nous posons la somme de nos incapacités est absurde et criminel. Ce qui peut être fait doit être fait et le concept de l’EMT mené à son terme. Lutter contre certaines idées effarantes de Macron n’empêche pas que notre intérêt supérieur se confond avec le sien. Au lieu de le remercier au terme de son mandat, il vaudrait mieux le reconduire pour de bonnes raisons. Dans une démocratie vivante, et il ne tient qu’à nous qu’elle le soit, la question n’est pas seulement de savoir ce que Macron fera de la France mais ce que la France fera de Macron.
Il faut agir. J’ai fait l’expérience de Nouvelle Donne (post du 14 décembre 2013). Nous étions une bande de petits poucets dans une assez petite clairière, les poches pleines de cailloux blancs pour tracer un chemin pour nos frères et je n’ai pas été le dernier à vider les miennes. Après quelques semaines s’est formé un inextricable tas de gravats qui a donné la direction du renoncement à la plupart d’entre nous. Cette inaptitude à tracer un axe principal, à ne pas se perdre tout de suite dans des considérations qui devraient venir plus tard, ne concerne pas que cet éphémère petit mouvement.
Je propose la création d’un parti qui saura rire de lui. Le mot parti, auquel les partis renoncent, dans le sens de prendre parti et non de se projeter vers le pouvoir. Un parti pour penser le nous, pour piquer la conscience, un Parti de la Vie Commune dont l’acronyme, PVC, affichera sa modernité contre la langue de bois, toujours dénoncée et toujours omniprésente. Le PVC a d’abord été, dans mon esprit gagné par le fatalisme, le Parti des Vieux Cons en écho à une formulation répandue pour disqualifier la critique de l’invasion technologique. Je le dis pour ne pas cacher ces prémisses blagueuses. D’ailleurs les deux significations peuvent coexister en vue d’élargir la base de recrutement et même s’étendre à ceux qui intégreraient volontiers un Parti des Vrais Communistes ou des Valeurs Chrétiennes.
Une Petite Volonté Citoyenne qui prendrait racine ici, dans Médiapart, parce que la démocratie a besoin d’une presse libre et qu’une presse libre doit s’impliquer dans sa construction, pas seulement dans la protestation, pas seulement dans l’enfouissement des consciences sous une indignation qui dispense trop souvent de la responsabilité.
Pour ne pas avancer masqué, voici en quelques phrases les idées que je souhaite soumettre à la critique fraternelle. La fraternité ce n’est pas la complaisance. Elle autorise les jugements sévères, jamais le mépris.
Le chômage !
Vu depuis le Je, c’est une portion de population pesante et une source d’angoisse qui se répand jusqu’aux enfants. Depuis le Nous, si nous prenions la peine de regarder depuis là, nous considérerions que c’est une portion de population disponible et ne trouverions pas, en regards des services qu’elle pourrait rendre, que sa taille soit excessive. Cela modifierait notre regard sur l’entreprise sur laquelle nous faisons peser une trop grande part du destin de la société. Que les entreprises ne puisent absorber toute la main d’œuvre disponible relève de la responsabilité de toute la société, de formes d’organisations nouvelles, pas seulement de celle des entreprises.
Pour qu’elle exerce cette responsabilité, qu’elle tire profit des gens disponibles, qu’elle transforme une source de perte en source de gain, la société doit s’impliquer au plus près du terrain, répartir les problèmes qui peuvent l’être et non les globaliser et les rendre ingérables. J’imagine une entité territoriale de base, sensiblement homogène en nombre de ressortissants, très hétérogène en surface, allant par exemple d’un minimum de 500 en zone rurale à un maximum de 2000 en zone urbaine. Elle se nommerait commune, serait rattachée à une ville, la ville à une région, et la région EMT et à équivalence à la France et à l’Europe, plaçant chaque citoyen à quatre pas institutionnels de cette dernière et non à six. Beaucoup de nos difficultés proviennent du déficit du sentiment d’appartenance, très nourricier de l’individualisme. Cette appartenance, condition de la démocratie, doit passer par la proximité pour se projeter valablement vers des ensembles plus vastes.
Il reviendrait aux communes de rendre précieux le concours des gens disponibles. Entretien des espaces communs (sans souffle feuilles), recyclerie de proximité, mais aussi travail dans des domaines ou nous avons atteint un seuil d’indignité. Aides aux personnes âgées à domicile, suivi de délinquants qu’il est absurde de mettre en prison, accueil de migrants, soutien scolaire et mille autres activités liées aux caractéristiques du lieu et aux personnes qui y sont présentes. Une sorte de communisme, une proposition de vivification de la vie commune, sans aucune obligation pour personne, qui rendrait moins ridicules nos références à la démocratie athénienne.
Un projet à présenter avec le sourire, tant il est éloigné du discours ambiant, magnétisé par les mastodontes et par l’idée grotesque que pour tempérer leur présence il faut leur opposer d’autres mastodontes. Ne pas se prendre au sérieux pour avoir une chance d’extraire un peu de l’énergie noyé sous une complexité et des normes d’opérette par ceux qui se prennent au sérieux. Même si le système communal ne remplissait pas les missions sus citées, il serait l’échelle pertinente pour l’exercice de la démocratie et offrirait un mode unificateur, sans être massificateur, de relations à la nation, sans empêcher la grande variété des modes de vie, campagne ou métropole avec tous les échelons intermédiaires.
Un projet EMT ni de droite ni de gauche. Si on est cinq, on s’y colle. On s’inscrit ci-dessous. Les premiers seront les premiers, numérotés dans l’ordre d’arrivée. Tout de même, ce ne serait pas rien d’être le membre 001, 002, 003…etc. du PVC dont le succès est pour ainsi dire, probablement, sans aucun doute.
*Un macronyme est un acronyme en relation avec le Moi. Il contient les initiales de celui qui l’initie. EMT contient en même temps les siennes et les miennes, c’est inespéré.
PS : impossible d’approfondir dans ce cadre la notion de vie commune. L’extraordinaire composition entre un être biologique et un être social, culturel, qui rend chacun de nous unique, demande une approche poétique et philosophique, véritable enjeu de cet appel, futur de nos éventuels débats. C’est dans la collectivité, pas seulement dans celle qui nous est contemporaine, dans celle qui assure la continuité de l’aventure humaine depuis l’aube des temps, que l’individu puise sa force. La défense et illustration de la vie commune aurait pour objectif de donner une forme de matérialité à cette réalité. Pour lutter contre un fléau comme le terrorisme, nous avons autant besoin de la conscience vive de cette réalité que des dispositifs, évidement indispensables, de détection et de répression. Introduire ce motif dans la sensibilité pourrait être une première mission pour le PVC.