Plus qu’une autre fois, je voudrais avoir dans ma besace, pour convier quelques lecteurs à cette courte promenade, pas plus de trois ou quatre mots clairs. Non pour fournir une explication raisonnée du titre mais une impression assez durable pour stimuler une mémoire que l’époque semble avoir calée sur la persistance rétinienne. Elle nous rend oublieux, désinvoltes avec des réalités qui nous crèvent les yeux, nous les crèvent si bien qu’elles nous rendent aveugles.
François Hollande n’est évidemment pas responsable de cette dévastation, il en est le symbole. Plus que médiocre il est image d’une histoire médiocre. Comment un homme qui devrait servir de guide, dont le devoir serait de mettre en garde ces concitoyens contre l’emprise grandissante, accablante de la marchandise, se range à son coté et prétend que notre salut ne peut venir d’ailleurs, qu’il faut encore plus de marchandise pour échapper au sort qu’elle nous fait ?
Quel rapport entre Hollande et l’âme ? Ce mot n’est il pas de ceux qu’il faut éviter tant il est imprécis ? Certes il ne veut rien dire et cependant tout le monde le comprend. Comme dit la môme néant, çà ‘xiste pas l’âme, mais çà se vend, çà se perd et puis çà manque énormément.
L’âme est l’essence de l’existence, le lieu invisible ou brille une petite flamme qu’il ne faut pas quitter des yeux. Une petite flamme plus ou moins enfouie mais jamais éteinte, sur laquelle chacun met à frissonner dans son récipient personnel, épicé des ingrédients choisis ou tombés sous la main, le sens de la vie.
Ce n’est qu’une image. Mais de quoi vivons nous d’autres ? De quoi sommes nous fait qui ne soit passé par les images, par l’imagination ? Et quelle altération mentale nous conduit à négliger cette substance première de la vie ?
Un être humain n’est pas seulement fait de la prodigieuse aventure de la gestation dans un corps de femme – il faut rappeler sans cesse cette origine tant les hommes se comportent comme s’ils ne devaient rien à personne, comme s’ils ne devaient qu’à leurs propres mérites d’être là -elle découle de plusieurs millions, plusieurs milliards d’années de lumière. La vie a passé tout ce temps dans le four de l’univers avant d’arriver jusqu’à nous. En dépit de leurs caractères tangibles, nous ne pouvons ni porter ni comprendre de telles quantités sans les symboliser dans cette flamme et, l’ayant en nous, y puiser la force d’aborder nos problèmes matériels. Sans elle nous sommes incapables de les résoudre.
Pour porter cette flamme sans existence, sans poids, sans parole, nous avons un corps auquel, la mort de Dieu aidant, nous accordons un importance telle que nous oublions qu’il est support de la conscience, architecture nécessaire au port des cinq sens donnés et des quelques autres que le cours de la vie nous octroie .
Le projet criminel de confier la totalité de notre destin de porteur de flamme aux fabricants d’objets est justifié par le fait qu’il faudrait produire avant de partager, qu’il faudrait de plus en plus de marchandises pour continuer à vivre ensemble, comme si nous n’avions rien d’autre à partager. Nous avons aussi des pensées, des émerveillements à partager. Ne dites pas que çà n’a aucun rapport ou que l’un n’empêche pas l’autre. Actuellement, sous le régime dictatorial de la production, l’un empêche l’autre, la pensée est étouffée.
Nous avons besoin de la pensée pour maîtriser nos rapports maladifs à la marchandise. Nous avons besoin de la pensée pour rendre leurs sens aux mots. Un exemple, pas le mot liberté, un livre ne suffirait pas à dresser l’inventaire de son avilissement, un mot plus simple et plus récent, écologie. Comment est il possible d’être écologiste et de participer à un gouvernement qui n’a que le mot croissance à la bouche ? Dans quelle fosse est tombé le sens ?
Il faut laisser les coudées plus franches aux entreprises mais à l’étape actuelle du développement humain la grande question est d’activer nos capacités d’invention pour recomposer une société dans laquelle il peut y avoir du travail pour tous mais pas avec les critères établis en un temps ou il fallait (je dis ce chiffre au hasard) cents heures de travail pour produire un quintal de blé. La responsabilité d’un état démocratique est de dégager les moyens pour aborder les mutations. En premier lieu des moyens intellectuels et spirituels assez puissants pour ordonner les priorités et les rendre accessibles à chacun. La démarche de Hollande et de ceux qui ne connaissent que l’intérêt à court terme, est la ruine de l’âme. Il n’est pas indispensable de disposer d’une définition claire de ce mot pour l’employer, elle n’existe pas. Il porte une clarté interne, il n’a pas besoin d’être éclairé.
Je ne suis pas dans la diatribe anti-patron si improductive et si commode pour fuir nos responsabilités. On demande aux entreprises de créer des emplois et on les aide à le faire par des aides publiques sous prétexte qu’elles seules peuvent le faire. C’était vrai, çà ne l’est plus. Pour des raisons qui sautent aux yeux, les entreprises ne peuvent plus fournir un emploi, tel que défini jusqu’alors, à tous. Au mieux il faut espérer tirer son jeu de la compétition internationale mais pour combien de temps et pour quels résultats à long terme ? En matière de compétition internationale, plus que par la vente d’avions, de vins, de design made in France ou de je ne sais quoi, un pays qui saurait mettre en œuvre des rapports sociaux nouveaux, productifs en valeurs humaines (et par conséquent en valeurs économiques) regagnerait le prestige qu’il se plaint d’avoir perdu. Demander aux entreprises de nous sortir de l’ornière dans laquelle nous sommes, c’est demander au feu de nous préserver de l’incendie.
Je vais vous dire, et je laisse rire les forts en économie et ceux qu’ils endoctrinent : pour obtenir l’effort collectif – un effort moindre que celui dont nous sommes (et dont nous serons ?) capable en temps de guerre -qu’exigerait la situation, nous avons besoin que chaque homme se rapproche de la petite flamme déjà citée, éclaire sa pensée et ses actes à cette lumière, projette et regarde son ombre sur le grand tableau de l’existence. Faire exclusivement appel aux entreprises, aux structures, aux mécaniques, aux gros machins qui prolifèrent à la surface de l’humanité et pas à la profondeur de sa conscience, est une folie. Plus qu’une folie, un crime qui puise aux pires instincts de la volonté de puissance, qui vise à soumettre l’humanité à l’élevage et non à l’élévation. Le même verbe pour dire une chose et son contraire, confusion terrible. Elever, on ne sait jamais où on est. Si éloignés qu’ils soient, la frontière entre les deux sens est poreuse, facilement franchie, il faut bien s’approcher de la flamme pour voir de quel coté on se trouve.
PS : Etre certain qu’il faut puiser dans l’âme pour obtenir un équilibre de la pensée et de l’action, n’empêche pas de parler concret. Il est question d’un allègement de 30 milliards d’euros pour créer un million d’emplois. Admettons qu’ils soient créés (mais je parie 50000 emplois d’avenir que ce ne sera pas le cas), çà fait 30 000 euros par emploi. De quoi payer des gens à ne rien faire, avec un salaire mensuel convenable et des charges sociales cotisations familiales comprises, ce qui les rendrait moins nuisibles. Ou éventuellement les payer à faire quelque chose d’utile. Ne faisons pas de liste, les besoins sont immenses, citons juste la mise à disposition de tuteurs particuliers pour les enfants en difficulté scolaire, pour les délinquants qu’il est absurde de mettre en prison, pour les personnes isolées en fin de vie…et pour mille autres choses.