« Ce que nous nous devons, c’est que sa mort ne soit pas vaine » vient de déclarer Emanuel Macron.
Et si le colonel Arnaud Beltrame avait lancé le signal d’un retournement ! Avait commandé à la nation de cesser de se complaire dans l’impuissance, dans la croyance qu’entre nous et le terrorisme, seules les forces et les services de sécurité ont les moyens d’agir !
Il a pris le risque du silence définitif ou, pour un chrétien, celui d’une autre parole. Nous pouvons partager cet héroïsme du silence en cessant de répandre la nouvelle des attentats. Son acte a retiré la lumière à son assassin. Nous pouvons, à sa suite, la refuser aux terroristes.
Commettre des attentats barbares ne suffit pas à la terreur, elle a besoin de la publicité. La plupart des citoyens ne peut agir sur le premier acte de ces drames. Pour le second, il peut tenter d’affirmer : « Le terrorisme ne passera pas par moi », sans qu’il s’agisse de la seule transmission d’un poison idéologique.
N’en pas faire la publicité ne les empêcherait pas, à brève échéance, mais compliquerait la tâche des recruteurs. Le profil de ceux qui passent à l’acte met en évidence que, sans nier l’impact des graves disfonctionnements sociaux ou des altérations mentales qui en sont aussi les sources, le coté spectaculaire amplifie beaucoup l’attrait de cette forme de suicide.
Interdire la propagation des informations sur les attentats serait une mauvaise solution. S’agissant d’un problème qui confronte la société et chacun de ses membres à d’intenses questionnements, il serait préférable de rechercher un usage consensuel du silence, dont nous nous manquons si cruellement par ailleurs.
Un silence que nous demande aussi l’immense cohorte des sacrifiés qui, il y a juste cent ans, mourraient par milliers, par dizaines de milliers pour reprendre à l’ennemi des positions de la taille d’un potager. Il faut aussi nous placer sous leurs regards pour regagner en dignité face aux sinistres personnages qui ensanglantent l’actualité.
Consensus hautement improbable tant le droit à l’information et ses vigies de l’info en continue semblent attendre fébrilement les catastrophes, ce qui ne peut pas être tout à fait étranger à leur survenue. Hautement improbable aussi pour causes de rumeurs sur les réseaux sociaux. Il ne s’agirait pas d’étouffer l’information mais de la donner plus tard, et en tout cas jamais avant la fin des opérations, sièges ou traques. L’embrasement émotionnel est le met de choix du terroriste, il donne un goût sublime à son acte.
Il faut, derrière le colonel Arnaud Beltrame, une troupe un peu décidée. Elle pourrait être constituée de ceux qui signeraient la déclaration suivante :
Si je ne peux empêcher qu’un fou prenne ma vie, je ne veux pas qu’il dispose aussi de ma mort. Elle m’appartient, mon seul recours contre mon assassin est de lui interdire de brandir mon pantin sanglant sur la scène globale. Je fais défense à qui que ce soit de citer mon nom s’il se trouve mêler à un attentat, où de m’agréger au nombre des victimes, de me faire paraitre sous la forme humiliante d’une quantité. Je charge toute personne qui voudra le faire d’attaquer en justice ceux qui contreviendraient à mes dernières volontés. Ils obtiendront des réparations financières au profit d’associations qui luttent pour la liberté. Si plus tard, au choix des autorités démocratiques, on propose l’inscription de mon nom sur un monument aux morts, je n’y serais pas opposé.
Si d’éventuels lecteurs veulent prendre en charge la mise en ligne d’une pétition qui invite à signer ce dernier paragraphe, libre à eux. Il serait ridicule que je le fasse moi-même si le silence que j’appelle de mes vœux se répandait d’abord sur une démarche qui, peut être, ne mérite pas mieux.