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Billet de blog 11 juillet 2025

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En hommage à Maxime Tessier

J'ai participé durant trois ans au soutien d'un militant italien, Vincenzo Vecchi, sous le coup d'un mandat d'arrêt européen. Un de ses avocats, Maxime Tessier, vient de mettre fin à ses jours. J’avais une réelle affection pour lui et de l’admiration. C’était un jeune homme ouvert qui considérait que le droit est avant tout au service de la vie collective. Aujourd’hui, je pense à sa famille. Et je suis bien triste d’avoir écrit ces lignes.

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Je veux me rappeler de Maxime Tessier pour une affaire bien différente de celle pour laquelle on évoque aujourd’hui son nom. Il y a maintenant quelques années, un comité de soutien très actif s’était formé pour la défense de Vincenzo Vecchi, militant réclamé par l’Italie sur des bases juridiques et morales injustifiables. Catherine Glon et Maxime Tessier étaient ses avocats.

Durant les trois ans et demi que dura l’affaire, nous avons appris beaucoup, pas seulement du droit, italien ou français, pas seulement des chicaneries de procédure, nous avons dû réfléchir aux principes qui gouvernent le droit, à leur place dans une société où l’égalité et la liberté perdent lentement du terrain ; et tandis que le droit paraissait à certains d’entre nous, au début de l’affaire, l’ombre artificielle des principes, au fur et à mesure, les plaidoiries de Catherine Glon et de Maxime Tessier, les circonstances de l’affaire, l’ambiance rétrograde de notre temps, nous les fit concevoir autrement, comme si le courant réactionnaire qui nous emporte trouvait malgré tout dans le droit un obstacle et que l’acharnement de l’exécutif donnait une nouvelle force au droit, lui donnait vie d’une autre manière, lui restituant un peu de la force libératoire qu’il avait eu jadis, et nous apprenait que le droit n’était peut-être pas seulement un acquis qu’il faudrait protéger mais une opportunité de penser et une forme de liberté empirique, appliquée. 

Catherine et Maxime, fins connaisseurs du droit, excellents orateurs, intelligents, sensibles, ont été réellement touchés par la cause qu’ils défendaient. Eux aussi ont appris quelque chose. Les arguments développés tout au long de l’affaire par le comité de soutien ont sans doute élargi leur appréciation de l’affaire et leur conception du droit. Maxime était un jeune homme ouvert, il n’était pas prisonnier de ses connaissances techniques, au contraire il considérait que le droit est avant tout au service de la vie collective.

J’ai souvent eu l’occasion de discuter avec lui, de l’appeler, de causer des décisions de justice aux différentes étapes de l’affaire. Je me souviens d’un retour en voiture depuis Angers, après une audience, où nous avions beaucoup parlé. J’avais une réelle affection pour lui et de l’admiration. Les hommages semblent toujours guidés par l’émotion et la solennité, et ils le sont. Mais j’ai déjà eu l’occasion de dire que Maxime Tessier était l’un des meilleurs juristes qu’il m’ait été donné de rencontrer et un orateur signalé. C’était un jeune homme plein de charme et généreux. Aujourd’hui, je pense à sa famille. Et je suis bien triste d’avoir écrit ces lignes.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.