On s'est habitué à entendre depuis quelques années que les inégalités repartaient à la hausse, et depuis la contribition de thomas Piketty que le 21e siècle sera celui du capital, renouant avec le 19e... Des tendances séculaires oeuvrent, sur lesquelles les individus et les Etats n'ont pas prise, sauf à agiter une nouvelle menace révolutionnaire, une guerre, des contusions historiques dont Piketty nous dit que seules elles ont pu changer historiquement l'équilibre des forces en présence.
A cette tendance parfaitement inquiétante si l'on opte pour l'équité-il est équitable que celui qui travaille s'enrichisse- s'en ajoute désormais une autre : les mouvements de concentration dans la presse, souvent pilotés par des magnats qui dans le meilleur des cas ne veulent que s'offrir une caution intellectuelle, mais peuvent aussi soumettre ce secteur à la simple loi du retour sur investissement -alors que leur fortune est immense- voire entendent la soumettre à une orientation idéologique.
Et voici les attentats, qui reviennent en boucle dans les médias : ils installent la conscience collective dans le tempo propre à l'urgence, veillant à un combat pied à pied avec les forces qui de l'extèrieur nous menacent ( le staccato de la dramaturgie...).
La conclusion de ces trois prémisses est un dangereux tourbillon : un Etat qui délaisse les œuvres de la justice, au profit du quotidien sécutitaire, cependant que la presse indépendante recule et que les pressions inégalitaires s'excitent.
On peut bien sûr tenter devant une telle synergie de ne considérer les problèmes que depuis l'amont : l'école pourrait ainsi résoudre à sa façon les maux sociaux, or qu'a-t-elle fait depuis 20 ans ? Un doux désordre s'est installé dans les lieux d'enseignement ( qu'on relise les « Territoires perdus de la République") qui expliquent suffisamment que la poussée de l'ascenseur social ne vienne plus de là, et qu'il faudra du temps pour que l'école revienne à de meilleures habitudes : ne garder en classe que ceux qui permettent qu'on y travaille, trouver des solutions-relai pour les autres ( question de budget, aïe), et maintenir les exigences des examens et concours. Il est vrai que le niveau d' enseignement dispensé n'a pas baissé, mais vrai aussi que les délibérations d'examens ont été de plus en plus généreuses envers les candidats. On peut donc remettre l'école sur les rails mais cela prendra du temps. La réaction de l'Etat aux attentats- instauration d'un Enseignement moral et citoyen encore plus laïquement moraliste que la précédente mouture l'ECJS, militarisation de la rue, et poursuite toutes voiles dehors vers un libéralisme doctrinaire, ne vont pas précisément dans le bon sens- si c'est l'harmonie sociale qu'on recherche, bien sûr!