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Billet de blog 10 décembre 2018

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Les gymnases de Metz pour les sans abri

À Metz, des centaines de personnes se trouvent réduites à dormir à la rue été comme hiver. Pour obliger les pouvoirs publics à mettre en place les moyens nécessaires, des groupes militants ont mis au point — et continuent d’affiner — une méthode originale…

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

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Enfants soulagés de se trouver à l'abri après des nuits d'errance à la rue

La ville de Metz compte une trentaine de gymnases chauffés en hiver, bien entretenus et ouverts au public. Ces belles salles accueillent des équipes sportives de haut niveau aussi bien que des ateliers amateurs. La gestion et la surveillance reposent sur la confiance : on y entre, on en sort à sa guise. On peut s’y arrêter pour assister à des matches, des entraînements ou simplement s’asseoir sur les gradins, papoter, rêvasser ou se mettre à l’abri des intempéries.

Un problème social…

La ville de Metz a également un problème social : selon les périodes l’on y compte des dizaines, voire des centaines de personnes dormant à la rue. Le 15 novembre 2017 ils étaient un millier, dont un tiers de jeunes enfants, parqués sur un terrain infesté de rats, avec pour les privilégiés, des tentes de trekking posées sur des palettes de chantiers sous lesquelles s’écoulait l’eau usée des toilettes bouchées.

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Bidonville Blida 2017

Géré par la société Adoma, le site humanitaire de l’avenue Blida, protégé par des grilles et une armada de vigiles donnait de la ville une image nauséabonde.

Errances sous harcèlement policier

Sitôt le bidonville démantelé, la situation devenait pire encore. Les demandeurs d’asile arrivant à Metz se trouvaient privés de la solution du cloaque institutionnel. Dispersés dans les alentours de la ville sous des ponts, ils voyaient leurs abris de fortune détruits par la police.

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Abris de fortune le long de l'avenue Blida

Les militant·es du Collectif Mosellan de Lutte contre la Misère, ainsi que les maraudeur·ses des organisations assistant ces personnes démunies, découvraient une situation affligeante. Dans une ville comptant plus de 8 000 logements vides, des enfants passaient des nuits dehors dans les frimas de ce début décembre autour de feux d’immondices.

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Femmes et enfants à la rue en décembre 2017 à Metz

L’invention de la méthode

C’est pour y faire face que nous avons mis au point la méthode du gymnase. Elle consiste à entrer dans une salle de sport aux heures d’ouverture au public et à installer les personnes sans abri sur les gradins pendant un match ou dans un vestiaire pendant un entraînement. Tout est fait pour ne pas perturber les activités en cours. On informe aussitôt la presse, la préfecture et la mairie et on attend. Pendant ce temps, nous recensons les personnes ainsi abritées et nous envoyons la liste à la Direction Départementale de la Cohésion Sociale. Nous assurons les autorités de notre bonne disposition à dégager les lieux sitôt qu’une solution d’hébergement pérenne sera trouvée pour tout le monde. Non seulement les gens que nous venons de convoyer là, mais aussi les suivants qui ne tarderont pas. Des enfants qui grelottaient et suffoquaient dans les fumées noires retrouvent le sourire.

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Enfants mis à l'abri dans le gymnase de l'Arsenal début décembre 2017

Invariablement nous recevons la visite des trois polices : nationale, municipale et PAF (Police Aux Frontières) qui viennent contrôler les identités. Quand les policiers arrivent tôt et que nous ne sommes encore qu’une poignée de militant·es sur les lieux, ces policiers nous font sentir que nous aurions intérêt à nous renforcer. Le bouche-à-oreille et les réseaux sociaux se chargent de la suite : au bout d’une heure nous sommes plusieurs dizaines. Au fil des arrivées, on voit les policiers se détendre, devenir carrément aimables, comme de véritables fonctionnaires au service de la tranquillité publique. Certains nous ont confié que les relations entre la police nationale et la préfecture sont désastreux, sous le signe du mépris, de la rétention et de la débine. Nous avons pu constater nous-mêmes à quel point l’information circule mal entre les services (voir plus bas).

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Notre présence en ces lieux abrités et chauffés n’a rien d’illicite. Le problème pourrait se poser à la fermeture des portes. Sommes-nous encore dans la légalité ? Pas tout à fait, car cette façon de nous incruster dans un lieu public au-delà des heures réglementaires pose un vrai problème. Mais notre éviction supposerait au préalable une décision de justice qui prendrait des semaines.

L’efficacité de la méthode : 375 hébergements en un an

En une année, nous avons procédé à dix installations de personnes sans abri dans trois gymnases de Metz. La plupart du temps, l’issue était rapide : en quelques heures les pouvoirs publics trouvaient des solutions d’hébergement pérenne pour toutes les personnes que nous défendions. En un an, par cette méthode, nous avons forcé 375 hébergements.

Il faut, pour mesurer la portée de ces actions, se figurer 375 personnes, dont un tiers d’enfants et de bébés, qui sans cela seraient encore à errer dans les rues et sur les terrains vagues à la merci d’une police faisant de la bavure sa norme : destruction des abris, confiscation des couvertures, dispersions dans la nuit, etc.

Il faut également prendre en compte les retombées. Elles mettent sous pression les autorités municipales et préfectorales qui s’astreignent à plus de diligence et de coordination. De la sorte, même les demandeurs d’asile qui ne passent pas par les gymnases bénéficient plus vite des hébergements auxquels ils ont droit au titre de la Convention de Genève.

Des résultats quantitatifs

La toute première installation, du 2 au 4 décembre 2017, dans le gymnase d’un collège, aboutira après deux nuits à l’hébergement de 44 personnes, dont une moitié d’enfants, auxquels il faut ajouter 21 personnes encore plus vulnérables mises à l’abri avant que nous n’ayons eu à les intégrer à l’installation. Mais les décisions obtenues nous laissaient sur notre faim : une partie non négligeable des gens que nous défendions n’allaient recevoir qu’une place en halte de nuit (une pièce nue comportant quatre ou cinq matelas au sol à vider au petit matin). Nous sommes revenus aux aurores maintenir la pression jusqu’à l’attribution de véritables hébergements.

La seconde installation, dans un autre gymnase, du 23 au 25 janvier 2018 aboutira à 50 hébergements.

Par la suite, le nombre de personnes à la rue, du moins en apparence, diminuait. Nous pouvions les défendre par des mesures plus ponctuelles. Mais nous découvrions aussi la réalité des moyens débloqués par l’État, manifestement à contre-cœur. Des établissements scolaires désaffectés et aménagés à la va-vite accueillaient des familles dans la promiscuité et la saleté, avec pour tout mobilier quelques étagères et des lits picot. Certains en venaient à regretter le bidonville de l’avenue Blida où ils se sentaient plus libres. Ici, la présence des vigiles est plus pesante, poussant l’intimidation jusqu’à interdire de communiquer avec l’extérieur. Les photos que nous avons obtenues ont été prises et transmises en cachette par des personnes craignant, nous disaient-elles, des représailles non seulement des vigiles, mais des autres habitants du site.

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… et des résultats qualitatifs

Aux approches du printemps nous constations le durcissement des pouvoirs publics condamnant de plus en plus de gens à rester sans abri dans les rues de Metz. Le Collectif Mosellan de Lutte contre la Misère en était informé par des associations humanitaires maraudant la nuit : Action-Froid, Aïcha, ADAM (association de défense des demandeurs d’asile de Metz), 1001 Aumônes… C’est ainsi que des organisations d’horizons divers se rapprochaient. Notre Collectif orienté vers l’action politique par pression militante, juridique et médiatique coopérait de plus en plus avec des bénévoles engagés dans des formes de solidarité concrète : distribution de nourriture, couvertures, tentes, etc. Souvent perçues comme antinomiques (la politique ou la charité) ces deux formes d’action allaient se découvrir complémentaires. En effet, les occupations de gymnase ne pouvaient pas tenir sur la durée sans l’apport logistique des bénévoles humanitaires qui, réciproquement, mesuraient l’intérêt d’agir sur les causes politiques de la misère qu’ils s’efforçaient de soulager. Au fil de l’année 2018 les liens se renforçaient et les différentes formes d’action s’intriquaient de mieux en mieux les unes aux autres.

Le 20 juin 2018, nous entrions dans un gymnase avec 40 personnes sans abri. Quelques heures plus tard, tout le monde était hébergé. Le 10 juillet nous avons tenté une nouvelle opération dans un autre gymnase d’une façon moins bien organisée, aboutissant à un fiasco dont nous tirons quelques leçons (v. plus bas, les points de méthode).

Le 6 septembre nous inaugurions l’entrée d’un troisième gymnase, totalement inattendue pour le gardien qui s’est beaucoup énervé. Les trois polices sont arrivées en force, suivies aussitôt de nos cohortes militantes. 18 personnes ont de la sorte reçu l’hébergement auxquelles elles avaient droit et qu’on leur refusait depuis plusieurs semaines.

La « politique » du logement

Mais cette réussite n’aura pas entamé la volonté préfectorale de maintenir coûte que coûte son quota de personnes à la rue. On y trouve pêle-mêle des migrants ayant épuisé tous les recours contre le déboutement de leur droit d’asile, aussi bien que des personnes parfaitement en règle : hommes, femmes et enfants en procédure normale de demande d’asile, ainsi que des Français natifs de Metz ou d’ailleurs. A cet égard, concédons à ce préfet, Didier Martin, ainsi qu’à ce maire, Dominique Gros, l’absence de toute volonté discriminatoire. La privation de logement ou d’abri peut frapper tout·e Messin·e sans distinction.

La commune de Metz comporte près de huit mille logements vides (v. ici). Il serait possible au préfet d’en réquisitionner une infime partie pour atteindre l’objectif réaliste de zéro « personnes dépourvues de logement ou logées dans des conditions manifestement insuffisantes » désignées par l’article L641-1 du Code de la Construction et de l’Habitat. Il suffirait pour cela que le service municipal du logement, après avis du maire, en fasse la proposition. C’est ce que dit la Loi et que martèle le Collectif Mosellan de Lutte contre la Misère. Il existe là un point de crispation du maire de Metz qui se fait un point d’honneur à ne surtout jamais user de ce droit.

Comment expliquer cette obstination ?

Il est vraisemblable qu’un volant permanent de sans-abri représente, non un malheur, mais une nécessité politique. La perspective toujours possible de se retrouver à la rue crée des effets d’intimidation sur une population précaire qui préférera toujours le taudis le plus sordide à l’épreuve de la vie au grand air. Cette menace permet également de lever tout malentendu en direction des nomades, Roms et demandeurs d’asile tentés par la ville de Metz. Accueillante pour les forces vives, les énergies créatrices et les nouveaux talents, la ville maintient depuis 2002 son fameux arrêté municipal punissant d’amende le fait de mendier sur la voie publique.

Tout se passe comme si cette hospitalité choisie remplissait des fonctions de régulation des flux migratoires.

Lors d’une conférence de presse qui s’est tenue à la Préfecture de Metz le 3 octobre 2018, le maire déclarait : « La Municipalité ne souhaite voir aucune personne à la rue. » Il serait erroné de voir dans cette déclaration quelque commisération pour la population concernée. Le véritable objectif, pour lequel la ville « apporte son concours à l'État » est « d'éviter toute installation massive précaire ».

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Mère et enfants dormant sur le pavé de Metz

Ces amas de hardes pourraient nuire à l’attractivité d’une ville connue pour les sommes faramineuses dépensées au soin de son image (voir ici).

Bref, nous ne sommes pas face à quelque fatal manque de moyens, mais à une volonté politique réfléchie, voulue délibérée et concertée par les autorités de la Ville, du Département et de l’État. Ce n’est pas la présence des gens à la rue qui gêne le maire, ni même leur visibilité du moment qu’elle s’exprime en direction de populations indésirables, c’est le ternissement de l’image d’une ville qui se voudrait rayonnante, attractive, compétitive, etc.

Nous récidivons

Ces personnes à la rue que « la municipalité ne souhaite pas voir » sont effectivement invisibles, du fait de leur dispersion. Un jeune Albanais parlant bien français réussir à les convaincre de ne plus raser les murs et de s’installer sur les places les plus connues : place d’Armes (où se trouve l’hôtel de ville) et sous les arcades du prestigieux opéra-théâtre. Jusqu’au 23 septembre, visibles de tous les passants et des étudiants fêtards, 46 personnes dont trois bébés et treize enfants, ainsi que deux femmes enceintes s’établissent là pour la nuit, résistant aux pressions policières.

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"La Municipalité ne souhaite voir aucune personne à la rue"

Ce jour-là, nous apprenons la venue de Cédric Herrou à Metz. Il vient présenter en avant-première le film de Michel Toesca, « Libre », qui retrace ses actions dans les vallées de la Roya où des personnes ayant traversé les pires épreuves en Afrique puis en Méditerranée passent la frontière italienne pour déposer une demande d’asile en France.

Merci Cédric Herrou !

Nous décidons d’offrir des places de cinéma à l’ensemble des personnes à la rue. Elles pourront ainsi, lors du débat qui suivra, apporter leurs contributions vivantes. Apprenant notre intention — et nous suspectant à juste titre de préparer quelque coup-fourré — la municipalité se hâte d’offrir des chambres d’hôtel aux personnes les plus vulnérables. Mais le soir venu, une partie des femmes et enfants se trouve néanmoins dans la salle de projection au grand dam du conseiller municipal délégué à l’urgence sociale présent lui aussi.

Cédric Herrou, qui considère que le film a une fonction essentiellement militante, apprécie beaucoup la surprise et restera une partie de la nuit avec nous tandis que nous nous incrustons dans les locaux. Les demandeurs d’asile s’installent sur la moquette et dorment quelques heures au chaud. Jusqu’aux alentours de deux heures du matin, la présence des militant·es et sympathisant·es dans le salon du complexe cinématographique est importante et les policiers en faction très aimables. Puis notre nombre diminue et vers quatre heures nous sommes vidés de force par des renforts. Nous accompagnons les demandeurs d’asile vers les arcades de la place de la Comédie où ils vont finir la nuit pour en être délogés, nous apprennent-il, dès sept heures par la police. Nous arrivons à nouveau en force.

Et hop ! encore un gymnase

Cédric Herrou et son amie nous rejoignent aussitôt sur place.

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Cédric et nous, à Metz, place de la Comédie

C’est là que nous préparons une nouvelle installation au gymnase du Square du Luxembourg qui se conclut, dans la soirée, par l’hébergement de quarante personnes, y compris absentes du gymnase. En effet, nous signifions clairement aux déléguées de la préfecture, de la DDCS et de la société Adoma que nous ne libérerons pas les lieux avant satisfaction complète de notre demande. Il pleut, il souffle un vent glacial, un groupe de deux couples et trois enfants arrivent : ils seront intégrés aux hébergements.

Des épreuves de force

Une semaine plus tard, nous constatons l’entêtement du préfet à ne pas débloquer les moyens nécessaires à l’hébergement des nouveaux arrivants. Nous en recensons 52, dont quatre bébés et onze enfants. Le 30 septembre, nous les installons au gymnase de l’Arsenal. Cette fois, la préfecture et la DDCS choisissent une nouvelle méthode : le silence. Aucune réponse à nos appels ni nos courriers.

Sans doute escomptent-ils un pourrissement, une lassitude, une démobilisation… Rien de cela ne se produit, au contraire. Au fil des jours l’information circule dans Metz, la Moselle et les départements voisins. Les témoignages de solidarité, concrète en général, sous forme de dons, affluent massivement. Au bout de trois jours, nous abritons 127 personnes, au bout de six jours 142, et nous ignorons les intentions de la police, de la préfecture, de la DDCS et de l’OFII. Mais nous tenons bon. La solidarité fonctionne à plein rendement, les trois repas quotidiens sont assurés grâce à la logistique quasi miraculeuse des organisations associées : Action-Froid, 1001 Aumônes, ADAM (Association d'Aide aux Demandeurs d'Asile en Moselle), AÏCHA, « Pas assez »… qui s’ajoute au soutien officieux de la Fondation Abbé Pierre qui nous fournira un stock de matelas, couvertures et vêtements.

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Dons de Messins en soutien à l'installation dans le gymnase

Le 5 octobre, au petit matin, la police arrive en force avec les représentants de la DDCS et de la société Adoma. Tout le monde est hébergé.

Un mois plus tard, dans le même gymnase, du 30 novembre au 5 décembre, nous récidivons et obtenons l’hébergement de 41 personnes à la rue.

La méthode

Lorsque vous repérez un nombre important de personnes à la rue pour lesquelles vous avez épuisé les recours ordinaires (lettre au préfet, au maire et, s’agissant de mineurs, au président du Conseil départemental), vous pouvez mettre en place une action gymnase.

Il faut pour cela s’entourer d’un nombre suffisant de militant·es — pas astronomique, mais suffisant : six ou sept. Deux personnes entrent dans un gymnase, s’y incrustent et préviennent les autres. Celles-ci accompagnent les sans-abri vers le gymnase avec leurs bagages pour s’installer dans un endroit discret de préférence (un vestiaire inoccupé) ou carrément les gradins dans le public.

Sitôt que toutes les personnes à héberger sont entrées, trois mesures : 1° relever les identités, photographier les pièces et dresser la liste — planquer au besoin les personnes en situation irrégulière avant l’arrivée de la PAF (police aux frontières) ; 2° avertir la presse ; 3° lancer des appels au soutien militant, avec pour objectif de réunir dans le gymnase un maximum de soutiens : plus on est de fous, moins la police est folle.

Ensuite, TENIR.

Tenir une heure ou deux dans certains cas, le temps de donner la liste aux autorités en promettant de dégager les lieux sitôt les hébergements accordés. Former un comité avec les militant·es présent·es et désigner un·e porte-parole habilité·e à négocier avec les autorités uniquement sous mandat du comité. Ne pas s’interdire d’être ferme, voire teigneux·se. Objectif : un hébergement pérenne pour toutes les personnes à la rue sans exception.

Sitôt que l’installation dépasse les 24 heures, demander aux personnes mises à l’abri de désigner leurs propres délégués. Prendre le temps nécessaire aux explications et accorder un soin spécial à l’ambiance générale qui doit être paisible et rassurante, surtout en présence d’enfants.

Illustration 13

Établir et actualiser régulièrement la liste des personnes abritées. Prendre copie de leurs identités (passeport, attestations de demande d’asile, certificats de naissance…) Transmettre régulièrement la liste à la DDCS et rappeler que l’installation durera le temps nécessaire à obtenir un hébergement pérenne pour tout le monde. Les personnes qui quittent le gymnase, notamment la nuit ou tôt le matin doivent laisser un numéro où les joindre en cas d’évacuation des lieux pour qu’elles ne soient pas écartées des hébergements.

En Moselle nous nous en sommes découverts capables de tenir jusqu’à six jours (et probablement bien davantage si l’on nous y contraint), non sans un certain suspense. Il y a toujours eu un nombre suffisant de volontaires pour les permanences de jour et de nuit, alors que le matin, souvent, nous n’en étions pas sûrs. Et tout le monde, à une exception près, recevait trois repas par jour grâce à l’ingéniosité des humanitaires. Exemple : Sarah écume les kebabs du quartier qui nous offrent leurs surplus.

Leçon de l’Histoire : le temps joue en notre faveur. Le préfet et ses mauvais conseillers pariaient sur le pourrissement. C’est le contraire qui se produit toujours. Lorsque l’installation dans un gymnase dure longtemps, cela produit trois effets. Le premier, c’est le renforcement des liens entre les personnes présentes, la fraternisation. Le second, au fil des communications médiatiques, c’est une sympathie croissante dans le public, ce qui se manifeste par des visites informelles et des dons en nature. Le troisième, c’est l’augmentation des personnes à abriter. Pourquoi ? plus le dispositif est popularisé, plus il révèle l’énormité des besoins : de plus en plus de personnes en galère viennent s’installer. Et dans un gymnase, il y a de la place, et des tapis de sol, et des matelas amortisseurs sur lesquels on dort très bien, et du chauffage, et des toilettes, et des douches chaudes… bref, pas le luxe, mais le minimum vital.

Fort de son expérience, le Collectif Mosellan de Lutte contre la Misère sera heureux de donner tous les tuyaux nécessaires aux groupes militants désireux de tenter des opérations de ce type.

Éric Graff

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