Metz, le 12 février 2015
Collectif Mosellan de Lutte contre la Misère, 15 rue du Grand Wad, 57000 METZ
Confédération Nationale du Travail, Union Départementale de Moselle, 5 Place des Charrons, 57000 Metz
Lettre ouverte à Monsieur Nacer MEDDAH Préfet de Moselle, 9 place de la Préfecture, BP 71014, 57034 Metz Cedex 01
Objet : nouvelle situation de personnes non hébergées à Metz
Monsieur le Préfet
Une délégation de notre collectif a été reçue mercredi 4 février 2015 par Monsieur Carton, votre secrétaire général, Mme Chabeau, directrice de la DDCS, et Mme Léoni, directrice de votre service de l’immigration et de l’intégration
Parmi les questions abordées à notre ordre du jour, nous leur avons fait part de la réalité que nous constations, à savoir que depuis le 30 décembre 2014, nos militants avaient recensés des dizaines de demandeurs d’asile (44 pour être précis) sur l’agglomération messine réduits à dormir dehors en hiver sans équipement et sans assistance.
Il nous a été répondu que notre constat reposait sur une fausse appréciation de l’action de vos services. Mme Chabeau tenait à nous rassurer : « Les personnes que l’on peut voir attendre devant la PADA dans la journée seront toutes, systématiquement hébergées avant minuit ».
Nous sommes revenus sur les lieux mercredi 11 février 2015 dans l’après-midi.
Nos observations confirment l’effort de vos services pour assurer la mise à l’abri des personnes concernées durant la période des procédures que nous avons engagées auprès du tribunal administratif de Strasbourg (entre le 14 janvier et le 2 février 2015). Les demandeurs d’asile nous ont fourni les preuves de leur hébergement dans divers foyers tels que Amli de Sarreguemines, Florange et Rosselange.
Mais quelques jours après, le service de mise à l’abri prenait fin au motif que les températures se radoucissent. « Par conséquent, leur signifiait Mme Léonard, chef de service 115 dans un paquet de lettres datées du 9 février, vous ne pourrez donc plus bénéficier du lit que vous occupiez. Néanmoins, nous vous invitons bien entendu à solliciter le 115 pour renouveler vos demandes d’hébergement et nous ferons notre possible pour vous orienter en fonction des places disponibles. »
Forts de la bonne volonté exprimée par Mme Chabeau lors de notre entrevue du 4 février, nous avons encouragé ces personnes à suivre le conseil de Mme Léonard : continuez d’appeler le 115, tôt ou tard dans la nuit vous recevrez une réponse adaptée à vos besoins élémentaires de survie. Car dans une république régie par l’état de droit, les assurions-nous, les droits de l’homme seront respectés. Nous leur avons promis de revenir dans la nuit du 11 au 12 février 2015 pour le cas improbable où l’un ou l’autre d’entre eux aurait été oublié de vos services.
Voici ce que nous avons constaté aux alentours entre le 11 février 21015 à 23h30 et le 12 février 2015 à 1h 15 du matin devant l’immeuble de la Pada, 5 avenue de Blida à Metz :
Ils étaient une quarantaine n’ayant pour abri que leurs vêtements par une nuit glaciale. Ils n’avaient pour matelas que des cartons et pour sommier que les barrières obligeamment posées contre eux sur instruction du maire de Metz, Dominique Gros, pour les empêcher de s’abriter sous le surplomb de l’immeuble voisin. Ils n’avaient pour chauffage qu’un feu d’immondices malodorantes que, par exception, du fait de notre présence selon eux, vos services de police n’ont pas éteint.
Avec eux, nous avons persévéré et rappelé le 115. Nous n’obtenions pour réponse que les voix désolées des écoutants : pas de place. Il nous a été répondu par la voix de Madame Léonard que la priorité était donnée aux femmes et aux enfants. Nous avons fait savoir qu’autour de nous, il y a avait deux femmes et deux enfants sans hébergements. Il était 0h15.
Cette nuit, Mesdames et Messieurs [Suit ici une liste de 22 noms] — pour ne citer que ceux qui ont eu le courage de passer outre les intimidations des bonnes âmes qui les dissuadent de nous renseigner — vous le demandent : ne nous laissez pas dehors sans rien par ces nuits glaciales.
Vous connaissez les solutions préconisées par notre collectif. Vous avez le pouvoir de les mettre en œuvre en toute légalité. Vous aviez reçu du premier ministre, par la circulaire du 17 octobre 2012, consigne de « sortir de la gestion saisonnière du dispositif d'hébergement et d'accès au logement en faveur des personnes sans abri ou mal logées ».
Quelle force mystérieuse vous retient de l’appliquer ?
Laisserez-vous une nuit de plus, dans le froid, à la rue des hommes et des femmes qui ont cru trouver dans notre pays refuge contre la tyrannie ?
Nous l’avons compris. Cette situation ne résulte pas de votre mauvaise volonté mais de l’impuissance des services agissant sous votre responsabilité. Notre pays est en pleine mutation. L’état de droit s’efface au profit d’autres impératifs. Certains s’y plient, d’autres non. En d’autres époques, même un préfet choisissait son camp. Il résulte de notre mémoire et de notre expérience que vous trouverez dans nos rangs exactement ce qu’il vous faut, l’ennemi à écraser ou l’allié qui vous manque.
Dans l’attente de votre décision pour le respect du droit au logement sans exclusive, immédiat et continu,
nous vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de nos très respectueuses salutations.
Pour le Collectif
Éric Graff, Denis Maciazek,Marie-Paule Fristot,Yann Tavernet, Taïeb Aïdouni, Christelle Aïdouni
Pour la CNT57
Frédéric Charbonnier (CNT57)