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Billet de blog 5 novembre 2017

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« D'après une histoire vraie » : la part d’ombre de l’acte de création

D'après une histoire vraie est le dernier thriller psychologique de Roman Polanski présenté Hors Compétition au Festival de Cannes 2017.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Olivier Assayas adapte le roman éponyme de Delphine de Vigan pour Roman Polanski. Le récit montre une écrivaine (Emmanuelle Seigner), qui se nomme également Delphine, en panne d’inspiration qui se fait vampiriser par une admiratrice, l’envoûtante Elle (Eva Green). D'après une histoire vraie a été entièrement réalisé en un an (la version présentée à Cannes était le rough cut, le premier montage) en restant très fidèle au roman.

Illustration 1

Elle apparaît dans la vie de Delphine a un moment où cette dernière connaît un vide, non seulement l’écrivaine est en panne d’inspiration, mais en plus tous ses repères émotionnels sont remis en question : elle est fragilisée par le succès de son dernier roman inspiré par le suicide de sa mère, ses deux enfants viennent de quitter le domicile familial la laissant seule dans son grand appartement parisien, elle ne voit son amant, souvent en déplacement professionnel, que par intermittence… Delphine est totalement lessivée par cette situation. Elle prend rapidement une place de plus en plus importante dans la vie de Delphine, en se donnant comme mission de remettre de l’ordre dans la vie de l’écrivaine, au point d’endosser son identité, et en emménageant dans son appartement. Delphine se retrouve enfermée par Elle dans un huis clos malsain où le mal-être et la dépression latente de l’écrivaine semblent se décupler. D’ailleurs le métier d’Elle consiste à s’approprier la vie des autres, elle écrit des autobiographies pour des célébrités.

D’après une histoire vraie est également un constat sur le microcosme médiatique parisien où les sollicitations incessantes, la pression pour maintenir un certain rythme, un certain niveau, le manque de sincérité dans les relations additionnées ces quinze dernières années à ce que Polanski décrit dans une interview pour le magazine Première comme : « une sorte de terrorisme des réseaux sociaux » finissent par vider une femme dans un moment de fragilité. Si Elle prive Delphine de sa propre vie, sa propre personne, dans le film, Internet à un effet tout autant pervers, comme le dit le réalisateur, toujours dans la même interview pour Première citée précédemment : « Lorsque l’on parle de quelqu’un aujourd’hui, on regarde d’abord ce qu’il y a sur Internet, où les faits sont souvent faux. ».    

Elle se révèle être une version plus jeune, plus sexy, plus sombre de la classique et sage Delphine, une sorte de double fantasmé de la romancière. Au final, Elle est-elle une perverse narcissique qui vampirise Delphine ou sa part d’ombre cachée, une voix intérieure malveillante, celle à laquelle elle doit faire appel pour écrire ce qu’Elle nomme son « livre cachée » ? L’écrivaine est-elle dominée par Elle ou par son esprit ?

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