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Billet de blog 6 juin 2017

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L’effet Rashomon dans la série The Affair

La série Showtime The Affair raconte la liaison extraconjugale de Noah Solloway, un professeur de lycée et aspirant écrivain new-yorkais avec Alison Bailey, une serveuse de Montauk où Noah passe ses vacances d’été

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C’est ce qu’on appelle l’effet Rashomon qui est le principal moteur narratif de The Affair. Ce nom vient du film japonais Rashomon,réalisé en 1950 par Akira Kurosawa, qui présente les points de vue différents de quatre témoins sur un crime. Si ce procédé a été souvent réutilisé au cinéma et dans les séries depuis, The Affair se base entièrement sur lui pour construire sa narration et ses personnages. Son utilisation est entièrement assumée par l’indication du prénom du personnage dont le point de vue est adopté en début et en milieu d’épisode. La série britannique Skins adoptait également cette démarche pour sa narration. Dans The Affair, son usage ne se limite pas à faire découvrir les personnages, contrairement à Skins, la série renoue avec son utilisation d’origine, celle de nous impliquer dans la résolution d’un crime. Au cours du pilote, on se rend compte que les voix off des personnages sont en fait leurs déclarations à un détective.

Dans la première saison, chaque épisode est divisé en deux, la perspective de Noah et celle d’Alison. La deuxième saison introduit les points de vue de leurs conjoints respectifs, Helen et Cole. La troisième saison propose une vision étrangère sur la société américaine et ses mœurs avec le point de vue de Juliette, une universitaire française venue enseigner temporairement aux Etats-Unis.

La subjectivité de cette narration éloigne les personnages des clichés en donnant de la profondeur à leurs caractéristiques tout en laissant chacun se faire sa propre opinion sur les situations présentées, sans imposer une morale.

La complexité des personnages et de leurs relations se dessine au fil des épisodes. Noah, Alison, Helen et Cole sont les quatre piliers de l’intrigue. Noah le professeur de lycée de Brooklyn, père de quatre enfants, marié à son premier amour, Helen, ne correspond pas, à première vue, à l’image d’un coureur de jupons capable d’avoir une aventure extraconjugale. La découverte de ses frustrations personnelles qui l’ont poussé vers l’adultère se fait au fur et à mesure. Alison représente pour lui une échappatoire à un mariage avec une femme dont la perfection l’étouffe. Cependant, l’insouciance apparente d’Alison n’est qu’illusoire. Un drame est survenu dans la vie d’Alison et Cole quelques années auparavant. Bien que les deux soient très proches depuis l’enfance, leurs divergences quant à la manière de gérer ce drame les éloignent l’un de l’autre. Cole symbolise la population d’origine de Montauk, celle qui ne supporte pas de voir sa ville envahie par de riches new-yorkais l’été. Alison désire plus que tout s’évader de Montauk sans jamais vraiment y parvenir.  

Le format série rend particulièrement efficace l’utilisation de l’effet Rashomon pour élaborer un profil psychologique des personnages sur un fond de résolution de crime sans mettre au plan principal l’enquête. En effet, la longueur de ce format, donne une possibilité d’inclure un nombre plus important d’arcs narratifs et laisse une grande liberté aux réalisateurs de décider l’importance de chaque arc narratif.

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