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Billet de blog 6 novembre 2017

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« Jeune Femme » : Jeunes Femmes

Le premier long-métrage de Léonor Serraille, Jeune Femme, a remporté la Caméra d’or du Festival de Cannes 2017.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

À l’origine, Jeune Femme est le scénario de fin d’études de la réalisatrice, Léonor Seraille, à La Fémis. Jeune Femme peut être qualifié de « film-portrait » ou « film-personnage » qui s’inscrit dans le cinéma de personnage, un film sur Paula qui est de retour à Paris après une longue absence. Face aux portes closes, à l’absence d’argent et avec le chat de son ex sous le bras, Paula décide de prendre un nouveau départ en se réinventant totalement, quitte à s’inventer de nouvelles personnalités, ce qui la place dans un entre-deux pendant tout le film. Lorsque Paula semble commencer à se définir, que le spectateur pense enfin la cerner, elle prend soudain un nouveau virage qui sème à nouveau le doute et l’incompréhension. La rupture avec son compagnon plus âgé, photographe, son ancien professeur, juste après son retour à Paris provoque la perte d’elle-même qui est habituée à n’exister que par le regard de cet homme.

Illustration 1

Pour incarner cette jeune femme à multiples facettes, Léonor Seraille choisit la comédienne Laetitia Dosch qui interprète dans son one woman show Un Album quatre-vingt personnages. Car, en effet, Paula n’a ni domicile fixe, ni âge (elle dit au médecin avoir vingt-neuf ans, puis trente et un ans, l’actrice en a trente-six), ni occupation définie (elle est à la fois vendeuse, nounou, étudiante…), ses yeux sont bicolores. Même son prénom peut changer, à certains moments elle s’appelle Sarah. Les qualificatifs de « film-portrait » et « film-personnage » deviennent alors pluriels.

Paula semble errer dans Paris, plus particulièrement dans le quartier de Montparnasse, en essayant de s’approprier (ou se réapproprier) cette ville, ce quartier, d’y survivre créant ainsi un dialogue entre elle et cet espace. Au point que Montparnasse devient le deuxième protagoniste du film. D’ailleurs, le titre international de Jeune Femme est Montparnasse Bienvenue. Dans son premier long-métrage, la réalisatrice ne rend pas seulement hommage aux femmes actuelles, mais aussi à ce quartier parisien dans lequel elle a eu son premier appartement, une chambre de bonne, à dix-huit ans. 

Malgré la démarche intéressante de construire la narration du film autour des différents aspects de la personnalité de Paula, cette structure peut se retrouver fragilisée si l’empathie avec la protagoniste n’opère pas, car si certains peuvent être touchés par la situation de Paula, la considérer comme représentative de toute une génération de jeunes femmes, la trouver à la fois émouvante, pleine de vie et impétueuse, voir s’identifier à elle, d’autres pourront la trouver hystérique, agaçante, cliché, immature et irrespectueuse. Dans le deuxième cas, il n’y a pas vraiment une singularisation de Paula et le film perd de son intérêt.

Erica Farges   

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