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Billet de blog 19 décembre 2017

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« Lucky » : hommage poétique à Harry Dean Stanton

Lucky est le premier film réalisé par le célèbre acteur John Carroll Lynch, dont l’impressionnante filmographie comprend de grands films tels que Fargo (1996), Gran Torino (2008), Shutter Island (2010) … Lucky a remporté le Prix du jury œcuménique au Festival de Locarno 2017.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Lucky (Harry Dean Stanton) est un rebelle de 90 ans aux airs de cow-boy qui passe ses journées à refaire le monde avec les autres habitants de la petite ville perdue au milieu du désert où il vit et dans laquelle il déambule solitairement à longueur de journée. Lucky est un personnage unique qui malgré sa façade misanthrope est quand même un pilier de la vie communautaire de sa petite ville, sa carapace solitaire est régulièrement mise à l’épreuve dans le film par l’attachement que lui portent les autres habitants, attachement, qui se révèle finalement être réciproque, même si Lucky ne l’avouera jamais.

Lucky se retrouve confronté à sa propre mortalité, qu’il ne parvient d’abord pas à accepter, pour lui la vieillesse ne peut pas avoir raison de lui et ce diagnostique simpliste que lui donne son médecin est forcément inexact. L’illusion de Lucky d’indépendance et de maîtrise de son destin est remise en cause. Commence alors sa quête spirituelle, une réflexion sur notre passage éphémère sur terre, l’insignifiance de l’être humain dans l’univers et le temps qui passe… Une réflexion personnelle qui deviendra collective, tant son caractère est universel. Loin d’être morbide, Lucky propose une introspection douce, poétique et même, souvent, humoristique.

Illustration 1

Lucky est un hommage, voir même une déclaration d’amour, à l’acteur Harry Dean Stanton qui après des rôles mythiques, dont le plus notable restera sans doute celui de Travis Henderson dans Paris, Texas (1984) de Wim Wenders, incarne ce dernier rôle sur grand écran dans Lucky avant de s’éteindre en septembre 2017 à l’âge de 91 ans. Un rôle écrit sur mesure pour ce grand acteur, l’un des co-scénaristes du film, Logan Sparks, est un vieil ami de Harry Dean Stanton. L’histoire de Lucky est pensée à travers le personnage et l’acteur qui l’incarne, s’inspirant de la vie et de la personnalité de Stanton. Un film qui rappelle l’époque où c’était la star qui faisait le film et non le film qui faisait la star. Dans Lucky l’aura de la star reprend toute sa splendeur d’antan, la star ne se contente pas d’être un simple accessoire du film comme c’est souvent le cas actuellement, cette position est annoncée dès le générique d’ouverture où le nom de Harry Dean Stanton apparaît en grand avant même le titre du film, précisant qu’il est le film.

Film singulier où l’acteur entreprend l’acceptation de sa propre mortalité à travers son personnage, Lucky est également l’occasion de faire passer ceux qui sont généralement devant la caméra derrière elle et vice-versa. En effet si l’acteur John Carroll Lynch réalise ici son premier film, le célèbre réalisateur David Lynch (qui n’a aucun lien de parenté avec John Carroll Lynch), se retrouve dans le rôle de Howard, un ami de Lucky qui a perdu sa vielle tortue, clin d’œil à la carrière cinématographique de Harry Dean Stanton qui a joué dans beaucoup des films, et dans la série Twin Peaks, de David Lynch.

Dans Lucky, l’évolution ne se fait pas à coups de climax spectaculaires, elle vient d’un changement intérieur. Lucky redonne à la star son éclat passé, tout en rappelant que même celui-ci est, au final, temporaire, insignifiant et finit par s’éteindre.

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