Faute d’Amour (Нелюбовь) commence à Moscou en 2012, un couple, Boris (Alexeï Rozine) et Genia (Marianna Spivak), est en conflit permanent en attendant le divorce. Ils sont chacun absorbés par les perspectives de vies nouvelles qui s’offrent à eux. Mais un élément gêne la réalisation de leurs futurs projets : leur fils de douze ans, Aliocha (Matveï Novikov). Un jour, celui-ci disparaît.
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Après la réalisation d’Elena (Елена, 2011), Andreï Zviaguintsev avait comme projet de faire un remake russe de Scènes de la vie conjugale (Scener ur ett äktenskap, 1974) d’Ingmar Bergman. Malheureusement, le réalisateur ne parvient pas à acquérir les droits du film. Après le tournage de Léviathan (Левиафан, 2014), il apprend l’existence du mouvement « Liza Alerte », un rassemblement de bénévoles qui cherchent les personnes disparues, crée en réaction au manque d’efficacité et d’intérêt de la police russe pour ces disparitions. Zviaguintsev garde l’idée du couple qui se déchire dans un divorce de Scènes de la vie conjugale, sauf qu’ici ce n’est pas l’attachement réciproque qu’éprouvent les deux personnages malgré les conflits et la violence de leurs rapports qui les freine dans la construction de leur avenir individuel, mais la disparition de leur fils.
La froideur sentimentale des parents vis-à-vis de leur fils est telle qu’il est impossible de savoir si leurs réactions sont dues au désespoir que provoque chez eux la disparition de leur fils ou à la frustration due au fait que les recherches les empêchent de passer aussi vite qu’ils le souhaiteraient à leurs vies nouvelles. Boris et Genia, apparaissent alors comme des individus ambigus et complexes, capables de tendresse pour leurs nouveaux conjoints, mais incapables de se rapprocher et d’arrêter leur escalade dans la violence et le mépris pour retrouver Aliocha.
Faute d’Amour part d’une histoire personnelle pour faire le portrait de la société russe actuelle, où l’individualisme, la concurrence et la réussite sociale priment sur l’affectif, la famille et la solidarité. Le film dénonce aussi un Etat qui ne fournit pas à ses citoyens les services publics de base.
Le plan le plus représentatif, et l’un des plus marquant, de Faute d’Amour est celui où Aliocha pleure silencieusement derrière la porte pendant que ses parents se disputent dans le salon, ils l’ont déjà effacé de leurs vies avant qu’il ne disparaisse physiquement. Disparation volontaire ou involontaire de ce garçon, assez âgé pour comprendre ce qui se passe, mais trop jeune pour quitter le foyer familial de son plein gré afin de commencer à construire sa vie d’adulte, comme l’ont fait les autres personnages du film ?
Malgré sa lourdeur, pas forcément négative, car elle accentue la rudesse et la froideur de l’ambiance, et une appréhension assez difficile, surtout si on ne connaît pas bien la société russe, Faute d’Amour est un film qui mérite de s’accrocher pour y arriver à bout, tant l’impact du message qu’il porte et sa subtilité sont forts.
Erica Farges