The Square est un film crée à partir d’une œuvre d’art qui existe vraiment. En effet, en 2015, Ruben Östlund, le réalisateur, et le producteur du film, Kalle Boman, exposent ce projet artistique au Musée du Design de Vandalorum à Värnamo qui deviendra par la suite une installation permanente sur la place centrale de cette ville. Le concept de l’installation est le suivant : ceux qui se trouvent dans « Le Carré » doivent agir et réagir si d’autres personnes ont besoin d’aide. Ce concept repose sur « l’effet du spectateur », le fait que plus il y a de témoin, moins il est probable que les témoins apportent leur aide, car la responsabilité personnelle se retrouve diluée. Paradoxalement, la cohésion sociale compense l’indifférence collective. Le projet The Square est donc une invitation à réexaminer les valeurs sociales actuelles, plus particulièrement, selon le réalisateur, celles qui régissent la société suédoise actuelle qui : « repose sur un ancestral socle de démocratie sociale où l’Etat supporte énormément les citoyens mais dont, en même temps, les citoyens sont particulièrement individualistes. », il y ajoute : « En Suède, le discours est qu’on ne doit pas sentir de pression familiale, il est encouragé à s’accomplir par soi-même » et « Il y a bien sûr un lien entre The Square, l’identité et la société suédoise actuelles. ».

Agrandissement : Illustration 1

Ce dilemme est représenté dans le film The Square par le protagoniste, Christian (Claes Bang), directeur du Musée d’Art Contemporain de Stockholm qui prépare l’installation de cette exposition prônant l’altruisme. La campagne de communication autour de l’œuvre centrale de l’exposition et le vol dont Christian est victime vont le plonger dans une crise existentielle. Ce personnage instaure à la fois une proximité et une distance. Il est proche dans la mesure où les interrogations déclenchées par l’exposition chez Christian sont celles qu’elle est censée engendrer chez n’importe qui, il se retrouve confronté au paradoxe de tout être humain : il est facile de trouver des valeurs, mais difficile d’agir en accord avec celle-ci. Cependant, le personnage instaure une certaine distance car il fait partie de l’élite intellectuelle, culturelle, artistique et sociale.
Le sujet de The Square n’est pas sans rappeler celui de La Grande Bellezza (2013) réalisé par Paolo Sorrentino, dans la mesure où les deux films proposent une satire des élites qui vivent en microcosme, en dehors de la réalité des classes populaires, avec des actes qui contredisent leurs valeurs. Mais, malheureusement, The Square ne parvient pas à avoir le côté prenant et entraînant de La Grande Belezza. La faute à la volonté de vouloir faire trop dans le minimalisme, dans l’humour « intello », dans la bien-pensance et dans la moralisation, The Square finit par devenir un film lourd, plombant, malgré les réflexions intéressantes qu’il propose sur l’impact de l’art et des médias dans la société, les paradoxes de l’être humain, la hiérarchie et les valeurs sociales, la responsabilité morale, la nécessité de repenser un nouveau « vivre ensemble » …
Erica Farges