Après avoir réalisé States of Grace (Short Term 12, 2013), Destin Daniel Cretton s’intéresse encore une fois à des enfances et adolescences « hors du commun ». C’est donc un aperçu du destin exceptionnel de Jeannette Walls, une petite fille qui a grandi dans une famille dysfonctionnelle et itinérante pour devenir chroniqueuse mondaine à New York, qu’offre le réalisateur dans Le Château de verre. Jeannette vient d’une famille de quatre enfants qui déménage sans cesse pour échapper aux huissiers avec un père alcoolique qui promet à sa famille de lui construire un château de verre et une mère qui ne vit que pour son art. Malgré leur idéalisme et un certain égoïsme, les parents Walls aspirent à maintenir une union familiale, allant jusqu’à suivre leurs enfants à New York quand ces derniers décident d’y déménager, en partie pour tenter de fuir leur passé. Des parents qui sont rendus humains, en dépit de leur négligence, par l’attitude maladroite qu’ils ont vis-à-vis de leurs enfants, ils veulent que leurs enfants restent proches d’eux mais ne parviennent pas à accepter qu’ils puissent trouver le bonheur dans un autre mode de vie que celui où ils ont été élevés.

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Le personnage le plus marquant du film n’est pas forcement Jeannette (Brie Larson/Ella Anderson/Chandler Head), mais plutôt son père interprété par Woody Harrelson qui entraîne sa famille dans ses divagations et rêves loufoques. Le film s’éloigne souvent de l’entité familiale pour se recentrer sur la relation entre Jeannette et son père.
Adaptation cinématographique du best-seller autobiographique de Jeannette Walls publié en 2005, dans lequel elle raconte ses souvenirs d’enfance et de jeunesse, le film, dont le récit s’étale des années 1960 aux années 1990, jongle entre les différentes périodes de la vie de l’écrivaine, à l’aide de flashbacks et flashforwards, des souvenirs qui finissent par se rassembler comme les pièces d’un puzzle pour reconstituer la vie de Jeannette. Le Château de verre propose une narration en patchwork, qui se construit par des passages entre les différentes époques, entre l’enfance et l’âge adulte, plutôt que de montrer une progression linéaire.
Souvent comparé à Captain Fantastic (2016) de Matt Ross, car les deux films proposent des portraits de familles vivant en marge de la société, Le Château de verre, donne une représentation plus nuancée, où il n’y a pas de résolution idyllique et où les limites entre l’idéalisme et la folie sont floues, l’aspect réaliste de l’autobiographie est bien présent dans le film. Si certains dialogues ou attitudes des personnages pourrait prendre une tournure excessivement dramatique et sentimentale, ils ne font en fait que renforcer l’extravagance et l’incohérence des situations qu’ils vivent.
Le Château de verre parvient à montrer le portrait nuancé d’une famille à la fois dysfonctionnelle et fusionnelle dans toute sa justesse. Le parallèle fait entre la fiction et les personnes qui l’ont inspirée dans le générique de fin ajoute du charme au film, même si c’est un procédé très souvent utilisé dans les biopics.
Erica Farges