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Billet de blog 2 mars 2025

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Les Trumpitudes, une opportunité pour l’Europe ?

Le « franc parler »de Trump ouvrir a-t-il enfin les yeux de l’Europe sur le fait que, pour les puissants américains, la défense de la démocratie et de la souveraineté des Etats ne sont que des détails de l’Histoire ?

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Full Meeting between President Trump, VP Vance and Ukrainian President Zelenskyy in Oval Office © © C-SPAN


Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’y a pas été avec le dos de la cuillère ! Je veux parler des propos du Président des Etats Unis, Donald Trump, concernant le règlement du conflit ukrainien, et en particulier de son altercation télévisuelle du 28 février dernier avec le Président ukrainien, Volodymyr Zelensky, dont le média Le Grand Continent a pris la peine de publier une transcription intégrale en langue française[1].

Je veux croire, pour reprendre l’expression d’un de mes contacts Facebook que « Ce moment restera dans l’Histoire avec un grand H ». Mais pas tout à fait pour les mêmes raisons que celles que lui et beaucoup d’autres invoquent.

D’aucun y voit « une rupture de l’alliance atlantique qui nous maintient en paix depuis 80 ans. ». Pas moi !Ou alors…il s’agit juste de la « pax america », où…le gage de paix est tout à fait relatif, et reste, éminemment, circonscrit aux régions dont les projets sont jugés par les pouvoirs états-uniens, suffisamment compatibles avec ceux portés par les États-Unis (dixit Wikipedia).

Sacrée « pax america ! Depuis, a minima, la fin de la Seconde Guerre Mondiale, au palmarès des pays fauteurs de guerres, guerres civiles comprises, je ne suis pas du tout certain que les Etats Unis aient de grandes choses à envier, ni à l’URSS, avant la chute de cet empire, ni à la Russie, depuis ladite chute.

Allez, comme ça, juste pour, d’une part, exemple, et, de l’autre, pour rappel, la mention de l’un des petits avatars de la « pax america » : la Seconde Guerre du Golfe et ses…100 000 à plus d'un million de morts, selon les sources et les estimations. Le plus important dans l’expression « pax america », ce n’est pas le mot « pax » ; mais « america ».

A comprendre en creux : « america first », « america great, « America, master of the world and words after God ». Yes, you can choose between these three expressions, the one that you like the most !

Concernant la guerre actuelle qui sévit en Ukraine, la doxa européenne officielle est que, je reprends ici les mots de la description qu’en formule Jacques Fontanel, professeur d'économie et Vice-président chargé des relations internationales à l'Université Pierre Mendès France Grenoble 2, « la responsabilité de cette guerre incombe évidemment au Kremlin, sur la base de cinq arguments principaux, à savoir le déclenchement soudain de la guerre, les visées impériales historiques de Moscou, l’hubris de Vladimir Poutine, la position civilisationnelle et religieuse belliciste du Patriarcat de Moscou ou la volonté du gouvernement de la Russie de montrer au monde que celle-ci reste une grande puissance mondiale »[2]

A contrario, pour d’autres observateurs, dont Jean Géronimo, enseignant chercheur, auteur de « Poutine, au cœur du piège ukrainien » (edition Sigest, Alfortville – 2024), et je recite là Jacques Fontanel : « cette guerre n’est que le résultat principal d’une stratégie internationale menée par les Occidentaux contre la Russie depuis la fin de l’URSS le 25 décembre 1991 ».

Je plussoie cette thèse, et à ce titre considère que, Washington, et Genève, n’ont rien à envier à Moscou, en matière de responsabilité concernant cette guerre. Et de fait que ce sont les avatars de la soumission politico-militaire de l’Alliance Atlantique aux Etats Unis qui ont replongé pour la deuxième fois – N’oublions pas la guerre en ex-Yougoslavie ! -un territoire européen dans une guerre de haute intensité depuis maintenant plus de trois ans, seulement soixante-dix-sept ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Mais revenons au show TV que nous a servi La Maison Blanche… prestation d’échange de passes d’arme verbales  - mourir sur les champs de bataille, c’est bon pour les sans nom ! -entre deux millionnaires - au bas mot une dizaine de millions d’euros pour Zelensky, 4,3 milliards de dollars en aout dernier selon Forbes pour Trump– et qui sont l’un et l’autre – à mon sens, il est important de ne pas l’oublier, de grands professionnels du petit écran devant l’Eternel.

Je n’éprouve quasiment aucune estime, ni à l’égard de l’un, ni à l’égard de l’autre.

Le pov’ Zelensky a été publiquement humilié dans les bureaux de la Présidence de la république des Etats unis, principal bailleur de fonds de la guerre en Ukraine. On nous dit que cela faire pleurer dans les chancelleries européennes.

Pour autant… en matière de politique intérieure ukrainienne, n’est-ce pas pour lui une aubaine ? De quoi pouvoir négocier la reddition de l’Ukraine la tête haute en expliquant que « lâché » par les Etats Unis, il ne pouvait obtenir mieux ! Non ?

Se pourrait-il que les divergences et les discussions affichées aient été arrangées en quelque alcôve à la virgule près par l’un et l’autre, main dans la main, pour aboutir à la narration (une pseudo narration ?) que l’on nous a servie. Et Trump de ne pouvoir s’empêcher de déclamer  à la fin du show : « ‘Ça va faire de la très bonne télévision. Je peux vous le dire. Très bien. »…

L’Ukraine est un panier de crabes où la corruption est réputée vivre bon train[3], et dont la maitrise des terres arables est disputée par de multiples acteurs internationaux [4]. Sans compter sa place particulière sur les marchés internationaux du gaz naturel. Secteur où au moins un membre de la famille Bident avait su y trouver quelque intérêt[5]. Au grand dam des pétro-oligarques de la « bande à Poutine » ? Et des copains de Trump dans l’industrie américaine du gaz ?[6]

L’Ukraine, théâtre de règlements de compte intra-américains, façon Ok Corral ; mais en éminemment plus sanglant (pour les ukrainiens, s’entend…) ?

Et voilà Trump qui a eu la bonne idée de mettre sur le devant de la scène l’appétit des Etats Unis pour un autre trésor de l’Ukraine, ses réserves de terres rares, et d’exprimer tout de go, tranquillement et publiquement à la face du monde que cela devait faire partie du deal du maintien de l’implication des Etats Unis dans les négociations de paix avec la Russie et la reconstruction de l’Ukraine ![7] IIl semblerait qu’il y en ait pas mal en Ukraine, des terres rares ![8] L’Ukraine, victime de la malédiction des ressources, en plus de celle de sa position géostratégique ?

Je n’aime pas le personnage de D. Trump ; mais j’en suis presque à souhaiter que l’Humanité, à commencer par l’Europe, lui érige une statue en l’honneur de son « franc-parler ».

De mon point de vue, il a ainsi exprimé,  aux yeux du monde entier ébahi, sans ambages et avec une crudité « savoureuse » que, pour un pays comme les Etats Unis – et bien d’autres, sinon tous ! - la défense de la démocratie et de la souveraineté des Etats ne sont que des détails de l’Histoire, ne valant que pour ce qu’ils permettent d’envois de sans noms se faire tuer au nom d’idéaux qui n’engagent que ceux qui y croit.

Conjuguées aux améliorations de confort matériel permis par l’accélération constante des progrès techniques, et la libéralisation des mœurs autorisée par la mise à distance des considérations religieuses dans « le bloc de l’Ouest » - sauf peut-être aux Etats Unis où le Président jure sur la Bible - les horreurs, des deux premières guerres mondiales, des empires coloniaux, et des apartheids sur fonds de passés esclavagistes - ont, des décennies durant, conduit à, et permis que, les puissants des puissances occidentales drapent leurs turpitudes dans des prétentions d’éthique humaniste.

Ce que me dit le show de la Maison Blanche, c’est que des gars comme D. Trump, baby boomer vieillissant à l’apogée de sa puissance, accompagnés des cliques de libertariens, en qui je ne peux m’empêcher de voir des rejetons tarés nés de la dégénérescence de quelque mouvance hippie en une espèce de secte d’adorateurs du pouvoir et de l’argent, jugent ne même plus avoir besoin de se parer de tels oripeaux pour, suivant les contextes et au grès des opportunités, et des menaces, défendre, ou étendre, les champs de leurs intérêts personnels directs,  ou indirects - comprendre, ceux de leurs obligés.

Comme mon ami FB, je pense que « ce sera violent, et juste basé sur l’argent ».

Mais loin d’y voir de la part de Trump une volonté de porter atteinte aux équilibres issu de l’après-guerre, j’y vois bien au contraire le désir farouche de maintenir celui-là : une Europe faible sagement assujettie, d’un côté aux Etats Unis d’Amérique, de l’autre à la Russie. Et de me demander : pour, sur le long terme, éviter cet affreux cauchemar américain: une Europe, main dans la main avec une Russie débarrassée de ses trop plein de corruptions et d’autoritarisme ?

Du coup, deux questions me taraudent.

La première, plutôt anecdotique, est de savoir comment les puissants de l’Europe vont réussir à nous sortir du bourbier ukrainien sans perdre la face, sachant – Et Dieu, j’espère ne pas me tromper ! – qu’ils ont bien conscience que poursuivre cette guerre sans le soutien américain est une entreprise perdue d’avance.

je n’ai aucune idée quant au tour de passe-passe qu’eux et leurs agences de com vont bien pouvoir trouver pour faire avaler la pilule sans laisser un arrière-gout de vaseline dans la gorge de très nombreux citoyens européens…Si vous avez des idées sur la question…

La seconde, beaucoup plus importante, est de savoir comment les puissants de l’Europe vont réagir sur le fond ?

En s’affichant et en agissant en bons et loyaux vassaux soucieux de défendre leurs intérêts immédiats – un peu comme les milliardaires des GAFA l’ont fait aux Etats Unis au moment de l’élection de Trump ?

Ou, pour une fois, en digérant mal le fait de se faire mettre, une fois de plus, par l’Oncle Sam ?

Renchérissement du coût de l’Energie, approfondissement de la perte de crédibilité sur les scènes internationales, sacrifice des investissements en Russie, etc. Rien que, concernant uniquement la France, en 2022, 1 200 entreprises françaises étaient actives en Russie et y employaient a priori quelque chose comme 160 000 personnes. Combien de milliards de pertes rien que pour CMA-CGM, Air France, Pernod Ricard, LVMH, Hermès, Chanel, Kering (Gucci), Guide Michelin, Renault, Société générale, Danone, Total Energies, Groupe Mulliez, Savencia, Bonduelle, Servier ? Je ne connais pas le montant ; mais l’addition ne peut être que salée, très salée. Quelles parts, de tous nos déficits, sont imputables à cette gabegie ?!

Personnellement, j’aimerais voir les puissants d’Europe, dans des sursauts d’amour propre et de réalisme, se sentir vraiment pris pour des cons par les pouvoirs états-uniens, et prendre conscience qu’ils ont tout intérêt à commencer daredare à travailler ensemble à la mise en place de ce qu’il faut pour, sur le long terme, s’affranchir autant que possible du joug américain, et jouer leur propre partition, dans leurs intérêts et celui de leurs concitoyens.

Un signal fort en ce sens de la part des Etats, serait la - enfin ! -construction d’une Europe de la Défense – a minima, parce que, sans parapluie américain, le besoin de sensation de sécurité y oblige, vu que dans le contexte actuel, et avec le passif de l’URSS, et de tout ce qui s’est passé depuis les années 1990, ce n’est pas demain que les citoyens européens (hors Russie) se diront qu’il n’y a militairement plus rien à craindre de la Russie[9].

Le côté carrément « craignos » de la chose, est que les augmentations de dépenses militaires n’ont jamais rien auguré de bon en matière de paix, à travers le monde. Mais, bon, comment éviter de passer par là pour reconquérir « notre » indépendance, écornée depuis la bonne idée de s’entretuer dans le cadre de la première guerre mondiale, et consommée avec la seconde ?

[1] https://legrandcontinent.eu/fr/2025/02/28/lechange-entre-trump-et-zelensky-transcription-integrale/

[2] https://hal.univ-grenoble-alpes.fr/hal-04666473/document Jacques Fontanel. La responsabilité de la guerre en Ukraine. Des tentations impériales de la Russie et de l’hubris poutinien à l’avancée inquiétante de l’OTAN pour la sécurité de la Russie. Paix et sécurité européenne et internationale, In press. ffhal-04666473f

[3] https://www.sudouest.fr/international/europe/ukraine/guerre-en-ukraine-comment-la-corruption-perturbe-la-reconstruction-du-pays-22146681.php

[4] https://www.ritimo.org/Guerre-et-spoliation-la-prise-de-controle-des-terres-agricoles-ukrainiennes

[5] https://en.wikipedia.org/wiki/Burisma

[6] https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20250119-drill-baby-drill-r%C3%A9alit%C3%A9-derri%C3%A8re-discours-pro-gaz-de-schiste-donald-trump-p%C3%A9trole

[7] https://www.youtube.com/watch?v=kr1Xys8lyds

[8]https://experience.arcgis.com/experience/5faf374346f64a6c85883b03923ab493#data_s=id%3A99102051a40148c99551b4c6bf61b409-1954cf0a7b9-layer-3%3A56

[9] https://www.youtube.com/watch?v=XUdeJckptJc

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