Plusieurs pays d'Afrique ont dans leur Constitution des critères précis au sujet de la nationalité des prétendants à l'accession, en ce qui concerne les candidats aux élections présidentielles. Le Sénégal, ou encore Madagascar en font notamment partie.
Désigné comme étant «le ministre du ciel et de la terre» sous la présidence de son père Abdoulaye Wade, Karim Wade voulant se présenter à son tour se voit être confronté à un obstacle de taille, sa seconde nationalité.
Sur le réseau social X, les internautes ont manifesté leur mécontentement et ont réclamé que les oppositions comme la société civile se mobilisent.

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Karim Wade avait alors déclaré avoir renoncé à sa nationalité française, qui l’empêchait de déposer candidature. C'est à trois jours de la validation finale des candidatures que le député Thierno Alassane Sall a déposé dès le mardi 16 janvier, un recours devant le Conseil constitutionnel afin de l’invalider. Au porte-parole du député de déclarer que le décret du Ministère de l’intérieur français publié au journal officiel à la date du mercredi 17 janvier ne changeait rien, car Karim Wade avait menti lors du dépôt du dossier en candidature le 23 décembre.
Cette accusation a été immédiatement réfutée par le camp Wade, qui a confirmé que le concerné n’avait déjà plus la nationalité française au moment où le dossier a été déposé, sans pour autant fournir d'autres explications ou preuves à l'appui.

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Son père avait essuyé les mêmes difficultés alors que depuis 1992 la Constitution sénégalaise fait obligation à tout candidat à l'élection présidentielle d'être «exclusivement de nationalité sénégalaise.»
Avec pour seul garantie une attestation sur l'honneur, certains responsables de l’Alliance pour la République avaient crié au parjure et à la haute trahison. Jeune Afrique à ce sujet a publié un article indiquant que le porte- parole du PDS détaille qu’Abdoulaye Wade, né avant l’indépendance, « fût citoyen français de naissance avant de se défaire de cette nationalité au moment de repasser l’agrégation à titre étranger. » Le journaliste cite l’intéressé, expliquant que l’ex président avait diffusé un texte dissertant sur les nuances entre bi-nationalité et double nationalité, « sans toutefois clarifier son propre état civil ».
Madagascar vient de rencontrer une actualité que l'on peut penser similaire, mais il réside une différence majeure.
Le président Andry Rajoelina nouvellement réélu a obtenu sa seconde nationalité en 2014, selon les documents attestant de sa naturalisation française, publiés au journal officiel et signés de la main de Manuel Valls, alors Premier ministre du gouvernement Hollande.
Il s'est maintenu candidat et a d'ailleurs depuis, remporté les dernières élections présidentielles.
Alors que le code de la nationalité mentionne que l'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère fait systématiquement perdre la nationalité malgache, l'affaire portée au devant de la Haute Cour Constitutionnelle s'est vue retoquée par la décision suivante : se déclare « non compétente pour dire et juger que M. Andry Rajoelina a perdu la nationalité malgache ».

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Techniquement et dans l'éventualité où obtenir une seconde nationalité ferait effectivement perdre la première, le concerné ne serait donc plus malgache de nationalité et pourtant à la tête de Madagascar.
Dans cette hypothèse, Madagascar aurait donc un président qui ne détiendrait uniquement qu'une nationalité, étrangère à celle du pays qu'il gouverne.

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Mais comment a-t-il obtenu cette seconde nationalité, quand un citoyen lambda étranger en France peut passer toute une vie sur le territoire et tenir sur une carte de résident de longue durée ou des titres de séjours à répétition pour seules solutions.
Le quotidien Le Monde, révèle que «cette nationalité française aurait été obtenue sous la condition qu'il se retire de la vie politique quatre années après le changement de pouvoir extra constitutionnel», passé au forceps par un directoire militaire.
Manuel Valls a-t-il «donné» cette nationalité totalement à l'extérieur du processus qui s'applique à tous? Il y'a t'il pour Manuel Valls, des citoyens dont les droits sont supérieurs à ceux des autres?
On se rappelle des négociations serrées et orageuses autour et depuis le basculement du pouvoir de Marc Ravalomanana à Andry Nirina Rajoelina. Basculement qui avait provoqué plusieurs fusillades, des tirs à balles réelles en plein jour sur des civils ainsi que l'exil forcé de Marc Ravalomanana.
Cette phase extrêmement douloureuse pour la nation malgache avait éprouvé la communauté internationale tant elle s'est étendue dans le temps, celle-ci avait exclu l'île continent, et cette crise a précipité un pays à politique déjà sensible, dans l'abîme.
Est-ce qu'un événement politique tel à donné lieu à cette «tractation» d'État à individu, quand la nationalité d'un pays étranger devient monnaie d'échange.
À ces questions alors posées, le président de Madagascar en exercice a qualifié sa nationalité française de «bout de papier» en ajoutant qu'il avait été «naturalisé par filiation», et qu'il l'avait fait pour faciliter l'installation de ses enfants pour leurs études. Bien loin donc de la notion de désir d'appartenance aux valeurs républicaines françaises, ou de devenir un citoyen de droit mais aussi de devoir, redevable envers la nation et acteur de la grandeur de celle-ci.
La naturalisation et l'acquisition de la nationalité française par filiation sont deux choses aucunement cumulables. Le concerné ici risque de semer l'incompréhension, car la filiation est le droit du sang «quand l'un des parents au moins est français au moment de la naissance de l'enfant». N'étant pas dans ce cas, au désormais président Rajoelina d'ajouter qu'il l'avait eue de son grand-père qui en serait détenteur.
Cette question est d'importance, et c'est depuis le site web de L'ADFE que le sénateur représentant des français établis hors de France apporte éclairage. Il spécifie que, concernant l'acquisition par filiation de grands-parents à petits-enfants ce raisonnement est erroné et que de graves erreurs d'interprétation sont commises.
Il souligne «qu'en droit l'acquisition de la nationalité concerne les étrangers qui souhaitent devenir français et non les français par filiation qui eux, se voient attribuer la nationalité, c'est à dire qu'ils l'a possèdent depuis la naissance (la tenant de l'un des deux parents au moins). Il est donc juridiquement erroné d'évoquer «l'acquisition de la nationalité par filiation». La nationalité française par filiation doit se transmettre via une chaîne ininterrompue de filiation.»

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Hasard du calendrier face à ce sujet d'actualité, alors que depuis l'Elysée, le chef de l'état français Emmanuel Macron a souhaité, lors de la conférence de presse donnée le 16 janvier, notamment insuffler le vent du «Réarmement civique», défini comme le renforcement de la notion d'attachement et d'appartenance à la République française, son hymne national, ses valeurs et traditions.
Si cette nationalité n'est «qu'un bout de papier» pour le président malgache, comment mesurer sa qualité citoyenne et républicaine, comment ne pas se dire que son approche s'applique également à la nationalité qu'il a possédée avant, c'est à dire la nationalité malgache?
Un chef d'État qui dénigrerait une nationalité publiquement, porterait atteinte à celle-ci. Sa situation exceptionnelle et sa position de chef de la nation le pose en garant de l'unité, de la cohésion au travers des valeurs, traditions qui en sont fondations. Pourquoi ces valeurs ne s'appliqueraient-elles pas à chacune des nationalités dont il dispose.
Les présidents de la république en Afrique qui se verraient être dans une position contraire à ce que la Constitution du dit pays pourrait permettre ou non, sont quelques fois confrontés à la justice, et il semble que selon les pays, cette justice parvient ou non à se prononcer et à remplir sa fonction première.
Une question plus que déterminante : pour quelle raison un candidat ne pourrait-il pas subir un contrôle simple et obligatoire, une formalité, des diverses nationalités dont il dispose, vu les fréquents cas posant problèmes et l'impact négatif que cela a sur la confiance qu'un peuple doit avoir envers son serviteur. La déclaration sur l'honneur ne semble pas être suffisante sur telle question.
La récente élection présidentielle à Madagascar a généré beaucoup de réactions qui ont inquiété le société civile, mais aussi des personnalités politiques de renom. Le manque de transparence ou de respect des règles en auraient été les premières causes.
«Une élection présidentielle est censée être une occasion de choisir librement nos dirigeants, d'exercer notre souveraineté et d'affirmer notre indépendance en tant que nation. Cependant, il est devenu évident que cette élection est loin de refléter ces idéaux». A déclaré Annick Ratsiraka, fille de feu le président de la République Didier Ratsiraka. Elle a retiré sa candidature en réaction.
«En 2018, lorsqu'il a déposé sa candidature à l'élection présidentielle, il a sciemment dissimulé cette acquisition donc il a menti au peuple malgache». A déclaré Maître H.Razafimanantsoa, députée de l'opposition.
«La justice à été compromise, notre souveraineté nationale bafouée, les principes démocratiques violés, et les intérêts personnels ont pris le pas sur l'intérêt du peuple». A déclaré le secrétaire du parti AREMA.
Retour au Sénégal après que l'opposition ait soulevé la double nationalité de Karim Wade : Le Conseil Constitutionnel s'est exprimé le 21 Janvier et le candidat a vu sa candidature déclarée irrecevable.
«Les citoyens ont le droit de demander des explications détaillées sur la façon dont le Conseil a validé la candidature de Karim Wade. Les irrégularités évidentes, telles que la complétion tardive du dossier, exigent une explication transparente de la part des autorités compétentes» a déclaré sur X le journaliste sénégalais Pape Alé Niang, alors que le fils de l'ancien président Abdoulaye Wade, lui, a déclaré son intention de porter l'affaire au devant de la Juridiction de la CEDEAO.
Il ajoute «La récente décision du Conseil Constitutionnel est scandaleuse, c’est une atteinte flagrante à la démocratie.
Cette décision est fondée sur des prétextes fallacieux.
Elle viole mon droit fondamental de participer à l'élection présidentielle du 25 février 2024, alors que j’ai depuis longtemps renoncé à ma nationalité française. (...) Dans tous les cas, je participerai d’une manière ou d’une autre au scrutin du 25 février.
Je demande à nos militants, nos sympathisants, nos alliés et aux millions de sénégalais qui me soutiennent de rester mobilisés pour engager à mes côtés le combat contre l’injustice et pour la restauration de l’Etat de droit.»