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Billet de blog 20 avril 2022

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Quoi qu'il m'en coûte...

Le voici donc ce billet qui tourne dans ma tête depuis quatre jours. Ce billet qui me tourmente et dont j’ai longtemps retardé l’écriture. Je suis un des ces électeurs qui a voté Mélenchon dont, parait-il, « tout dépend » pour le second tour ! Quelle responsabilité pèse sur moi…. qui ne suis responsable de rien ! De rien !

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Le voici donc ce billet qui tourne dans ma tête depuis quatre jours. Ce billet qui me "tourmente" et dont j’ai longtemps retardé l’écriture.
Je suis un des ces électeurs qui a voté Mélenchon dont, parait-il, « tout dépend » pour le second tour ! Quelle responsabilité pèse sur moi…. qui ne suis responsable de rien!  De rien !!!

Alors je commence par dire ceci : si aujourd’hui l’extrême-droite est aux portes du pouvoir, les responsables politiques les voici :

Premièrement :  Emmanuel Macron lui-même et sa politique de mépris de classe, sa brutalité libérale, son insupportable arrogance, ses brutalités répressives et sa démagogie identitaire.
Deuxièmement : Les politiques de ses prédécesseurs qui de glissades en trahisons ont préparé le terrain à la sauvagerie libérale qui nous gouverne.
Troisièmement : La gauche dite « de gouvernement » incarnée par le Parti Socialiste, dérivant de la collaboration « sociale » de classe  à une pure politique de classe aux services des possédants, abandonnant les classes populaires aux démagogues racistes dont ils ont, de plus et comme d’autres, relayé les thèmes et repris le vocabulaire !
Quatrièmement : En dernier lieu et dans l’instant présent, EELV, le PCF, le PS qui, malgré leurs scores misérables n’ont pas eu  le courage et surtout le bon sens de se retirer pour assurer la présence de la gauche au second tour! EELV, le PCF, le PS qui ont, sciemment, au « barrage à le Pen » préféré le barrage à Mélenchon !!!  Que ceux-là ne viennent jamais  -mais jamais ! - ne serait-ce que murmurer à mon oreille les mots « barrage à Le Pen ! » A ceux-là, je n’ai qu’une phrase à dire : « Allez voter et bouclez-là ! »
Voilà pour les "responsabilités !" Moi j’ai fait mon devoir d’homme de gauche et d’antiraciste au premier tour et je n’accepte aucun « appel », aucune « pression » de qui que ce soit !
Ceci étant dit, j’aborde la question. Que faire dimanche ?
Le temps de la colère chaude et de la colère froide est passé. Je veux envisager la question froidement, sans affects ni considérations morales.
Je ne veux pas savoir si Le Pen est pire que Macron ou si c’est l’inverse, chacun est « pire » que l’autre !
Je ne veux pas savoir si le programme de Macron est pire que celui de Le Pen ou l’inverse, chacun est « pire » que l’autre !
Je ne veux pas savoir s’il est plus jouissif de faire claquer le fouet à la face de Macron que de faire le castor contre Le Pen ! (Oui, le fouet est plus jouissif !)
La question, la seule que je veux me poser est celle-ci : Dans quelle situation politique sera ce pays en cas de victoire de Le Pen?

J’écarte d’emblée l’hypothèse que les législatives ne lui donneront pas la majorité et qu’on pourrait lui imposer une « cohabitation » . Hypothèse absurde qui sous-estime l’effet extraordinairement propulsif d’une victoire électorale. Sa majorité, Le Pen l’aura, dut-elle (ce qui est probable) la chercher dans une « alliance des droites » avec les députés « patriotes » ! Croyez-moi, ils seront nombreux à s’y précipiter !
Donc, pour moi la question est réglée. Le Pen aura sa majorité et elle gouvernera.

Quels effets auront donc cette accession au pouvoir ? Pour moi, ils ne sont, hélas, que trop faciles à anticiper : un déchainement inouï de la fachosphère déjà omniprésente aujourd’hui, boostée par la légitimité « démocratique ». Un déchainement des forces policières déjà fortement gangrénées par l’extrême-droite. Des tensions énormes dans les cités. Une population musulmane terrorisée ou révoltée.  Les banlieues vont flamber, certes, mais ces flambées amèneront vers Le Pen tous les bourgeois effrayés et les "braves gens" qui n'ont pas encore fait le pas de voter pour elle.

Voilà ce qu’annonce la victoire de Le Pen ! Une sale ambiance de guerre civile dont un Zemmour se léchera les babines et que les islamistes les plus radicalisés sauront exploiter.
Voilà  ce qui se passera si Le Pen est élue et je défie quiconque de me dire que ce scénario n’est pas plausible si ce n’est probable !

Quant aux « grands mouvements sociaux ou populaires » qui se dresseraient contre cette politique fascisante, c’est une pure illusion ! Marwan Mohammed a bien raison de dire que l’on « fantasme la capacité révolutionnaire de ce pays ! » Gravement.
Ouvrons les yeux, les amis : la bataille idéologique identitaire c’est l’extrême-droite qui, petit à petit, est en train de la gagner. Partout ! Sur les réseaux sociaux, dans les médias, dans les discours même des hommes politiques les plus « démocrates » ! Et aussi, surtout, dans la tête de braves gens qui ne votent certes pas Le Pen mais que finissent par excéder certaines  pratiques de l « antiracisme » d’aujourd’hui, mal comprises ou parfois mal exprimées par ceux qui les portent. Il faut vivre dans une bulle pour ne pas entendre ce que j’entends  moi à tout instant pour peu que je creuse un peu la discussion avec mon entourage.

Pire ! L’élection Le Pen mettra nécessairement  au second plan les luttes sociales, les luttes écologiques, les luttes pour une refonte démocratique. Tout se focalisera sur une lutte « antifasciste », « antiraciste » et cette lutte, ce combat exclusif, isolé des questions sociales …sera perdu d’avance ! Combien étions-nous en 2002 à manifester dans l’entre-deux tours pour une élection sans danger ? UN MILLION ET DEMI ! Combien étions-nous dans la rue dans l’entre-deux tours 2022 pour un danger imminent ? A peine 30 000 !!! Ces chiffres en disent long sur la capacité de « mobilisation » antifasciste dans ce pays. A bon entendeur… !
Certes il y aura foules de textes, de pétitions, de protestations, de manifestes signés par des milliers d’intellectuels et de militants associatifs.. Mais ces textes ne seront que vaines parades tournant d’un media à l’autre et qui s’useront d’elles mêmes faute de relais puissants. Certes il y aura des rassemblements et des manifs ! Mais pour 10 000 anti-fa dans la rue il y en aura 100 000 en face pour soutenir Le Pen au nom de la « démocratie et de la volonté des électeurs ! » (Et tous ne seront pas de purs fascistes). La droite réactionnaire ne descend pas souvent dans la rue mais quand elle s’y met elle fait très fort et c’est par centaines de milliers, plusieurs semaines durant qu’elle défile! Avons-nous oublié 2013 et sa gigantesque mobilisation contre le mariage gay ?! Ce seront les mêmes ! Et cette fois ils auront le gouvernement avec eux ! Et c’est au nom du « respect de la volonté démocratique » qu’ils se légitimeront !

Voilà  quel est le rapport de force réel que je prévois. Que mes camarades me traitent de tous les noms « catastrophiste, défaitiste, capitulard, révisionniste, traitre ! » s’ils le veulent ! A ceux-là je donne rendez-vous dans les semaines qui suivraient l’élection de Le Pen. Peut-être en prison.
J’ai voté Mélenchon pour un autre monde possible ! Ce rêve n’est peut-être pas perdu si la dynamique de cette gauche-là se déploie encore. Mais elle ne se déploiera pas dans un climat de pré-guerre civile qui suivrait l’élection de Le Pen. Fou qui croit le contraire ! Fou qui n’observe pas que, dans l’histoire comme dans le présent, quand l’extrême-droite s’installe au pouvoir elle y reste ! Pour très longtemps ! Et, quand on ne l’extermine pas, la gauche, elle, se meurt à petit feu…
J’ajoute, avant de conclure, que je ne crois absolument pas à la fiabilité des sondages qui donnent Macron facilement vainqueur. On a vu le 10 avril ce que peut-être l’effet du vote caché du dernier  jour ! Je ne jouerai pas avec ce feu-là.
Alors dimanche, après avoir longtemps opté pour l'abstention, oui je voterai. Je ne voterai pas « pour » Macron  que je combattrai, je ne voterai même pas « contre » Le Pen. Je voterai contre la probable irréversibilité d’une défaite de tous les progressistes (pas au sens de Macron !) de ce pays. Je voterai contre un sale air de prémisse de guerre civile dont nous, la gauche, serions les vaincus et pour longtemps.

Rien d’autre ne guidera mon choix. Ni l’esprit de vengeance contre ceux qui n’ont pas voulu faire barrage au premier tour ou contre monsieur Plenel qui n’a pas toujours été gentil avec Mélenchon ! (ce qui est exact). Je laisse ce genre de puérilités aux « abstentionnistes de représailles !» 
Dimanche,…quoi qu’il m’en coûte, je voterai Macron.
Patrice Muller

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