Sur le thème : Rassemblons la gauche anti-libérale pour rompre enfin avec la politique du pouvoir actuel, j’ai, depuis trois jours, à peu près tout lu, tout vu, tout entendu. J’ai écouté l’éloquente supplique d’Edwy Plenel adressée à ses invités des « quatre gauches » le soir de l’élection (vidéo étrangement retirée du site). J’ai lu, les jours suivants, les tranchantes contributions de madame Fautrier, messieurs Marlière, Alliès, Khalfa, Quiniou (à lire dans Le club), toutes remplies de justes et pertinentes considérations que je partage avec force. Sauf une, hélas ! Celle que cette nécessaire recomposition ne pourra se faire SANS le PS ! Position défendue plus ou moins explicitement par tous les intervenants cités. Quitte à passer pour le « sectaire » de service (ce que je ne suis en aucun cas !) je considère, moi, que cette rupture pour une autre politique, non seulement, ne pourra pas, ne se fera pas avec le PS, mais qu’elle devra nécessairement se faire CONTRE lui.
Je m’explique : par PS, j’entends, évidemment, le gouvernement Hollande-Valls et la direction actuelle du Parti. Ceux que monsieur Marlière lui-même, dans son billet, qualifie d’irrécupérables. Mais je vais plus loin que lui. Là où monsieur Marlière - et bien d’autres avec lui - se trompe, c’est qu’il reste encore persuadé que la majorité des adhérents du PS sont « authentiquement de gauche » et que, tôt ou tard, la base fera basculer le sommet. Grave illusion fondé sur un vieux mythe démenti aussi bien par l'Histoire que par les réalités d'aujourd'hui. Il n’y a plus rien, absolument rien à attendre du PS lui même, ni par le haut ni par le bas.
Il se trouve que j’ai, si je puis dire, le privilège de fréquenter de près quelques uns de ces socialistes de base. Vous savez, ces militants désintéressés, qui ne comptent ni leur temps ni leurs force pour agir pour le bien public. Il faut savoir une chose : ces militants-là sont ultra-minoritaires! La grosse partie des adhérents du PS est composée d’élus, de collaborateurs d’élus, de cadres du parti, d’apparatchiks ou d’adhérents entretenant un rapport de clientélisme avec les divers pouvoirs locaux. Bref, en grande majorité des adhérents « non désintéressés ». Quant aux rares militants de « conviction », ils m’ont confié eux même à quel point ils étaient méprisés, ignorés, tout juste bons à tracter sur les marchés en période électorale. Qu’ils restent, malgré tout au PS est pour moi un mystère, mais je peux vous certifier qu’ils ne se font aucune illusion sur un éventuel basculement à gauche de leur parti. Non, monsieur Marlière, cette majorité « sincèrement socialiste » n’existe que dans votre généreux imaginaire et quand bien même elle existerait, je peux vous assurer qu’elle n’aurait aucun pouvoir.
De la section de quartier juqu' au bureau national, tout, au PS, est cadenassé, verrouillé, étouffé par l’appareil, soumis aux « intérêts supérieurs» du Parti ! Bref, faire bouger le Parti « de l’intérieur », c’est juste impossible. Et je défie n’importe quel socialiste « en activité » de venir ici me démentir.
Quant à l' « aile gauche » officielle du PS, celle qui depuis des mois nous inonde de ses tribunes attristés, consternés, indignés ou affligés, les cent « rebelles » qui ne sont déjà plus que quarante et un, les Maurel, les Guedj, les Filoche, les Lieneman et tous les autres… ils sont, certes, plus médiatisés mais tous aussi impuisssants! Qu’ont-ils fait concrètement ? Qu’ont il obtenu à part une table ouverte dans le club de Médiapart ? Madame Lieneman, monsieur Filoche dont je respecte et partage les valeurs se trompent et nous trompent quand ils disent que rien ne pourra se faire sans le PS ou, pire encore, que la recomposition de la gauche ne pourra se faire qu’AUTOUR du PS ! Illusion ou imposture. Jamais dans l’Histoire, la « base » n’a fait changer sa politique à un parti au pouvoir. Or le PS est devenu viscéralement et structurellement un parti de droite et le point de non-retour est atteint… (C’est ce qu’avaient d’ailleurs fini par comprendre la plupart des militants vraiment de gauche qui ont quitté le parti depuis belle lurette, en 2005 ou en 2008 au plus tard).
Je le dis avec regret mais avec toute la lucidité que le simple constat du réel nous oblige à avoir : dans les conditions actuelles le PS ne peut pas être autre chose qu’un adversaire à combattre dans le processus d’une gauche à reconstruire. Un processus qui passe nécessairement par la marginalisation sinon la disparition du PS.
Pour enfoncer mon clou, j’invite chacun à méditer l’exemple de Syriza. Si ce jeune parti a réussi là où le Front de Gauche a échoué, c’est précisément parce qu’il a rompu radicalement avec le PS grec. Aucun compromis électoral, aucune retenue dans la critique de la désastreuse politique du Pasok (ceci à l’adresse de ceux qui trouvent que Mélenchon est « trop dur » avec le PS !) et surtout aucune attente d’une illusoire « aile gauche » surgissant d’un parti définitivement ancré à droite. L’aile gauche du Pasok, la vraie, est passée à Syriza. Que les militants de gauche du PS, les vrais, sortent du PS ! Vite ! Qu’ils adhèrent ou non au Front de Gauche m’importe peu. L'essentiel est qu'ils travaillent ensemble. L’essentiel, pour espérer reconstruire quelque chose, est d’en finir avec la grande et funeste illusion d’un PS « retrouvant sa gauche ». Tant que, parmi nous, cette illusion subsistera, la gauche française restera ce qu’elle est en train de devenir : un astre mort.
Et les larmes de Mélenchon, et les nôtres, n’y pourront rien changer.