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Billet de blog 25 mars 2025

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Un parti n'a pas à diriger la société

"Vietnam, Laos, Chine, se réclament du communisme, mais aucun d’eux n’est communiste. Ils en présentent certains traits, comme la santé gratuite, un secteur public dominant, mais une caste despotique détient le pouvoir. Stalinisme et capitalisme ont cela en commun : une minorité usurpe le pouvoir pour s’arroger richesse et privilèges. C’est fondamentalement le contraire du communisme…"

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"Un étudiant, à la longue chevelure blonde, une expression sévère sur le visage, leva la main :

— Tous les communismes ont été des dictatures et ont échoué. L’URSS s’est effondrée. Et regardez ceux qui restent, Corée du Nord, Cuba ; comment pouvez-vous encore être communiste, et même parler de communisme ?

Kaplan s’approcha des premiers rangs et lui répondit :
— Ces gouvernements, comme au Vietnam et au Laos, se réclament du communisme, mais aucun d’eux n’est communiste. Ils en présentent quelques traits, comme l’éducation ou la santé gratuites, un secteur public dominant, mais le pouvoir est dans la main d’une caste despotique. Stalinisme et capitalisme ont cela en commun : une minorité usurpe le pouvoir pour s’arroger richesse et privilèges, et méprise le peuple. C’est fondamentalement le contraire du communisme…
— De bonnes intentions, interrompit la jeune fille à la coiffure afro-américaine, qui avaient pris la parole en premier, mais cela finit très mal :  comment éviter le totalitarisme d’un parti tout-puissant ?
— Importante question. La connaissance de l’histoire nous permet de ne pas répéter les erreurs commises. Le stalinisme avait institué une caste de fonctionnaires inamovibles et dotés de pouvoirs sur le peuple. Un parti n’a pas à diriger la société. Pour empêcher la prise de pouvoir par un clan, les mandats des élus doivent être courts, toujours révocables, payés au salaire moyen, et sans aucun privilège… ce sont des règles simples que nous proposons. Mais, au fait, avez-vous déjà entendu un seul débat sur la possibilité de créer de telles institutions, de fonder une société collectiviste ? Non. Pourquoi, à votre avis ? Des étudiants comme vous, formés à réfléchir, devraient-ils en discuter ?

Il y eut un bref silence. Puis une jeune fille métisse aux yeux en amande interrogea d’une voix musicale, avec cette articulation de certains locuteurs africains qui paraissent savourer chaque mot de la langue :
— Avec un gouvernement colonisé par des sociétés de conseil, et des services publics étranglés pour offrir des marchés au privé, y a-t-il encore un État, un peuple souverain ? C’est la question que je pose. Les gouvernements de gauche ont eux aussi privatisé, réorganisé les institutions selon une logique de profit.
— Tu dis « de gauche » répondit Kaplan. Mais privatiser des services publics est une politique de droite. Des dictateurs se sont dits socialistes, comme Hitler, ou communistes, comme Staline ; le mot n’est pas la chose, je ne vous l’apprends pas."

("Sonia ou l'avant-garde", Michel Levy, Editions Infimes)
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