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Billet de blog 10 novembre 2021

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Requiem pour un écosystème à la gouvernance erratique

Voici un nouveau message de veille anticipative, une provocation de plus dans cette lutte permanente contre l’indigence. Une invitation à chanter le requiem d'un système dont la gouvernance erratique fait pourtant le bonheur grégaire et le succès précaire de nombreux Haïtiens, qui restent, malgré tout, pompeux et illustres dans leur insignifiance et leur indigence.

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Illustration 1
Ecosystème de la gouvernance erratique © Erno Renoncourt

L'écosystème erratique

Haïti vit des temps outrageusement indigents, mais il serait malhonnête de croire encore que seuls les politiques sont responsables de cette catastrophe multidimensionnelle dont les signaux anticipatifs, annoncés depuis des années par des veilleurs infatigables, n’ont pas été perçus, décodés, interprétés et valorisés pour des corrections opportunes. Selon Dean R Spitzer, aucune organisation ne vaut mieux que son système d’évaluation. Si aucune des institutions haïtiennes n’a su voir venir cette crise, c’est que leur dispositif de veille anticipative informationnelle est défaillant. Si au contraire, certaines institutions l’on vu venir et m’ont pas donné l’alerte pour limiter ses conséquences fâcheuses, c’est que leur dispositif de veille éthique est défaillant. Qu’importe la manière d’analyser cette crise, elle révèle un fait que nous ne pouvons plus occulter :  les systèmes de suivi, d’évaluation et de récompense des organisations et de toute la société en Haïti sont déficients.

Que ce soit ce qu’il reste de gouvernement et de parlement jusqu’aux autorités étatiques, de la justice jusqu’à la police, de l’université jusqu’à la société civile, du secteur privé jusqu’aux associations socio-professionnelles, cette crise dit l’immonde insignifiance entretenue par ces institutions qui ont pourtant fait le succès personnel et le bonheur individuel de beaucoup de ceux qui ont résilié leurs engagements de redevabilité et de responsabilité envers le pays, envers la société, envers le collectif. La peur de perdre le minimum insignifiant qui a été accumulé empêche encore à beaucoup de comprendre que le malheur haïtien n’est ni exclusivement blanc, ni exclusivement noir. Il vient du fait que le valeurs collectives, qui devaient entretenir la flamme de la dignité nationale pour faire luire par-delà le temps la légende de l’indépendance, ont été perverties et dévoyées dans des saisons de célébration indigente. Lesquelles saisons sont toujours projetées en Haute Définition d’enfumage; enfumage lui-même auréolé de rêves blancs et de cauchemars noirs. 

Le temps de l'innovation anthropologique

Pourtant, malgré la gravité de l’heure, nul contexte que celui de cette crise aigüe, qui paralyse toutes les organisations du pays, n’est plus propice pour initier des transformations profondes dans les processus d’affaires touchant les métiers ou les activités stratégiques de nos organisations. C’est ce que font toutes les organisations apprenantes : renaitre dans le cycle des déboires de leur écosystème pour porter le flambeau d’un ultime espoir. Le temps des incertitudes est un temps de challenge, de défi et d’innovation pour les managers visionnaires et anticipatifs.

Profitons de ce chaos général pour oser sortir de la routine et de l’improvisation, même si elles nous ont apporté un peu de succès. Mais reconnaissons que c’est un succès immensément précaire, puisque nous sommes obligés de fuir ce lieu à chaque éruption de crise. En pensant aux solutions, essayons surtout de ne pas oublier ces conseils d’Albert Einstein, on ne peut pas résoudre les problèmes avec les mêmes processus cognitifs et mentaux qui les ont engendrés. La crise multidimensionnelle haïtienne est une crise d’absence de valeurs collectives, d’indisponibilité éthique, de manque de courage pour assumer la vérité, de refus de récompenser l’authenticité, de négation de l’intégrité et d’incapacité de vivre comme une source d’exemplarité. Ce serait une grave erreur de croire que seul le PHTK cristallise dans ses structures ces médiocrités culturelles, professionnelles et humaines. Martelly et Jovenel ne nous ont pas été imposés par le blanc avec des rafales de mitraillette, mais en échange de prix littéraires, de distinctions honorifiques, de légions d’honneur, de promotions dans des grandes agences internationales, de subventions financières. Les héros médiocres ne triomphent jamais sans les adjuvants qui les aident à surmonter les obstacles.

A ce propos comment ne pas souligner cette leçon d'intelligence tactique que les gangs nous ont donné ces derniers jours ! En privant le pays d'une ressource vitale, ils ont mis à nu notre insignifiance. Or, en 2018, cette même intelligence tactique sur un autre domaine nous aurait été bénéfique pour en finir avec le PHTK , notamment en privant cet état criminel des ressources de nos taxes par une totale désobéissance civile. Mais on se souvient aussi qu'en 2018, pednant que le peuple hurlait sa colère, d'autres plus confortables dans leur insignifiance ne voulaient faire que des sit-ing et/ou des manifestations le dimanche après la messe pour ne pas déranger le système. Et aujourd’hui encore, dans la plus grande insignifiance, certains continuent de nourrir le gangs pro-étatiques en payant différentes taxes à un État qui ne peut leur apporter aucun service. Quoi de plus insignifiant qu'une société qui entretient la main criminelle qui la déstabilise ! Ah, mais j'oublie que cette société vit aussi des ressources cumulées par la criminalité. Donc, elle ne peut totalement désavouer la criminalité. C'est donc la bêtise qui s'auto nourrit. 

Et quelle sublime insignifiance que celle d'un ministre de la défense qui dénonce la saisie des camions remplis d'essence par les gangs tout en continuant de recevoir un salaire comme ministre de la défense ! Faut-il rappeler qu'un éminent historien et médecin haïtien avait écrit en 2018 sur sa page Face Book qu'il fallait, d'un point de vue pragmatique, s'opposer a la colère du peuple contre le PHTK,  parce que la médiocrité du PHTK apportait de la tranquillité aux riches et aux bourgeois en Haïti. Voici la vérité : l'ADN médiocre et criminel du PHTK est partagé par la majorité de ceux et celles qui sont dans toutes les hiérarchies en Haïti, sociales, culturelles, économiques, académiques, médiatiques et socio-professionnelles. Ne croyez pas que c'est aujourd'hui que je me rends compte de ce fait.  Mon engagement contre l'indigence ne date pas des saisons de fulgurance subventionnée. Il est en mode provocation constante.  De 2004 à 202, ce sont 17 ans d'analyse et de signaux anticipatifs pour alerter sur l'indigence !  En 2015, j'avais lancé une alerte qui a été ignorée, comme toutes les autres, en raison de l'insignifiance et de l'imposture qui dominent la culture haïtienne: "Haïti a besoin de nouvelles élites pour éduquer et outiller le management politique afin de le préparer à l'exercice de nouvelles responsabilités". Quand un collectif fait fi de tous les signaux intelligents qui essaient de le responsabiliser par rapport à ses errances, c'est qu'il est mûr pour les poubelles de l'histoire. C'est ce contexte anthropologique simplifié que j'analyse dans mon récit sur l'indigence.

Assumons cette horrible laideur et osons nous réinventer, car c’est quand la vérité devient imposable à tous et à toutes que la raison redevient probable. Offrons-nous une bouffée d’innovation en acceptant de repenser nos processus de formation, de recrutement, d’évaluation et de récompense. Sublimons les ressources humaines et les ressources analytiques de nos institutions qui sont les deux principales ressources stratégiques de toute organisation. C’est pour aider à voir les signaux anticipatifs de ce contexte que nous avons mis en récit l'axiomatique de l'indigence, un vrai retour d’expériences qui recense les failles analytiques et éthiques de l’écosystème organisationnel haïtien dans des secteurs stratégiques comme la justice, la sécurité publique, la santé, l’éducation, la sécurité sociale et les technologies.

Ne restons pas confinés dans nos egos de petits chefs, de petits managers, de petits entrepreneurs, de petits dirigeants politiques, de petits éditorialistes, de petits universitaires diplômés, doctorés qui se contentent de la splendeur de leur minimum insignifiant confortable. L’agonie d’une société en dit long sur l’insignifiance des ressources de toute sorte qui s’y sont accumulées, surtout quand celles-ci augmentent dans les mêmes proportions que la criminalité, la médiocrité et l’impunité. Les institutions d’un pays reflètent le niveau d’humanité, d’intelligibilité, d’honorabilité, de redevabilité, d’intégrité et d’exemplarité de ceux qui ont accédé à la richesse économique, au pouvoir, à la culture et au savoir. Il faut être inouï de médiocrité pour ne pas admettre que l'impasse anthropologique dans laquelle s'engouffre le collectif haïtien est le fait d'une absence flagrante d'intelligence éthique. Comment peut-on continuer de promouvoir un système dont les réussites des 70 dernières années sont aussi reluisantes que les miroirs crasseux des bordels miteux ?

La défaillance est un processus global, chacun de nos succès personnels y apporte sa petite part qui érode les contours du mur de la performance collective. Ceci est une loi de la dynamique des systèmes : ce n’est pas la cause principale qu’il faut chercher dans un chaos, mais la boucle rétroactive où s’enchevêtrent les articulations qui verrouillent le système sur sa face immonde. Si comme le dit Lawrence Lessig, dans Culture Libre, que les puissants de ce monde, à travers les médias, n’ont fait qu’utiliser la technologie et la loi pour confisquer la culture et contrôler la créativité en récompensant et en donnant de la visibilité à ceux qui aident à dire l’harmonie du système ; il ne fait aucun doute que c’est ce même processus qui est mis en œuvre dans les universités, les organisations et la société civile pour dévier le savoir, la performance et la militance de leurs valeurs originelles en leur substituant un enfumage qui nourrit l’errance collective.

Puisse ce message retentir dans la conscience des rares personnes dignes qui peuvent encore discerner ce qui est intelligible derrière les signaux faibles de la provocation constante. Ne croyez pas que l’intelligence collective soit autre chose que cette disponibilité à laisser retentir en soi et autour de soi une parole digne, authentique et vraie, même quand elle est en contradiction avec mes intérêts. Soyez une source irradiante de colères intelligentes pour provoquer le fumier, dissiper l’enfumage et faire rougir le bois mort qui carbonise, à coté, sous les cendres.

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