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Billet de blog 10 novembre 2022

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L'intelligence artificielle racontée humainement pour le meilleur et pour l'empire !

L'intelligence artificielle veut raccourcir le temps humain de la décision par relais d’algorithmes qui automatisent pour l’homme des choix prédéfinis pour être propulsés à grande vitesse dans le vide de sa pensée, désormais colonisée par des objets connectés. Mais ce temps raccourci n’augure-t-il pas pour l’homme, privé de ses sens, un monde en pire où le profit sera meilleur pour la croissance ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
La menace floutée © Erno Renoncourt

Introduction

 Je mets en débat une problématique sur l’intelligence artificielle pour amplifier le postulat de l'humaine défaillance qui est énoncé comme axiomatique de la grande convergence des écosystèmes humains vers l’indigence. L’enjeu du débat est d’importance, car malgré sa perspective pessimiste sur le genre humain cette axiomatique permet de magnifier l'utopie d’une possible régénérescence humaine par l'engagement de soi. Un SOI qui doit être construit comme reliance entre les sociétés, les organisations et les individus pour faire germer une écologie de la responsabilité par apprentissage et transmission des valeurs post-occidentales, autrement dit aux antipodes de celles du libre marché. Ultime espérance pour faire vivre un humanisme authentique comme internationale des peuples. Je pointe les failles creusées dans la conscience humaine qui forment la structure mentale de l’indigence. Ce sont elles qui doivent être fortifiées pour permettre l’éveil de la pensée humaine vers cette transcendance où l’homme retrouvera sa dignité érodée et son humanité effilochée par la civilisation occidentale, cette barbarie fondée sur la prédation et la déshumanisation, mais si bien enjolivée dans de grandes impostures culturelles et démocratiques.

 En l’état, ces failles insoupçonnées servent de portes dérobées par où viennent se loger toutes les médiocrités qui abrutissent l'homme et le transforment, aujourd’hui, intelligence artificielle aidant, en une marchandise augmentée d'objets connectés. Tous ces artifices, dits intelligents, programmés, automatisés et pilotés par des mains invisibles ne sont que des produits destinés à la consommation pour drainer les ressources qui fructifieront le rêve de croissance éternelle du profit avant l’homme. Pour le meilleur et pour l’Empire !

Bousculées par le progrès technologique, les sociétés humaines évoluent vertigineusement vers un monde dématérialisé, virtualisé et peuplé de rêves démesurés. La réalité virtuelle, réel à la fois flouté et amplifié par la multitude et la diversité des objets connectés, fait basculer l’imaginaire de l’homme vers la perspective d’une humanité augmentée. Perspective totalitaire qui défie la pensée humaine, puisque pour magnifier sa puissance, l’intelligence artificielle s’appuie sur les nanoparticules dont la taille infiniment minimale permet de tromper toutes les vigilances. Artifice plein d’astuce, puisqu’il vulnérabilise doublement l’homme. En effet, la taille mini de ces nanoparticules les rend ‘‘dangereuses pour les neurones et la barrière hémato-encéphalique qui sert à protéger le cerveau ([i])’’. C’est en tout cas ce que révèle une étude scientifique publiée par la revue Neurotoxicology qui sert de tribune à l’International Neurotoxicology Association.

 Mais, au-delà de ce risque quant à l’exposition de l’homme aux nanoparticules de plus en plus présentes dans les produits de consommation, l’armée américaine, à travers la DARPA, finance aussi des recherches qui exploitent cette capacité des nanoparticules à pénétrer dans le cerveau humain pour servir d’interface de lecture et de contrôle des signaux neuronaux ([ii]). Le projet BRainSTORMS (Next-Generation Nonsurgical Neurotechnology (N3)) permet de tester une technologie qui connecte le cerveau des soldats, auxquels on a injecté les nanoparticules de communiquer, avec les systèmes militaires par la pensée ([iii]).

C’est donc sur le territoire du cerveau humain que l’intelligence artificielle entend livrer bataille et régner, en positionnant son armée de nanoparticules aux avant-postes de l’intelligence humaine. A quels diables peut bien profiter la promesse qu’augure cette intelligence artificielle qui menace l’intelligence humaine dans ses quartiers cognitifs et ses réseaux neuronaux ?

 La promesse de l’Intelligence Artificielle (IA) 

Question qui nous incite à comprendre la raison de la prolifération des nanomatériaux dans le quotidien de l’homme. Pour cause, la puissance des nanoparticules donne au monde un air irréel qui dilue les frontières entre possible et impossible. Au nombre des propriétés surpuissantes des nanoparticules se trouve l’intrication quantique. Par cette étrange propriété, deux nanoparticules, même extrêmement éloignées l’une de l’autre, restent enchevêtrées. C’est-à-dire, au moment où vous modifiez l’état de l’une, qui est à votre portée, quel que soit l’endroit où se trouve l’autre, elle prendra instantanément la même valeur.

Gigantesque est le champ des possibilités que laisse augurer la promesse de l’intelligence artificielle, notamment avec la puissance et la vitesse des réseaux de télécommunications (5G). Puisqu’avec tous ces artifices intelligents qui se multiplient, pour le bonheur de ceux qui exploitent les vulnérabilités humaines, ce ne sont pas seulement des ARN que les vaccins transporteront comme messagers furtifs pour coloniser notre patrimoine immunitaire ; mais aussi pleins de petites interfaces de télécommande pour nous inciter à consommer et à obéir. L’Intelligence en artifice au service de l’ordre néolibéral et de la loi du marché. L’IA est donc avant tout une immense promesse de croissance et de bonheur pour l’empire néolibéral ! Or, pour paraphraser Bourdieu, tout ce qui fait le succès du néolibéralisme est une menace pour l’intelligence humaine ; car « l’essence du néolibéralisme est d’affaiblir les capacités de résistance collective des peuples pour que triomphe facilement le libre marché » ([iv]).

 C’est donc logique que l’intelligence humaine soit occultée pour faire de la place à une ‘‘intelligence’’ portée à bout d’artifices. Ce qui manifestement confirme le postulat de l’axiomatique de l’indigence. Car, si la défaillance humaine est naturelle, l’intelligence dans l’écosystème humain ne peut être qu’artificielle. D’où sa disponibilité en version multiple : villes intelligentes, côtes intelligentes, écoles intelligentes, maisons intelligentes, robots intelligents, sex-toys intelligents. Il y en a pour tous les goûts et pour tous les usages. Avec un peu de patience, la géopolitique humaine, barbare par nature, deviendra peut-être aussi intelligente, une fois qu’elle sera anoblie par nanotechnologie et prise en charge par la dromologie (logique de la vitesse). Puisqu’à l’évidence, en dimension nanométrique, donc quantiquement indéterminée, rien ne résiste à la technologie.

Ainsi, dotés et augmentés de ce savoir-pouvoir-faire, nano dimensionné, qui permet de surfer sur les atomes de matières quantiquement intriqués, les fossoyeurs de l’humanité se déguisent en marchands de rêves délurés et transforment l’univers en des multitudes de métavers aux contours plus opaques que les trous noirs. Et, croyant en son heure de gloire, une grande partie de l’humanité jubile devant cette puissance qui menace d’effondrement sa conscience.

 La menace de l’Impensé Agissant (IA) 

De gigantesques flux informationnels, pillés dans nos données personnelles, lors de nos échanges avec les organisations, de plus en plus virtualisées, circulent à vitesse vertigineuse pour être mis en vente à notre insu afin de nous transformer à la fois en produits et consommateurs. Pour y parvenir, l’astuce est toute trouvée avec les nanoparticules qui suppriment la notion de distance : ainsi, à n’importe quelle distance, une puce activée peut nous inciter à acheter à chaque fois que nous passons devant un magasin. Et, cerise sur le gâteau, l’astuce donne l’illusion de comprimer le temps, puisque l’artifice qu’elle libère circule à vitesse vertigineuse et nous empêche de penser. Mais ce temps raccourci qui structure l’impensé agissant est magnifié comme un temps libéré qui achève de donner forme au vieux rêve humain de l’immortalité : et l’éternité, perdue par l’homme naturellement défaillant, est en passe d’être reconquise par l’homme devenu artificiellement intelligent.

Désormais, l’humanité, hier encore naturellement défaillante par la perspective abominable de la maladie, de la vieillesse et du lent pourrissement vers la mort, peut se cloner, fabriquer du vivant génétiquement modifié, en attendant de lui donner, par artifice, dans un futur proche, l’image de la perfection qu’elle recherche : le goût d’une éternelle jeunesse où beauté, santé, prospérité riment avec immortalité. Évidemment, tout cela pour le bonheur de ceux qui ont des produits à vendre, et pour l’empire de la croissance.

De l’eugénisme au transhumanisme, l’humanité semble avoir franchi un pas d’indigence grandeur, passant du virtuel augmentant le réel à la réalité de l’homme augmenté.  Et désormais, elle peut, pour reprendre la phrase d’Hannah Arendt, envisager de « canaliser les forces naturelles dans le monde de l’artifice humain » (La Condition de l’homme moderne). Car cet homme 2.0, virtuellement conditionné, artificiellement augmenté de puces interconnectées et amplifié d’objets dits intelligents, offre la perspective extravagante d’un monde enfin débarrassé des tares qui donnent à la vie ce goût d’inachevé par le lent pourrissement des cellules humaines.

 Mais dans ce métavers féerique, plein de séductions et submergé de gigantesques volumes de données, d’algorithmes et d’artifices, tous automatisés pour simuler l’intelligence, tout peut partir en fumée, en un clic. Car les autoroutes infonuagiques qu’emprunte cette masse inflationniste de données virtualisées sont peuplées de portes dérobées qui mènent vers des trous noirs insoupçonnés. Pour cause, si, jadis, avec de la matière et du mouvement, l’homme pouvait bâtir des empires en faisant régner le chaos ; avec les nanoparticules, matières surpuissantes, combinant petitesse et vitesse, le risque de voir le monde devenir un éternel chaos, aux mains des fossoyeurs de l’humanité, empire de plus en plus. Car, entre la dromologie (étude de la vitesse) qui propulse le monde dans le vertige des artifices permettant à la domotique (ensemble des technologies de l’informatique, de l’électronique et des télécommunications appliquées à l’habitat) d’offrir à l’homme tous les accessoires et artifices de l’intelligence, le risque de l’aliénation collective par confortabilité dans l’impensé agissant (IA) est grand. D’autant qu’il peut servir de géostratégie pour empêcher de prendre conscience de la volonté de puissance qui peut dénaturer la nanoscience et les nanotechnologies quand elles sont au profit de la croissance.

En promettant de raccourcir le temps humain de la décision, par relais d'algorithmes automatisés qui, propulsés à grande vitesse dans la mémoire de puissantes machines, prétendent simuler l’intelligence humaine, l’IA veut offrir à l’homme un repos éternel. Puisque sa pensée, désormais colonisée par des objets connectés qui traquent ses moindres gestes, n’a plus aucune raison d’être sollicitée pour percevoir le réel dans sa complexité.  Ainsi tout doit être flouté, dissimulé, enfumé pour que la prise de décision humaine soit soumise au vertige de la vitesse.

Mais n’est-ce pas là une source d’impensé pour l’homme ? N’est-ce pas un détour pour occulter son intelligence ? Le temps n’est-il pas une ressource controversée ? Peut-il être consommé au même rythme par des acteurs appelés à nouer des relations, notamment économiques, dans lesquelles les rôles et les objectifs suivent des logiques inversées ? Concrètement, l’IA peut-elle offrir le meilleur sans le pire dans son floutage de produit destiné à la croissance de l’empire néolibéral ?

On est ainsi tenté de réinterpréter la pensée d’Hannah Arendt, ‘‘canaliser les forces naturelles dans le monde de l’artifice humain’’, n’est-ce pas creuser dans la conscience de l’homme le vide qui le transformera en artifice au travers duquel on pourra drainer toutes les médiocrités du monde ? N’est-ce pas dans le vide que se propage la banalité du mal ?

Dans ce contexte, peuplé d’incertitudes angoissantes, le monde prometteur de l’Intelligence Artificielle (IA), foisonnant d’objets connectés et d’artefacts augmentés de mille perspectives, dites intelligentes, n’est ni dépourvu de menaces, ni dénué de tous risques. Pour cause, dans ce monde qui pousse à accorder davantage de place à ce numérique imposant et tentaculaire à valeur ambivalente, l’humain, restant naturellement défaillant, peut être l’objet d’un bug, d’un détournement, d’un piratage qui peut ouvrir la voie à un anti humanisme flouté. D’ailleurs, l’intelligence qui lui est greffée n’étant qu’un artifice, elle peut manifestement et objectivement, par manque défaillance éthique, servir à voiler des failles implantées dans des puces prévues pour applications médicales ([v]), mais nano contrôlées par ARN messagers pour d’autres fins inavouées et inavouables ([vi]).

Et là, dans l’opacité multidimensionnelle des finalités qui peuvent se dissimuler dans ce BIG DATA, exploitant les données personnelles de l’humanité, et se propulsant en V6 (Volume, Variétés, Vitesse, Variabilité, Véracité, Valeur), qui peut dire d’où peut venir la menace fantôme ? Qui pourra anticiper sa charge apocalyptique à vitesse quantique ? D’où la problématique que nous mettons en débat : l’intelligence artificielle est-elle une interface de données aux avant-postes d’un transhumanisme bienveillant ? Ou est-elle une menace antihumaniste virtualisée ?

Problématique anxiogène, car comme l’a écrit Éric Sadin l'intelligence artificielle cristallise l'enjeu de ce siècle, puisqu’à l’évidence, par sa mission « d’énoncer la vérité » à vitesse proche de la lumière, « elle se dresse comme une puissance habilitée à expertiser le réel de façon plus fiable que les hommes » ([vii]). Et tout cela, en les coupant de leurs émotions, en les éloignant de leur champ d’expérience sensible, notamment après les avoir dépouillés de leurs données personnelles pour les transférer vers la mémoire de puissantes machines. Les neuro sciences, qui ont facilité le progrès de l’IA ne disent-elles pas que, ‘‘coupé de ses émotions, l’homme ne peut prendre que de mauvaises décisions’’ (Antonio R. Damasio, L’ordre étrange des choses) ?

Interface anticipative de données ou indigence antihumaniste virtualisée

Qui a intérêt à orienter l’homme vers la prise de mauvaises décisions, sinon ceux qui virtualisent le réel à ses yeux pour mieux l’empêcher de penser le sens de son rapport au réel ? Qui se propose de transformer l’homme en un réseau d’artifices connectés pour mieux marchandiser ses gestes et ses données, sinon ceux qui font bénéfice sur ces artifices qui, après tout, ne sont que des produits destinés à la consommation inconsciente et irréfléchie ? Avec l’IA, n’est-ce pas aussi l’ouverture d’un marché de services et d’une source de profit intarissable qui tout, en prétextant « améliorer le sort de l’humanité », n’entend pas moins selon Google « exploiter pour le meilleur et sous une infinité de formes les traces émises par nos gestes […] » ([viii]).

Pour le meilleur… et pour le reste ! Car le pire étant si effroyable, qu’il est volontairement occulté dans ces discours publicistes qui ne cherchent qu’à mobiliser avec ferveur la terre entière autour de l’IA. Mais, qui dira ce pire occulté dans l’exploitation de nos traces, notamment par l’industrie de la procréation artificielle ? Juteux business qu’éclaire à point nommé le livre Marchandiser la vie humaine qui met en relation les réseaux mafieux, les charlatans politiques atlantistes et les lobbyistes du transgenre pour « faciliter le trafic de fœtus et d'organes, recruter des "femmes gisements", et " femmes valises" pour devenir ces "engrossées jetables" qui mettront au monde par des programmes de Gestation Pour Argent des enfants programmés pour être abandonnés, achetés et plus tard revendus comme esclaves sexuels ». Dans cette infime partie, de l’univers immense et occulte de l’IA, exploitée par « l’industrie de la procréation artificielle et l’abjection de la GPA », on trouve, selon l'autrice, «la mine d’or de l’assistance médicale à la procréation, le ‘‘don’’ de sperme et la fabrication de l’inceste, la gestation pour argent, Le ‘‘don’’ d’ovocytes qui se paye en cancers, l’insémination sacrificielle, le viol in vitro, le nec plus ultra du bébé sur catalogue, la femme gisement, la femme valise ». Un juteux business qui s’intègre parfaitement dans le récit civilisationnel des valeurs culturelles promues par l’occident. Culture transgénique, transgenre, transhumaniste qui fait une place de choix aux valeurs monétaires en décrétant que la liberté n’existe que par et pour les marchandises ! Puisqu’après tout, l’homme est en train de devenir une marchandise augmentée d’objets connectés par intelligence artificielle.

Pour le meilleur et pour l’empire ! N’est-ce pas au profit de l’empire du néolibéralisme que se met en place la sainte alliance des atlantistes pour actualiser l’eugénisme et le malthusianisme au profit de la croissance mondiale à coup de virus, de vaccins et de guerres ? Alors, il ne s’agit plus de savoir, si la guerre des intelligences aura lieu, mais qui de l’intelligence humaine ou de l’intelligence artificielle triomphera dans cette bataille qui se livre sur les territoires de la conscience humaine ?

Certes, nous connaissons les chants de sirène de ceux qui postulent avec foi et conviction que l’intelligence artificielle va révolutionner l’éducation et sublimer l’intelligence humaine ([ix]). Nous sommes tout aussi sensibles à la bonne nouvelle répandue, par les évangélisateurs du tout technologique, pour nous convaincre que l’IA peut ‘‘rendre l’Homme plus performant intellectuellement, sensoriellement ou encore booster son immunité dans sa défense face à la maladie’’ ([x]). Toutefois, malgré ces avantages technologiques majeurs indéniables, il y a des raisons de douter que tout puisse être aussi idyllique entre l’homme, dont la mémoire est dépouillée, et la machine, dont la mémoire ne cesse de s’amplifier avec les données humaines.

 L’IA à l’assaut de la conscience par inversion du temps et virtualisation de l’espace

 Manifestement, il y a bien dans ce transfert asymétrique un fossé qui se creuse, un évidement qui se structure et se consolide objectivement au profit de la machine et au détriment de l’homme. Pour cause, en se proposant d’aider l’homme à décider et à agir plus vite, l’IA s’assure de le libérer d’un temps qui lui était existentiellement précieux. Car, ce temps, dont il est désormais allégé, était celui de l’apprentissage ; celui des expériences qui lui permettaient de donner, selon ses émotions, du sens à son monde par ses actions, au travers de ses décisions. Justes et sensées, elles lui permettaient d’agir avec intelligence et sagesse ; insensées et imprécises, elles lui fournissaient des raisons de recommencer et d’apprendre. Or si celles-ci lui sont désormais imposées par algorithmes et artifices intelligents, comment l’homme apprendra-t-il ? Comment structurera-t-il sa sensibilité au monde ? Que deviendra sa conscience ? Qu’adviendra-t-il même de cet homme augmenté et greffé d’artefacts connectés qui l’alourdissent pour mieux capter ses gestes qui seront exploités à toutes fins commerciales, tandis qu’ils allègent sa conscience en la libérant de cette contrainte temporelle qui lui fait perdre le sens de sa situation dans l’espace et donc de son rapport au réel.

Henri Bergson n’a-t-il pas noté à notre intention que « notre représentation de l’espace, […] est le grand ressort qui fait marcher notre intelligence » ([xi]) ?  L’espace n’est-il pas de ce fait corrélé au temps dans un continuum intelligiblement dimensionné pour permettre à l’hominidé pensant de prendre conscience de son existence et de donner du sens à ses actions ?  N’est-ce pas l’expérience de la temporalité qui façonne la conscience de l’homme dans sa relation avec le monde par sa situation dans l’espace dans lequel il évolue ? De ce fait, l’espace et le temps ne sont-ils pas selon Emmanuel Kant « les formes à priori de notre sensibilité » ?

Si l’intelligence artificielle, par ses avantages de dématérialisation, suppriment les distances et compriment le temps, en virtualisant leurs dimensions, n’est-elle pas en train de priver l’homme du continuum intelligible dans lequel celui-ci doit expérimenter sa sensibilité et forger sa conscience comme condition indispensable de son existence ? Comment un produit qui vulnérabilise l’homme dans les fondements de son intelligence et de son existence peut-il ne pas constituer une menace pour l’humanité ? Et ce d’autant que par ses multiples usages, l’intelligence artificielle, aux mains des décideurs mercantiles et/ou politiques, cupides et vénaux, peut faire craindre que le moindre geste humain puisse générer de multiples flux de données qui, « automatisés par une main invisible, seront monétisés ou orientés à des fins utilitaristes » (Éric Sadin, L'Intelligence artificielle ou l'enjeu du siècle, 2018).

Empressons-nous de dire que nous ne considérons pas l’intelligence artificielle en elle-même comme une mauvaise chose. Nul ne peut oser contester la valeur de l'intelligence artificielle (IA), notamment par son poids dans le quotidien de l’homme. D’ailleurs, tout notre univers est désormais peuplé, envahi ou, pour tout dire, bombardé d'objets connectés qui semblent, dans leur virtuelle et utilitaire intelligence, nous simplifier la vie. Du robot nettoyeur au robot vibromasseur, de la voiture embarquée à la maison connectée, de l’internet des objets à la ville intelligente, du drone tueur autopiloté aux conseillers militaires anonymes intelligents, il y en a pour tous les usages et pour tous les goûts. Donc nul ne peut à échapper à ce spectre. Car, comme le note Éric Sadin, « Du divertissement à l’enseignement, de la médecine à la politique, du commerce électronique aux objets domestiques, plus rien ni personne n’échappe ou n’échappera aux diverses formes et aux tentacules de l’intelligence artificielle »

Mais sa disponibilité abondante et son utilitarisme pragmatique n’en font pas moins d’elle une menace. D’autant qu’elle induit pour l’humanité une grande vulnérabilité. Et, c’est elle que nous mettons en cause. Car sans vulnérabilité aucune menace n’a de probabilité Car, en entrainant l’homme dans une perte de sens, par la détérioration de son rapport avec l’espace et le temps, elle le transforme en une faille au travers de laquelle des acteurs mercantiles, économiques, politiques, cupides et vénaux, dépourvus d’éthique, peuvent venir y déposer leur artifice pour y creuser les portes dérobées par lesquelles ils draineront leurs ressources. Le temps n’est-il pas, comme ressource, le bien économique le plus rare pour ceux qui ne pensent le monde qu’en termes de profit et de croissance ? Time is money dit l’adage culte du néo-libéralisme. Plus il s’écoule vite, en réduisant les contraintes de la décision d’achat pour le consommateur, plus il augmente les chances de gain pour le vendeur. Faut-il encore prouver que la menace d’abrutissement de l’homme pour que la machine intelligente lui dicte à vitesse vertigineuse ce qu’il doit consommer est réelle ?

Le temps étant une ressource controversée dans la relation vendeur/consommateur, quand c’est le producteur qui propose des artifices intelligents pour le réduire sous prétexte de faciliter la décision du consommateur, il y a une escroquerie évidente qu’on ne peut dissimuler que pour ceux qui manquent cruellement d’intelligence. Le temps que fait gagner l’intelligence artificielle est un temps inversé pour mieux effondrer la conscience, c’est donc un temps humainement improductif. qui nous déchargera de certaines responsabilités auxquelles, malgré leur pénibilité, nous prenions goût à assumer, puisqu’au bout, elles nous permettaient d’apprendre. Ne sommes-nous pas, selon Helene Trocme-Fabre, « nés pour apprendre » ([xii] ) ?  Qui, à part des barbares mercantiles, peut vouloir nous fait perdre le goût de l'apprentissage ? Dans un monde régi par la logique du profit, dans lequel le temps vaut son pesant d’or, le temps qui nous incite à désapprendre ne peut être qu'un raccourci pour enfumer notre conscience, un détour pour débaucher notre instinct de consommation. Instinct qui, artificiellement conditionné par des algorithmes publicitaires, ne prend pas toujours le temps de rimer faire rimer pouvoir d'achat et ‘‘savoir d'achat’’.  

Peut-on encore douter que l'intelligence artificielle reste tout compte fait un produit commercial soumis aux mêmes règles de l'offre et de la demande, influencé par les mêmes lobbyistes qui mangent dans le creux des mains de la finance internationale.

 Questionner pour problématiser

 Aussi, il convient de poser les bonnes questions :   L’Intelligence Artificielle est-elle une interface apaisante virtualisée pour seconder et embellir le réel défaillant en le portant vers un post humanisme positif ? Ou est-elle un impensé automatisé pour virtualiser une indigence indicible se proposant d’exploiter le réel défaillant pour menacer radicalement l’humanité ?

Question anxiogène, mais pertinente, puisque basée sur des faits et sur les principes qui fondent l’épistémologie de la raison algorithmique ([xiii]). Car l’information, qui est la brique de l‘architecture de ce BIG DATA, ne se présentera au décideur final que sous la forme d’un cube automatisé et miniaturisé prêt à la consommation. Or, sa valeur finale, qui dépend du contexte d’expérience de ses dimensions (v6) peut, au demeurant être floutée, virtualisée pour que le consommateur final n’en sache rien de la menace qu’il porte. Car, selon ce que nous dit Philippe Ch.-A Guillot ([xiv]), « Les technologies de l’information et de la communication fournissent […] la possibilité de puiser dans les données personnelles […] [des informations qui vont ] au-delà de ce que George Orwell avait imaginé dans son livre 1984 et de ce qu’évoque le film Minority Report de Steven Spielberg ». Concrètement, Il sera impossible pour un homme, secondé par un automate intelligent qui lui propose un jeu de données pour l’action, dans l’urgence de la décision, de connaître la valeur de la véracité de ce gigantesque volume de données variées qui lui est soumis à vitesse vertigineuse et dont il n’a pas expérimenté la variabilité.

Dans le métavers de l’Intelligence Artificielle, un cube de données pour la décision n’a de valeur que si l’acteur, à qui il est proposé comme choix, maitrise la complétude des 6 variables formant ses 6 faces. Or, en sachant que dans le métavers de l’IA tout est flouté et virtualisé par artifices automatisés, comment peut on savoir d’où vient la menace ? Une manière de dire que si l’artifice de l’intelligence que simule le Big Data enchante par les progrès qu’il permet (vitesse de traitement, suppression des distances, compression du temps), il n’effraie pas moins par ses tentacules et sa toute-puissance qui se présentent comme des failles d’évidement de la conscience et leviers d’un antihumanisme potentiel.

Redonner du sens au temps humain contre le temps de la machine

Le temps est une ressource extrêmement controversée quand il s'agit de comparer le rythme de l'homme et celui de la machine. Le temps de la machine est celui de la vitesse, de la miniaturisation et de la réduction des distances. Le temps humain est celui de l'apprentissage et de la contemplation. Le train qui va très vite, s’il permet d’anticiper et d’accroître les ventes d’un produit, empêche au voyageur de contempler le spectacle de la beauté du paysage qui se défile en rafales d’images successives et lentes pour ses yeux. Le voyageur transporté d'un lieu distant à un autre en une fraction de seconde ne saura pas reconnaître les détails architecturaux qui jalonnent le tracé urbain des villes qu'il parcourt. Le temps du vivant est un temps qui, à défaut d'être toujours heureux, n'est pas moins un temps doucereux, curieux et mystérieux. Temps humainement enrichissant par les flux de patience et d'attention qu’il exige pour stimuler cette singulière intelligence humaine, libre, responsable qui sera toujours plus étincelante de dignité quand elle prend le temps de se laisser guider par une claire conscience des enjeux éthiques de ses interactions avant de décider.

Oui, disons-le radicalement, dans sa version vertigineuse des machines surpuissantes, le temps de l’intelligence artificielle est un temps antihumain. Car il ne cherche qu’à propulser l’homme dans le vertige de l’inconscience pour lui faire perdre le sens de la réalité et ainsi mieux le transformer, toujours plus vite, en marchandises devant être exposées sur les trottoirs des autoroutes de la mondialisation. Comme l’a dit Albert Camus, tous les chemins qui entravent la culture, la liberté, la responsabilité et la dignité humaine ne sont que des raccourcis qui mènent à la barbarie.

Et c’est là toute l'intelligence pragmatique du néolibéralisme : il a toujours su enjoliver la barbarie qu’il cristallise par la maitrise d’un double standard qui lui permet de toujours masquer la valeur finale de ses produits de sorte que les consommateurs ne sachent point détecter les médiocrités qu'ils contiennent et les menaces qu'ils renferment. Et pour y parvenir, il utilise trois processus isolés en apparence, mais fortement corrélés :

1.) Le processus des boites noires par lequel les produits sont segmentés en des valeurs intermédiaires qui sont elles-mêmes délocalisées, floutées et virtualisées pour ne jamais permettre de saisir leur reliance.

2.) Ce processus de boites noires nécessite d'abrutir massivement les peuples pour qu'ils s'habituent à une forme d'impensé qui dispense de contextualiser, de problématiser et de questionner, C'est le processus de massification par divertissement culturel et intoxication médiatique.

3.) Lequel processus de massification nécessite d'anoblir une armée d'insignifiants pour former les légions d’experts et de toutologues autorisées qui agissent comme des étouffoirs communicants, dans les médias et les réseaux académiques et culturels, pour répandre en échos-systèmes les ''valeurs'' du néolibéralisme en échange de bénéfices mutuellement partagés. C'est le processus d'anoblissement de l'insignifiance et de la médiocrité. 

La reliance de ces trois processus est une vraie performance de l'Intelligence en Artifice (IA) :  Une médiocrité anoblie, pour ne pas être facilement critiquable, assure la promotion de produits floutés, virtualisés et segmentés en valeurs élémentaires ; lesquelles sont assemblées par des contrôleurs isolés, insignifiants et/ou corrompus pour être proposées à la consommation par des utilisateurs massivement abrutis et inconscients. Faut-il encore prouver que c'est par abrutissement massif et effondrement de la conscience que le néolibéralisme triomphe ? 

En conséquence, la bataille contre le néolibéralisme ne pourra être gagnée que par le relèvement de la conscience humaine pour amener le consommateur qu'il a abruti à reprendre possession de son intelligence naturelle et à faire échec au libre marché. Toute la valeur du libre marché repose sur la monnaie qui doit générer la croissance par des profits. Mais la force de ce système est aussi sa faiblesse : Pour qu'il y ait profit, il faut qu'il y ait consommation de la production. C'est donc en consommant ses médiocrités que nous assurons le triomphe du néolibéralisme, si donc nous arrêtons de consommer la merde anoblie, la production de la merde chutera et la faillite emportera ce système anti humain. La meilleure façon de s'engager contre un système est de le laisser mourir en arrêtant de le nourrir.

Perspective heureuse qui n'est pas moins difficile, car, il faut donner au consommateur la capacité d'assumer ce choix courageux et éthique de refuser la merde dont il a appris à aimer la saveur floutée. Vaste programme qui ne peut venir que par dissémination de valeurs post-occidentales pour faire mûrir une écologie de la responsabilité multi factorielle.

[i] NeuroToxicology, Vol 67, Juillet 2018, pp 150-160. https://doi.org/10.1016/j.neuro.2018.05.006

[ii] https://iatranshumanisme.com/2021/03/19/darpa-finance-des-nanoparticules-qui-penetrent-dans-le-cerveau-pour-lire-les-signaux-neuronaux/

[iii] https://news.miami.edu/coe/stories/2020/11/connecting-mind-to-machine-university-of-miami-team-moving-forward-on-darpa-project-to-revolutionize-non-surgical-brain-computer-interface.html

[iv] Pierre Bourdieu, L’essence du néolibéralisme, 1998, Le Monde Diplomatique. https://www.monde-diplomatique.fr/1998/03/BOURDIEU/3609

[v] L’éthique derrière la modification génomique humaine : https://espace.inrs.ca/id/eprint/7929/1/LaSynthese_hors_serie_1_CRISPR.pdf

[vi] Nanotechnologies, éthique et politique, Unesco, 2008 : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000178797

[vii] Éric Sadin, L'Intelligence artificielle ou l'enjeu du siècle. Anatomie d'un antihumanisme radical, 2018, L’Échappée.

[viii] Éric Sadin, La silicolonisation du monde, L’irrésistible expansion du libéralisme numérique. 2016, l’Échappée.

[ix] Laurent Alexandre, La guerre des intelligences, intelligence artificielle versus intelligence humaine, 2017, J C Lathès.

[x] https://imtech.imt.fr/2015/07/24/lhomme-augmente-notre-humanite-en-quete-de-sens/

[xi] Madeleine Caspani-Mosca, « L’expérience du temps, l’espace et le self », Les Lettres de la SPF, vol. 20, no. 2, 2008, pp. 21-32.

[xii] Hélène Trocme-Fabre, Né pour apprendre, Être et connaître, 2006.

[xiii]  Éric Sadin, La vie algorithmique : Critique de la raison numérique, 2015, L’Échappée.

[xiv] Philippe Ch.-A. Guillot, « Ombres et lumières sur le droit fondamental à la protection des données personnelles confronté aux services de renseignement en matière de prévention du terrorisme », Les Annales de droit [En ligne], 10 | 2016, mis en ligne le 08 janvier 2018, consulté le 01 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/add/340  ; DOI : 10.4000/add.340

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