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Billet de blog 27 janvier 2023

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Haïti, le glissement indigent : du marronnage libérateur au marronnage destructeur

Jadis, à Saint Domingue et ailleurs, au temps de la déshumanisation assumée, le marronnage avait un sens : c’était un acte d’intelligence, de liberté et d’humanité. Plus tard, en Haïti, après l’indépendance, quand il fallait se regrouper et armer l’intelligence de courage pour assurer la cohésion sociale, le marronnage a perduré et est devenu un acte de déshérence, d’insignifiance et d’indigence.

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Illustration 1
La quadrature du cercle ou l'improbable intelligence du marron reconnu © Erno Renoncourt

Mise en contexte

En illustrant cette tribune par ce dessin, j'essaie de montrer comment le marronnage culturel, en tournant le dos à la communication authentique, ferment nourricier de la cognition, verrouille l'intelligence dans une stratégie de MALICE où le Marron Anobli en Lettré par Indignité Cultive l'Errance. Le marronnage culturel est un grand consommateur de savoirs, car il ouvre la voie aux titres et aux diplômes qui ne sont qu'objet de rente, de mystification et d'érudition, donc futile pour l'intelligence.  Consommer le savoir pour cogiter dans les espaces d'entre soi, mafieux, en quête de ressources à accéder, est le propre du lettré haïtien, ces postures pleines de malice l'obligent à refuser le dialogue par provocation que lui propose l'impertinence constructive pour l'amener à changer de comportement.

La problématique de l'intelligence du marron anobli en lettré qui promeut la malice rappelle un des trois grands problèmes de l'Antiquité, connu sous le nom de la Quadrature du Cercle, il propose de construire, pour un cercle donné, un carré de même aire avec la règle et le compas seuls. Dans notre contexte, il s'agirait d'amener le marron à affronter la provocation en assumant de faire face à une communication authentique qui dérange son confort pour l'amener vers l'innovation par la cognition, tout en restant rivé sur la consommation du savoir comme outil de cogitation pour snober et instrumentaliser les autres.

Un Contexte de cauchemar rappelant le code noir

 219 ans après son indépendance, 37 ans après la chute du régime totalitaire des Duvalier, l’écosystème haïtien vit en sursis, dans une impuissance fossilisante et déshumanisante. Un décor cauchemardesque tient lieu de paysage institutionnel : tout un collectif, plus de onze millions d’âmes, n’arrive pas à prendre en mains le destin d’un territoire qui leur a été légué en héritage, et ce au prix de hautes luttes pour l’indépendance. Luttes qui furent universellement saluées comme s’inscrivant dans la trajectoire d’un humanisme vibrant et inspirant pour le monde entier. Une trajectoire lumineuse qui est pourtant enfumée par l’incapacité des générations d’après l’indépendance à faire germer sur ce territoire l’intelligence collective en l’habitant responsablement et dignement le territoire.

 Le marronnage originel, outil de lutte pour la dignité

219 ans après l’indépendance, l’évolution d’Haïti décrit le tracé d’une errance assumée, tant le parcours de l’indépendance à aujourd’hui (2023) est jalonné de bugs et de paradoxes anthropologiques fleuris. Tout un territoire, dont l’histoire convoque la mémoire universelle, est laissé en déshérence par ses fils et ses filles, et se dresse aux yeux du monde comme un pays improbable, comme un État ingouvernable, comme une entité chaotique avec 11 millions de migrants potentiels. Toute une génération d’hommes et de femmes qui ne rêvent que de fuir leur terroir, en espérant atteindre, qui une humanité, qui une prospérité, qui une dignité, toutes interdites en ce lieu où, de mémoire d’homme, la déshumanisation a élu domicile fixe depuis le métissage triangulaire culturel improbable entre l’Europe, l’Amérique et l’Afrique. Un constat, pour le moins angoissant, qui achève de projeter sur Haïti l’ombre funeste de l’époque barbare où le code noir faisait la splendeur de l’Europe qui se voulait lumière du monde et se veut encore civilisatrice des peuples du monde entier. En ce temps abondant pour ceux du côté de ‘‘la civilisation’’, indigent pour les autres, le marronnage était, pour l’homme africain, propulsé dans ce décor inhumain et déshumanisant, le seul acte intelligent pour accéder à la liberté et retrouver sa dignité et son humanité.

Paradoxalement, aujourd’hui encore, malgré l’indépendance, malgré les brèches historiques ouvertes dans l’espace-temps géostratégique pour fructifier et magnifier localement la fulgurance de 1804 en un projet d’intelligence, Haïti reste une république peuplée de marrons qui rejouent les notes de la déshumanisation esclavagiste. On eut dit que ce territoire de douleurs est pris dans le piège d’une bulle intemporelle et invariante. Pour cause, tout invite aujourd’hui encore la population à fuir. Le tracé géographique n’a pas été modifié, malgré les soubresauts des catastrophes naturelles ; entre mer houleuse et montagnes rocheuses, il évoque un gouffre dessinant l’ouverture béante des deux mâchoires d’un crocodile affamé et broyeur d’hommes. Le culturel, tant célébré, tant médiatisé n’est qu’un métissage d’impostures pleines de malice et d’indignité.

Pour mesurer le poids de l’indigence qui déshumanise le collectif haïtien, c’est sous les strates résilientes de sa culture ‘‘rési-liante’’, mélange de résignation et de rupture des liens d’appartenance à une mémoire collective, dont la performance est médiatisée et célébrée, qu’il faut se placer. Là, il suffit de tendre l’oreille pour écouter, dans la cacophonie de l’oraliture dominante, les sourdes résonances des proverbes populaires qui sont les vrais marqueurs de l’identité socioculturelle et anthropologique d’un collectif. Faiza Jibline ne dit-elle pas qu’un proverbe est un flux qui irradie une communication en foudroyant la parole du locuteur d’un éclair d’éternité ? En effet, dans Proverbes et locutions proverbiales en usage à Marrakech, elle soutient que le proverbe est « un témoignage irremplaçable sur le système de valeurs et la vision du monde d’une communauté ».

 Le marronage culturel, mémoire fissurée par la précarité

Ainsi, grâce à cet éclairage reliant entre proverbes, culture et anthropologie, on comprend pourquoi majoritairement l’homme haïtien se retrouve contraint de marronner avec la vie, d’abdiquer ses responsabilités et de vouloir sans cesse instrumentaliser les autres pour ses succès.  C’est dans sa mémoire grégaire, inconscient actif en permanence, fissurée par l’esclavage qu’il puise les trames paradoxales de ses postures insignifiantes. Postures qui deviennent impostures, car obligeant le marron 2.0 à s’accrocher, entre résignation et rupture des liens de dignité, et de responsabilité, à une intelligence adaptative pour promouvoir la survie comme le grand art de la réussite.

Haïti est une cartographie anthropologique de précarités à laquelle on n’échappe qu’en redevenant marron : soit littéralement, en prenant le large par l’océan ou les airs ; soit culturellement, en assumant la malice et l’imposture comme postures pour survivre ou réussir dans une même indignité. Il en résulte un bug anthropologique immense qui pousse Haïti à rebours et à contre sens du progrès humain. Ainsi, tout un collectif se projette dans les rêves d’ailleurs en se déracinant de tout ce qui constitue son essence humaine faite d’authenticité, de liberté et de dignité.

Et c’est là qu’est le drame : car ceux et celles qui fuient le pays, aujourd’hui et depuis plus de deux siècles, abandonnent et laissent en déshérence un territoire qu’ils ont hérité du courage, du sacrifice et de l’héroïsme des anciens esclaves ; alors qu’ils devaient s’organiser, s’enraciner et s’armer d’intelligence et de dignité pour lutter contre les incertitudes et les précarités qui terrassent et poussent à fuir et à abdiquer. D’ailleurs, c’est en s’armant de courage et d’intelligence contextuelle que les anciens esclaves, qui n’avaient pas peur de risquer leur vie pour une cause au-dessus de leur vie, n’ont pas cultivé le marronnage comme une rente personnelle, mais l’ont utilisé comme outil pour casser le rythme de la production et de la croissance de la colonie, lever une armée de va-nu-pieds révoltés et indignés contre l’ordre barbare et qui avaient juré de vivre libres ou de mourir en osant défier, tout marrons qu’ils furent, l’empire esclavagiste pour forcer le passage de la déshumanisation vers la dignité et la liberté.

Or, le marronnage pratiqué après l’indépendance, et notamment aujourd’hui, n’a pas cette intelligence stratégique de lutte. Et c’est là l’impasse qui assure le glissement indigent vers l’invariance et l’errance, car cet appel à la fuite, qui invite à rejouer le tam-tam assourdissant du marronnage, pour échapper à ce code noir 2.0, n’offre qu’une illusion de liberté. Pour cause, il ne fait qu’inciter à s‘éloigner des territoires de la responsabilité qui délimitent l’espace stratégique de la gouvernance d’un pays, en forçant ses enfants, parfois les plus doués et les plus talentueux, à se projeter dans les succès des rêves blancs d’ailleurs, sans se douter qu’ils drainent ainsi l’énergie de la reliance du collectif. Et de fait, en Haïti, les territoires de la responsabilité qui sont abandonnés sont multiples et débordent largement le domaine étatique pour se manifester sur les strates de la sphère non-étatique. Rien n’échappe plus à l’irresponsabilité, elle est collective. Toutes les strates de la société en portent l’empreinte, comme s’il s’agissait d’une médiocrité plurielle dont le triomphe fait fuir l’intelligence. Roger Gaillard n’a-t-il pas du reste théorisé la mise en déroute de l’intelligence en Haïti ? Alors, il est manifeste que les médiocrités managériales sur le domaine des affaires de la gouvernance d’entreprise, les médiocrités professionnelles sur le domaine de compétences des acteurs métiers et socioprofessionnels, les médiocrités purement humaines sur le domaine citoyen des rapports avec l’écosystème ne sont que des composantes d’une force invariante qui nourrit l’impuissance collective et accélère par inertie la chute du collectif haïtien dans l’abîme.

 Marronnage et Malice : deux branches du génome de l’indigence

Illustration 2
L'avatar du binôme indigent de la force invariante haïtienne © Erno Renoncourt

Manifestement, le vide dans lequel se précipite le collectif haïtien est phénoménal. Pis même, il est abyssal ! C’est la survie anthropologique de tout un groupe qui est en jeu par l’usure de son intelligence dans une insignifiance qui structure sa déshumanisation. Et pourtant, cette menace résonne paradoxalement dans la conscience de beaucoup d’Haïtiens. Une résonance qui fait rimer impuissance, insignifiance, inconscience comme l’écho d’une agonie en fête. Une agonie qui se manifeste par une érosion turbulente de la dignité de l’âme haïtienne. Une dignité effilochée par des précarités séculaires qui ont fissuré la mémoire collective et enfumé la conscience patriotique. Si bien qu’en Haïti, illettrés et lettrés, pauvres et bourgeois, indigents et opulents se complaisent à vivre dans une permanente imposture : tout en se positionnant frénétiquement dans la lignée et en revendiquant une certaine filiation avec la glorieuse épopée de 1804, construite par le marronnage courageux, exaltant et intelligent, ils se projettent convulsivement dans les rêves d’ailleurs, par un marronnage peureux, déviant et aliénant, en coupant leurs liens de responsabilité avec leurs pays, en renonçant à leurs engagements citoyens et humains envers autrui.

Cette imposture, qui fait le lien entre la résignation et l’impuissance, est une posture irresponsable et médiocre. Une imposture cultivée paradoxalement comme une forme d’intelligence adaptative, alors qu’elle n’est, au vrai, qu’une insignifiance qui n’apporte aucun changement dans les comportements. Or comme le veut la théorie des systèmes, tout ce qui entretient l’invariance de l’impuissance devant l’errance séculaire d’un collectif ne peut être qu’une stratégie à perte de sens, donc sans intelligence. Une imposture qu’on peut même, par néologisme appelée ‘‘rési-liance’’, notamment pour sa résonance parfaite avec la résilience dont elle est pourtant une perversion, car là où celle-ci voit la vie comme prétexte pour redonner espoir par des actes intelligents, celle-là ne fait que maintenir la population en sursis, entre résignation et perte de lien, ou absence de reliance avec son écosystème. Ce qui ne lui permet que de survivre. Or, quand la vie n’est que survie, elle débouche toujours sur l’impuissance qui n’engendre que désespérance, violence et errance.

Le marronnage et la malice sont les seules compétences de la majorité des lettrés haïtiens. Et c’est pourquoi, en occultant l’apprentissage et la transmission, qui sont les deux branches du génome de l’intelligence, elles rendent l’écosystème haïtien si shitholique, si indigent. Pour comprendre en quoi le marronnage culturel est déviant, il faut suivre la piste que m’a indiquée récemment, une ancienne ministre de l'éducation nationale sous le régime Lavalas de Jean-Bertrand Aristide, et ancienne représentante du secteur universitaire au CEP sous le régime PHTK des Martelly-KPlim-Boulos, « l’on n’est jamais marron pour soi, mais toujours pour un autre ».

Un axiome de haute valeur stratégique, car il vient confirmer la dimension d’imposture du marronnage culturel pratiqué par la majorité des lettrés haïtiens. Un marronnage aliénant et déviant qui revendique le monopole de la stratégie de la malice et de la réussite à somme nulle.  Ti Malice, n’est-il pas ce héros des contes populaires haïtiens qui triomphe par ruse de tous les obstacles sur son chemin ? Et sa ruse ne reçoit-elle pas les adjuvants de ses succès par le fait qu’il existe toujours sur le chemin des obstacles qu’il doit contourner un Bouqui, éternel couillon, instrumentalisable à volonté ? Là, seul maître de son jeu, plein de duplicité et d’impostures, le marron devient une crapule accréditée qui doit en permanence dissimuler ‘‘son je’’ en double jeu, par une forme de malice qui l’autorise à masquer ses intentions et à déformer ses postures, en allant vers un autre qu’il assimile à un couillon (qui souvent assume ce rôle) juste bon à être instrumentalisé ou à être déshumanisé.

D’où cette définition du lettré haïtien qui résume en un mot (MALICE) les compétences prépondérantes chez cette espèce abondante dans l’écosystème haïtien : Marron Anobli en Lettré par Indignité pour Cultiver l’Errance. Quiconque, en Haïti, refuse de se prêter à l’instrumentalisation de la couillonnade par la malice est interdit du royaume de la réussite dont les marrons précaires, crapules accréditées, gardent jalousement les portes dérobées vers les failles où le blanc draine les ressources qui déstabilisent le pays en permanence.

Malheur à ceux et celles qui n'ont pas encore compris que l’indigence de l’assistance internationale est dimensionnée pour épouser la forme du leadership malicieux et indigne que représentent les élites académiques et culturelles haïtiennes ?

Tant que l’imaginaire de l’haïtien restera colonisé par ce paradoxe anthropologique, promouvant la malice comme stratégie culturelle d’une probable réussite, la mémoire collective sera toujours fissurée par une insoutenable ambivalence orientant l’errance nationale.  La MALICE nationale, fille légitime du marronnage déviant et aliénant et de l’indignité, est la grande faille à sécuriser, pour contenir l’assaut des turbulences faisant errer l’écosystème national. C’est une faille culturelle gigantesque. Car, la culture étant au cœur des rétroactions de l’homme avec son écosystème, sa qualité influence les postures de responsabilité et de dignité en poussant l’homme cultivé à vivre en se sentant en permanence endetté vis-à-vis de sa société et de sa communauté. Ainsi, on peut émettre l’axiome de la malice qui entretient l’errance haïtienne : à culture indigente, société pestilente ; à savoir insignifiant, collectif impuissant.

Voilà le bug anthropologique que nous nous proposons d’expliciter pour crever la bulle d’enfumage qui structure l’errance haïtienne et faire émerger un possible humain vivable dans le shithole par promotion d’une pédagogie innovante qui fait éloge de la provocation pour désenfumer la tanière où s’entassent en fumiers foisonnants les marrons de la précarité et de l’indignité. Nous devons sans cesse innover nos comportements, car comme me l’a rappelé un vieil ami, « Les solutions d’hier sont les entraves d’aujourd’hui. Le plus bel exemple est le marronage. Stratégie utile, comme fer de lance de nos luttes d’avant l’indépendance, elle est devenue un boulet errant après l’indépendance ». 

 Désenfumer le marronnage hybride et aliénant

Illustration 3
La flamme bleue de l'intelligence insolente © Erno Renoncourt

L’innovation ne peut se faire que dans un écosystème ayant un management et un leadership suffisamment compétent pour assumer la turbulence de la rupture permanente, et cela encore plus dans un écosystème où les principaux quantificateurs de la réussite sont la malice, la fourberie, l’indignité, la crapulerie et la couillonerie. En Haïti, ce sont les principaux quantificateurs d’indigence qui forment le QI des professionnels, des lettrés et des universitaires haïtiens. Leur succès vient du fait qu’ils sont floutés par des impostures qui reflètent l’héritage assumé d’un marronnage hybride et déviant.

Le marronnage cultivé en Haïti est hybride et déviant, donc aliénant et indigent, car il se veut la conciliation de deux postures contradictoires héritées de l’esclavage qui apportaient l’une et l’autre des bénéfices à ceux qui les mettaient en œuvre. Il y a le marronnage bienveillant, libérateur qui permettait à l’esclave de retrouver sa dignité et son humanité en fuyant l’enfer de la plantation où le maître blanc le déshumanisait pour son profit. Mais il y aussi, moins connu, ce marronnage malfaisant, dissimulateur qui permettait à l’esclave qui aimait sa servitude de se rapprocher des marrons bienveillants pour révéler leur cachette au maître qui lui promettait en échange de menus cadeaux. Le marronnage bienveillant et libérateur ayant conduit à l’indépendance, il n’a pas effacé dans la mémoire des esclaves qui se dédiaient au marronnage dissimulateur les bénéfices qu’ils en tiraient. Or ces deux mémoires du marronnage ont cohabité longtemps après l’indépendance et ont fissuré la mémoire du collectif qui allait hériter de l’indépendance. Et comme au lendemain de l’indépendance, les colons avaient conservé leurs liens avec les marrons dissimulés, ceux-ci ont été anoblis en élites et en lettrés pour déstabiliser le nouveau territoire des marrons libérateurs.  Avec le temps, ces marrons dissimulés ont émergé dans une réussite qui a facilité le glissement d’Haïti vers l’errance. Et pour cause ! Car, comme l’établit la psychologie cognitive, ce qui structure l’évolution d’un collectif est toujours ce qui façonne la réussite et assure la survie. De fait, la survie en Haïti, comme la réussite, dépend de la soumission aux injonctions du blanc., ce qui explique pourquoi l’indépendance est tombée en déshérence, l’intelligence s’est autoroutée vers la malice, la dignité s’est émoussée dans une érosion turbulente et que l’errance s’installe comme le climat invariant.

Notre propos, en eclairant les contours de ce marronnage dèviant, vise à amener le collectif haïtien à cesser de croire en la promesse d’un certain homme politique providentiel capable de résoudre ses problèmes. Nous l’invitons au contraire à s’inscrire dans la dynamique RE-LIANTE de la construction d’un mur de performance collective par l’engagement de soi. Ainsi, cette axiomatique de reliance est un tremplin qui cherche à rendre chaque Haïtien, chaque Haïtienne co-auteur, co-autrice de la solution collective pour extraire le pays du marasme de l’indigence. Aussi, elle invite chacun à s’armer culturellement pour résister aux précarités et apprendre à devenir une brique du mur de la performance collective.

Si Haïti ressemble à un gigantesque trou noir qui broie l’intelligence collective, c’est parce que la conscience collective haïtienne s’est accoutumée à la malice sans chercher à la combattre. Une accoutumance effroyable que le culte de la résilience a transformé en une intelligence adaptative où chacun promeut une forme de débrouillardise, malice au second degré, qui tue l’engagement et la vraie intelligence. Il s’en est résulté ce vide abyssal qui engloutit tout.  

Ce constat appelle à un besoin d’innovation pour bousculer la routine sur laquelle se greffent les succès précaires qui verrouillent le collectif sur face médiocre, corrompue et criminelle.  L’intelligence éthique apparaît comme le coût local à consentir pour regrouper et organiser les ressources humaines dignes et compétentes de l’écosystème en un rempart appelé à devenir le MUR de la performance collective haïtienne. Il convient de faire Mûrir l’Utopie de la Reliance pour combler les failles qui érodent la dignité nationale.

De ce constat découle le postulat de la Reliance comme axiome d’innovation pour les écosystèmes turbulents et chaotiques : dans un écosystème turbulent où l’errance es copilotée par jeu de rôle indigent et déshumanisant entre le local et le global, la stabilité collective doit être recherchée comme un acte de cohésion et de génération de liens par dissémination de valeurs authentiques pour structurer l’intelligence dans une reliance profonde garantissant l’alignement stratégique des engagements individuels sur la performance des processus sociaux et organisationnels.

Plus que jamais l’avenir d’Haïti dépend de l’engagement de chaque Haïtien à adhérer à une autre définition de l'intelligence qui ne soit plus celle de la malice, du marronnage, des impostures, de l’irresponsabilité et de l'indignité. Il faut irradier l'imaginaire du collectif haïtien pour détrôner ce héros malicieux, cet être fourbe, nommé Ti Malice, friand des mauvais coups et faisant toujours passer ses intérêts avant ceux du collectif. Il faut peupler la mémoire collective de nouveaux héros pour que l'Haïtien des villes ne soit plus sollicité par les exploits fourbes de Ti Malice pour booster ses capacités improbables de lecture (nous y reviendrons) et l'Haïtien des campagnes ne voie plus ses nuits ponctuées par les échos des audiences où la malice triomphe toujours. C’est parce que la fourberie s'est installée depuis la nuit des temps comme le ferment mémoriel de la culture haïtienne que la mémoire collective a enfumé et dérouté l’intelligence, en transformant la pensée en cet étouffoir qui obscurcit tout, à coup d’impensé. Faut-il chercher plus loin pourquoi la corruption perdure en Haïti depuis deux siècles selon ce qu’on dit ? C’est dans la culture, dans les failles de la conscience, évidée de son substrat de dignité et de résistance, que le mal s’est propagé.

C’est donc par la culture qu’il faut régénérer l’homme haïtien en inculquant à sa conscience de nouvelles vibrations pour amener son imaginaire à résonner intelligemment au contact des problématiques du contexte. Il faut transformer l’écosystème en un gigantesque chantier d’apprentissage et de transmission pour faire vivre un Programme d’Apprentissage Harmonisé par la Culture de la Transparence et l’Engagement de Soi. Une manière de reprogrammer la mémoire du collectif avec de nouvelles données, de nouvelles trames éthiques pour enflammer sa conscience et faire germer les semences de la nouvelle écologie qui fera vivre la légende des arbres musiciens.

 Quelque chose s’est effondré au sein du collectif haïtien et l’empêche de trouver les postures de dignité et d’intelligence pour vivre son humanité dans une reliance d’empathie et d’authenticité avec les autres et de responsabilité avec son écosystème. Dans l’âme de ce collectif ne subsiste plus qu’une sourde envie de se projeter dans les rêves des autres et de survivre à tout, même à l’indignité. Il faut donc raviver la flamme de la braise de la dignité nationale pour la désenfumer de la cendre des succès précaires et médiocres. C’est ainsi qu’elle pourra se remette à briller et à enflammer l’imaginaire du collectif pour qu’il produise des liens qui ne soient plus, à perte de sens, des verrous de malice, mais des liants d’intelligence comme traceurs de responsabilité.

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