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Billet de blog 30 août 2022

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La fin de l’abondance ou la résurgence du nazisme comme augure de l’indigence

Quand les voix autorisées et puissamment médiatisées s'élèvent pour décréter la fin de l'abondance en Occident, il y a manifestement des échos intelligibles d'une résurgente barbarie qui laissent augurer des saisons indigentes en floraison imminente et foisonnante.

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Qui, sans être totalement ignorant des enseignements de la nature ou complètement indifférent envers les faits de l’histoire, peut ne pas comprendre que le monde est en train de basculer dans une horreur innommable. Une horreur qui n’a rien d’un hasard, car les signes avant-coureurs, en nombre exponentiel, laissent penser qu’elle a été savamment programmée par les élites financières internationales dans les saisons d’abondance qui ont fait leur grandeur et leur réussite. En effet, pendant toute la fin du XXème siècle, d’un bout à l’autre de la planète, des crises géopolitiques, économiques, climatiques, sociales, régionales et mondiales se sont multipliées comme des symptômes d’une manifeste incohérence entre le modèle de gouvernance imposé par les puissants qui dirigent la planète et l’intelligence éthique exigée par la nature comme respect d’une harmonie entre l’humain et son habitat. Une exigence formulée, il y a longtemps par un certain Francis Bacon : « On ne commande à la nature qu’en imitant ses lois ». Des lois, écrites selon Galilée, en langage mathématique, dont la connaissance devait nous aider à trouver les postures responsables, entre pensée et action, pour déterminer jusqu’où on peut aller trop loin dans le déni de l’apprenance.  L’apprenance étant, cette volonté inscrite dans ls gènes du vivant de mobiliser ses capacités cognitives pour établir un lien éthique avec son environnement.

Par l’insignifiance, impuissamment tu seras asservi !

Mais loin d’être interprétées comme des signaux faibles d’une catastrophe imminente programmée par nos inconséquences, ces crises ont été occultées, ignorées, détournées, de toute évidence non résolues de manière systémique. Et logiquement, elles se sont enchevêtrées et ont creusé sous nos pieds les abysses indigentes connectées vers lesquelles, à vitesse différenciée, tous les peuples de la planète s’effondrent. En effet, qu’ils vivent dans des écosystèmes précarisés et déshumanisés comme les shitholes ou dans des écosystèmes sécurisés et médiatisés comme les mégalopoles, les peuples de la planète terre sont aujourd’hui confrontés à une sourde impuissance. Une impuissance qui, en actant en filigrane de la fin du mythe de l’abondance, augure l’imminence de l’extinction de l’espèce humaine.

Paradoxalement, en accord avec les lois de la théorie des systèmes, cette impuissance agonisante résonne en échos d’une intelligible insignifiance universellement partagée. Ce qui, n’en déplaisent aux experts intellectuellement ajustés et aux chercheurs éthiquement endettés, révèle la validité contextuelle du théorème de la grande convergence vers l’indigence : l’impuissance semée au sud de la vie par les fossoyeurs de l’humanité reviendra au nord comme un boomerang révélateur de l’insignifiance manifeste de ce que l’on a longtemps vanté comme un certain joyau du succès de la culture occidentale.  Une insignifiance qui rappelle l’allégorie de la grenouille se laissant griller à feu doux dans son bain, car confortablement installé à la surface d’une eau tiède et relaxante, elle s’est laissée entrainée dans une ivresse jouissive, en perte de sens avec son environnement qui pourtant changeait imperceptiblement.

Que l’on soit noir ou blanc, pauvre ou riche, moche ou beau,  il est un fait manifeste à quiconque a su échapper à l’influence abrutissante des étouffoirs des échos-systèmes communicants : Il y a une insignifiance culturelle asservissante de voir que les peuples européens, dans leur culture revendiquée, assument de ne plus se laver et de se chauffer pendant l’hiver, en regardant passivement leurs gouvernements leur priver de l’abondance du gaz russe bon marché au nom de la liberté des Ukrainiens armés et dressés par l’OTAN pour détruire la Russie, alors que ces mêmes peuples s’en battent les couilles que des enfants palestiniens, désarmés et privés de tous droits sur leurs territoires volés, spoliés et illégalement occupés, soient déchiquetés par des bombes israéliennes.

Convergence des shitholes et des mégalopoles vers l’indigence

Ce serait un manque cruel d’intelligence systémique de ne pas capitaliser cette insignifiance comme une variable explicative corollée à l’impuissance pour expliquer la puissance de l’indigence. Quand deux faiblesses se structurent l’une l’autre, elles finissent par devenir une force résiliente que l’on peut nommer axiome de la distorsion de l’intelligence : Pour tout collectif soumis à l’impuissance, les performances culturelles deviennent des faiblesses qui s'additionnent pour structurer négativement l’action collective dans une insignifiance (adaptation passive) qui atrophie toute intelligence. Nul besoin d’être aussi brillant qu’un médaillé Fields pour reconnaitre une application de la fameuse loi algébrique de convergence positive des négatifs multiplicatifs : moins par moins donne plus.

 Ce qui nous donne le système d’équations contextuelles que l’on croyait jusque là uniquement capable de modéliser les comportements dans les espaces shitholiens :

S (Impuissance, Insignifiance) = Indigence

            Or, en sachant désormais que l’impuissance anthropologique est une variable expliquée par l’insignifiance culturelle,

C (Insignifiance) = Impuissance

On peut désormais généraliser l’axiomatique de l’indigence pour en faire une modélisation convergente et structurante applicable à tous les écosystèmes, bien entendu sous l’hypothèse du postulat systémique de Tim O’Riordan (Globalism, localism and identity, 2010) selon lequel chaque écosystème n’est qu’une version globalement définie d’une réalité complexe expérimentée localement. Selon cet auteur le global et le local se connectent et se reconfigurent à différentes échelles et à travers différentes cultures. De ce fait, les médiocrités locales qui prolifèrent dans les shitholes sont des échos d’une médiocrité globale régissant les structures internationales.

Notre propos dans ces brèves lignes, extraites de nos travaux sur l’axiomatique de l’indigence, est de montrer que la prolifération des crises par les écosystèmes du Nord vers les écosystèmes du Sud dessine une cartographie dont les motifs reflètent une même géopolitique indigente. La structuration et la dissémination des foyers de crise :

  • par les USA vers Haïti, Cuba, Nicaragua et le Venezuela ;
  • par l’Otan vers la Russie à travers l’Ukraine interposée ;
  • par la France vers le Mali et toute l’Afrique de l’Ouest ;
  • par les puissances occidentales vers l’Asie ;
  • par Israël vers les territoires occupés de la Palestine et l’Iran

répondent à une même exigence géostratégique : une même humanité décrétée jetable, parce que soit vulnérable, soit non rentable, soit non assimilable, du point de vue des valeurs monétaires et putridement libertaires, doit être sacrifiée sur l’autel de l’abondance réservée exclusivement au profit de ceux riches, beaux, vaccinés, ayant la même couleur de peau, les mêmes yeux bleus et partageant la même culture racisée déguisée en impostures démocratiques.

Par l’imposture de la culture, toujours la barbarie ressurgie !

Qui, à moins d’être culturellement insignifiant, ne ressent pas dans cette exigence de profit, quoi qu’il en coûte, exclusivement dédiée à certains qui sont décrétés plus méritoires que d’autres, les premiers relents de fumée des crématoires des nazis d’hier qui voulaient débarrasser le monde des impuretés humaines contraires à l’idéal Aryen ? Ce qui révolte le plus, c’est que cette insignifiance culturelle, qui préfigure des temps barbares, est assumée de manière décomplexée par des réseaux politiques, médiatiques et académiques dans un déni total de vérité et un profond mépris des valeurs et principes de l’intelligence éthique. C’est bien Noam Chomsky qui a judicieusement écrit que l’humanité est au centre de forces qui la tiraillent vers deux grands domaines de principes contradictoires : ceux de justice et de vérité et ceux de pouvoir et de richesse. Courir après l’un oblige à s’éloigner de l’autre, épouser l’un condamne à mépriser l’autre.

Ainsi, tout ce qui promeut profit, réussite et privilèges au détriment de ce qui dégrade la dignité humaine, refuse la vérité et s’oppose à la justice n’est qu’un raccourci vers la barbarie. Même s’il emprunte les chemins occultes de la culture. C’est, en effet, par occultation de l’intelligence que nous n’avons pas su tenir compte des signaux faibles qui annonçaient l’indigence par des crises à rebonds. Ignorées, occultées, de toute évidence non résolues de manière systémique, elles nous ont conduit, deux décennies après le XXIème siècle, à cette impasse abyssale où la volonté d’emmerdement des puissants est rattrapée par la fin de l’abondance. Ce qui laisse éclater au grand jour leurs incompétences éthiques et la médiocrité de leurs politiques, puisque cette ère d’abondance qui a démarré a la fin de la seconde guerre mondiale avec les accords de Breton Woods n’a été qu’un contre feu pour occulter le rôle de l’idéologie communiste dans la lutte anti-nazis.

Ainsi, ce n’est pas un hasard si l’horreur, que laisse augurer la fin de l’abondance, par l’imminence d’une guerre nucléaire, se joue aux frontières de l’Ukraine et de la Russie, sous les décombres fumants des reliques du nazisme, qui semblent avoir été secrètement sanctifiées et béatifiées par un Occident faisant de plus en plus figure d’un spectre chaotique résilient à contre temps des valeurs humaines. Au vrai, la culture de liberté revendiquée par l’Occident blanc, chrétien, démocratique et, aujourd’hui, LGBTéien n’a jamais été qu’une imposture servant à masquer cette évidente barbarie qu’elle impose à la nature et à l’homme. Et manifestement, quand tombent les masques du néolibéralisme, c’est le nazisme qui ressurgit.

Pour comprendre cette assertion, il faut se rappeler et surtout être capable de contextualiser la pensée de Michel Baudouin qui, en 2008 dans le numéro 29 de la revue Labyrinthe, décortiquait les impostures promises par le libéralisme (Lien à découvrir). Au terme de la lecture de la section consacrée à « l’utopie des dix robinsons », on est contraint d’admettre que la culture occidentale fondée sur « le néolibéralisme n’est qu’une utopie mensongère » Lien à decouvrir). En ce sens que ce n’est qu’ « un outil de domination pour mettre l’État et l’économie au service des puissants » qui sont heureux de se retrouver derrière une fausse bannière démocratique leur accordant une totale impunité pour mettre sans scrupule leurs intérêts économiques au-dessus de tout, de l’humain, de la vie, de la planète.

Que faut-il de plus pour comprendre que la déshumanisation semée en Haïti, par les cartels économiques syro-libanais qui dirigent le pays au travers de leur soumission aux injonctions diplomatiques et la terreur qu’ils imposent à la population par leur contrôle sur les affreux gangs des rues, n’est qu’une version locale d’une barbarie globale qui se déconfine pour prendre forme dans ces saisons indigentes comme une augure d’indigence ?

Comment finir cette tribune sans remettre au gout du jour ces mots de René Guénon « Il est […] des considérations, même élémentaires, qui semblent tellement [imperceptibles] à l’immense majorité de nos contemporains, que, pour les leur faire comprendre, il ne faut pas se lasser d’y revenir à maintes reprises ». Tel est l’effort pédagogique que je m’impose en vulgarisant l’axiomatique de l’indigence. Mais si je cite René Guénon, ce n’est pas pour la seule pertinence de cette phrase, mais davantage parce que son ouvrage, écrit en 1946, juste à la sortie de la seconde guerre mondiale, annoncait ce temps d’effondrement et de fin de l’abondance. En effet, il écrivait ces mots qui résonnent aujourd’hui comme avec l’acuité d’une troublante  prophétie : « la croyance à un ‘‘progrès’’ indéfini, qui était tenue naguère encore pour une sorte de dogme intangible et indiscutable, n’est plus aussi généralement admise ; certains entrevoient plus ou moins vaguement, plus ou moins confusément, que la civilisation occidentale, au lieu d’aller toujours en continuant à se développer dans le même sens, pourrait bien arriver un jour à un point d’arrêt, ou même sombrer entièrement dans quelque cataclysme » (René Guénon, La crise du monde moderne, Gallimard, 1946, p11.)

La fin de l’abondance décrétée un peu partout en Occident, depuis les saisons de Covid 19 et plus encore depuis la guerre de l’Otan contre la Russie, n’augure pas-t-elle la résurgence de la barbarie comme une convergence des shitholes et des mégapoles vers l’indigence ?

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