C'est une nouvelle. Mais pour mesurer toute sa portée, il faut commencer par une histoire vraie...
C'était dans les années 80, quand on décida, au Ministère de la Culture, de transformer la grande Halle des Abattoirs de la Villette en centre culturel. Il y eut un concours d'architecture. L'agence qui le remporta (pas de noms, soyons charitables) , comme les autres, se vit livrer un lot de plans du bâtiment existant. Et constata que tous ses plans étaient faux : les angles entre les alignements de poteaux porteurs, sur ces relevés, étaient de 87,5 ° et 92,5 ° . Grosse colère. Impossible de travailler là-dessus.
Elle fit donc faire, au prix fort, des plans "redressés" à angle droit. Un truc propre, quoi.
Jusqu'au jour où un des géomètres ayant participé à la fourniture des relevés originaux fit remarquer un détail : l'architecte qui avait dessiné était Théosophe, et, en vertu des théories élaborées par Mme Blavatski, considérait l'angle droit comme diabolique. Par conséquent, sa trame d'éléments porteurs était réellement basée sur le parallélogramme, presque rectangle à l'oeil mais décalée de 2,5° par rapport à l'équerre, ce qui demande un oeil fort exercé pour être détecté de l'intérieur du bâtiment.
Nouveau jeu de plans à élaborer, donc. Non, ce n'est pas là qu'on rit.
Ce qui me fait rire depuis une heure, c'est qu'un historien de l'art vient d'expliquer longuement sur France Culture en quoi la Théosophie avait guidé Piet Mondrian dans ses essais successifs entre le Fauvisme, le Cubisme, et sa forme de suprématisme qui allait aboutir à son abstraction si personnelle, bien connue, jusque par les publicitaires , les fabricants de nappes et de revêtements de salle de bains.
Entre Mondrian et l'architecte de la Grande Halle, il y en a un des deux qui a fourché sur l'interprétation de le Théosophie appliquée à la géométrie...
Et si l'angle droit à effectivement un rapport avec le Diable, on peut dire que Mondrian lui a rendu un sacré hommage... Carrément, dirais-je.