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Jean-Yves Bouchicot

Scénographe, Eclairagiste. Enseignant-chercheur, doctorant en architecture

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Billet de blog 10 décembre 2010

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Une Prophétie de Boris Vian 1946

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

– Vous m’assommez, avec ce qui a été. Est-ce qu’on n’a plus le droit de comprendre, même après avoir été cul pendant un bout de temps ?

– – Ne dites pas ces mots-là, observa Amadis. Même si vous ne me visez pas personnellement, ce dont je doute, ça me fait un effet désagréable.

– – Je vous vise en tant que directeur, dit Anne. Tant pis si les moyens que j’emploie atteignent en vous une autre cible. Mais vous voyez à quel point vous êtes limité, à quel point vous voulez coller à votre étiquette. Vous êtes aussi limité qu’un bonhomme inscrit à un parti politique.

– – Vous êtes un sale type, dit Amadis. Et vous me déplaisez physiquement. Et un feignant.

– – Il y en a plein les bureaux, dit Anne. Il y en a des masses. Ils s’emmerdent le matin. Ils s’emmerdent le soir. À midi, ils vont bouffer des choses qui n’ont plus figure humaine, dans des gamelles en alpax et ils digèrent l’après-midi en perçant des trous dans des feuilles, en écrivant des lettres personnelles, en téléphonant à leurs copains. De temps en temps, il y a un autre type, un qui est utile. Un qui produit des choses. Il écrit une lettre et la lettre arrive dans un bureau. C’est pour une affaire. Il suffirait de dire oui, chaque fois, ou non, et ça serait fini, et l’affaire réglée. Mais ça ne se peut pas.

– – Vous avez de l’imagination, dit Amadis. Et une âme poétique, épique et tout. Pour la dernière fois, allez à votre travail.

– – À peu près pour chaque homme vivant, il y a comme ça un homme de bureau, un homme parasite. C’est la justification de l’homme parasite, cette lettre qui réglerait l’affaire de l’homme vivant. Alors, il le fait traîner pour prolonger son existence. L’homme vivant ne le sait pas.

– Assez, dit Amadis. Je vous jure que c’est idiot. Je vous garantis qu’il y a des gens qui répondent tout de suite aux lettres. Et qu’on peut travailler comme ça. Et être utile.

– Si chaque homme vivant, poursuivit Anne, se levait et cherchait, dans les bureaux, qui est son parasite personnel, et s’il le tuait…

– Vous me navrez, dit Amadis. Je devrais vous vider, et vous remplacer, mais, sincèrement, je pense que c’est le soleil et votre manie de coucher avec une femme.

– Alors, dit Anne, tous les bureaux seraient des cercueils, et, dans chaque petit cube de peinture verte ou jaune et de linoléum rayé, il y aurait un squelette de parasite, et on remiserait les gamelles en alpax. Au revoir. Je vais voir l’ermite.

(L'automne à Pékin)

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