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Jean-Yves Bouchicot

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Billet de blog 16 décembre 2010

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Un monde parfaitement policé : G. Perec 1975.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

"Tout est presque normal : le téléphone fonctionne, les ascenseurs fonctionnent, les voitures vont vite, le matériel électro-acoustique est d'excellente qualité, la mode est amusante ; on peut à peu près normalement marcher dans les rues ; on voit des gens qui ont l'air de mener une vie tout à fait normale : un premier ministre, un ministre du culte, un écrivain, des photographes de presse, des infirmières, un docteur, un psychologue, des acteurs, une chanteuse de la télévision, un conseiller pédagogique, un père et une mère, des jeunes, des vieux, des riches et des pauvres.

On peut faire collection d'oeuvres d'art, s'occuper de ses chats, taper à la machine, lire le journal ou la bible. Il y a même des spaghetti et une bouteille de vieux Bordeaux. Et, bien sûr, la neuvième symphonie. (...)

On y voit comme une chose tout à fait ordinaire père et mère changer de fils à peu près comme de chaussettes, dans une scène où les plus simples conventions sociales deviennent des instruments de férocité. On y voit un homme à plat ventre lécher les semelles d'un autre sous les applaudissements d'un prêtre et d'un gardien de prison...

Persisterons-nous longtemps encore à croire qu'il existe en ce monde un domaine privilégié du réel que la violence ne pourrait pas atteindre ? L'amour ? L'art ? La Musique ? (...) L'Humain ? La Nature ? N'importe quel petit chemin de campagne peut déboucher sur un camp.N'importe quelle jolie clairière peut être un lieu de torture. (...)

Pas du tout le "manque de civilisation", "l'état de peuple non-civilisé", mais au contraire, l'affirmation, unique et crue, d'un système fondé sur l'écrasement d'autrui : piétiner, réprimer, piller, violer, tuer, monde bâti sur le chantage, le mépris, l'humiliation, la terreur : la barbarie est le contraire de l'état sauvage ; c'est enfin débarassé de ses oripeaux humanistes (droits fondamentaux de la personne humaine, respect d'autrui, etc) un monde parfaitement policé : il repose entièrement sur sa police et sa police lui donne son véritable visage."

Georges Perec (A propos d'Orange mécanique) Cause commune , 1975

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