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Billet de blog 16 mai 2009

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Fin du travail : la fin des RH ?

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La dernière décennie du XXe a bien failli être fatale pour le travail. Substitution du capital au travail, réduction du temps de travail, aspirations aux loisirs de la génération Y, développement d’une vie associative en dehors de la vie professionnelle, résurgence de formes d’aliénation…Bref, autant d’arguments pour chroniquer une mort annoncée du travail. Une mort symbolique car, jusqu’à nouvel ordre, la société aura toujours besoin de produire des biens et des services. C’est la dimension émancipatrice et cardinale du travail qui est en jeu, et non sa dimension productive. Dominique Méda[2], Robert Castel[3] ou bien sûr Jeremy Rifkin[4] ont tour à tour montré que le travail était une valeur en voie de disparition et qu’il n’occupait plus une place aussi centrale dans la structuration de la société. Dès lors, peut-on extrapoler le phénomène à la fonction Ressources humaines ? Là encore, ce n’est pas sa disparition en tant que telle qui est au centre de la réflexion, mais son caractère incontournable sur les questions du travail et d’emploi. Un certain nombre d’arguments plaident d’ailleurs en ce sens puisque des renoncements symboliques ont été opérés.

Des renoncements symboliques

D’abord, dans une logique de division du travail, la fonction RH connaît une tendance à l’externalisation de plus en plus fréquente. Selon une logique d’optimisation de la maîtrise des coûts fixes, la paie et plus largement l’administration du personnel sont plus souvent qu’avant sous-traités à des entreprises spécialisées. En conséquence, en reléguant la rémunération du travail à sa dimension technique et gestionnaire, la fonction RH perd une prérogative dans la mesure où l’individualisation croissante de la rémunération accentue au contraire son caractère stratégique. On pourrait tenir un raisonnement similaire en ce qui concerne le recrutement, puisque le développement des réseaux sociaux sur internet rend en partie obsolète la gestion classique du sourcing. Ensuite, dans la droite ligne du propos précédent, on peut dire que les protagonistes de la fonction RH se sont parfois détournés de leur cœur de métier. En investissant les pans les plus flatteurs de la fonction comme la formation ou la RSE, les cadres RH ont quelque peu délaissé les questions de la relation de travail et de la relation au travail. Relation de travail puisqu’en tant que « premier RH », le manager de proximité conserve toujours en la matière une position hégémonique, que le DRH lui conteste peu souvent ; relation au travail également dans la mesure où la nature même du travail est trop souvent reléguée à la dimension relationnelle, voire communicationnelle, de l’implication du salarié et non à ce qui fonde son désintérêt éventuel vis-à-vis du travail. Enfin, troisième argument recevable à nos yeux, il semble que la fonction RH dans son ensemble et les DRH en particulier n’aient pas pris à bras le corps la question cruciale de la sécurisation des parcours professionnels. En effet, si les insiders (ou les « établis » pour reprendre l’expression consacrée de R. Linhart) ont bénéficié d’un intérêt souligné, les outsiders sont encore une fois restés le parent pauvre de la situation. Un exemple pour illustrer notre propos : dans le cadre du DIF, le fait de faire peser la responsabilité de l’exercice de ce droit sur le salarié revient à conforter les RH dans un rôle de communicant qui peut, une fois son devoir effectué, s’exonérer de sa propre responsabilité.

Des prophéties pas toujours auto-réalisatrices

Le jugement est sûrement sévère mais il nous paraît traduire les rapports ambigus qui unissent la fonction RH aux questions du travail et de l’emploi. Néanmoins, l’Histoire ayant des ruses que la raison… n’ignore pas, les prophéties du siècle dernier n’ont pas été nécessairement auto-réalisatrices. En effet, le travail a opéré un retour en force spectaculaire ces dernières années. Dans l’agenda politique en premier lieu, notamment lors de l’élection présidentielle de 2007, puisque le travail a été au cœur de la campagne électorale. Le slogan « travailler plus, pour gagner plus » a ainsi polarisé le débat sur la question des valeurs et de la place du travail. Dans l’agenda économique ensuite, puisque la crise financière qui sévit depuis 2008 s’est diffusée dans la « sphère réelle ». Les fermetures d’usines et la remontée exponentielle du nombre de chômeurs sont venus nous rappeler que l’endiguement du chômage n’avait rien de mécanique. Dans l’agenda social enfin, puisque les mobilisations en faveur de l’emploi ont connu un succès sans précédent depuis les années 70. Bref, le travail n’a pas l’air d’avoir disparu puisque l’emploi reste bien « la » préoccupation majeure des individus dont l’insertion sociale passe encore majoritairement par son entremise. C’est paradoxalement une chance pour la fonction RH, car elle va pouvoir se recentrer sur ses fondamentaux. La négociation sociale n’est évidemment pas un des moindres chantiers pour les DRH qui vont devoir montrer un sens aigu de la responsabilité mais surtout de l’inventivité. La question de la prospective est également un des chantiers de demain. Comme l’ont montré récemment Aline Scouarnec et Luc Boyer[5], la prospective des métiers doit devenir un véritable outil de gestion pour les DRH afin que la GPEC ne reste pas un vœu pieux. Et puis, puisque le travail « fait plus que jamais société », pour reprendre l’expression du sociologue Michel Lallement, les RH ont plus que jamais vocation à créer du lien social dans l’entreprise. A ce titre, si l’on soutient que l’être humain est une ressource ou un capital pour l’entreprise, la question de la sécurisation des parcours professionnels est le chantier majeur de la fonction RH si elle veut assumer le caractère stratégique qu’elle promeut depuis des années.


[1] J. Fombonne, Personnel et DRH. L’affirmation de la fonction Personnel dans les entreprises (France 1830-1990), Paris, Vuibert, 2001.

[2] D. Méda, Le travail, une valeur en voie de disparition, Paris, Aubier, 1995.

[3] R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salarial, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1995.

[4] Nous faisons référence au best seller de Jeremy Rifkin, La fin du travail, Paris, La Découverte, coll. « Poche-Essais », 1997.

[5] L. Boyer, A. Scouarnec, La prospective des métiers, Paris, EMS, 2009. Voir aussi sur le même thème le n°498 de la Revue Personnel de mars-avril 2009.

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