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Billet de blog 7 mai 2024

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Moins travailler - épisode 1 : temps partiel, mon graal

Parce que je trouve qu’on n’envisage pas assez comme une possibilité de réduire notre temps de travail alors que ça semble faisable. Parce qu’on a besoin de récits pour diffuser des idées. Parce que j’ai envie de visibiliser cette démarche. Récit d'une tentative pour diminuer mon temps de travail.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Opinion bien arrêtée : aujourd’hui, moins travailler a du sens à tous les niveaux.

Trop de boulots sont inutiles, voire néfastes. Trop de gens se crèvent au travail, sur des tâches qui pourraient être mieux partagées, mieux organisées, revalorisées aussi. Le rythme de travail de nos sociétés n’est pas soutenable pour la planète et il ne bénéficie pas à la société globalement.

J’ai appris en lisant Le refus du travail de David Frayne un truc qui a changé ma manière de voir les choses : au cours du XXème siècle, l’évolution des moyens techniques a permis de produire davantage sur le même temps de travail. Il y avait donc un choix à faire : continuer de produire la même quantité en réduisant le temps de travail, ou rester sur le même temps de travail et produire davantage.

Ce choix a été fait par des puissants qui voulaient s’enrichir et qui ne voulaient surtout pas que les travailleurs aient trop de temps libre pour s’organiser, se politiser ou même (horreur !) se reposer, faire de l’art, prendre soin de soi. Et ce choix nous a conduits là où nous en sommes : à l’ère de la surproductivité et du mal-vivre.

Évidemment, je simplifie, je ne parle pas des professions dont on a réellement besoin, je n’entre pas dans les détails, je ne développe pas des masses la théorie et je ne source pas non plus mes affirmations. Ce ne sont que des opinions nées de lectures telles que, en vrac : Le droit à la paresse de Paul Lafargue, Le refus du travail de David Frayne (qui réfère souvent à André Gorz), Paresse pour tous de Hadrien Klent, Bâtir Aussi des Ateliers de l’Antémonde…

Par ailleurs, et c’est encore une opinion, je me dis qu’on pourrait tous bosser uniquement sur les tâches dont on a réellement besoin, et qu’en répartissant bien on aurait plein de temps libre. On pourrait au moins essayer. Juste une idée comme ça. La question est inexistante dans le débat public et je considère que c’est parce qu’il y a un dogme autour du travail.

Alors mon but avec ce récit, ce sera de raconter les étapes d’une tentative de moins travailler.

Pour craqueler ce dogme.

Parce que je trouve qu’on n’envisage pas assez comme une possibilité de réduire notre temps de travail alors que ça semble faisable.

Parce qu’on a besoin de récits pour diffuser des idées.

Parce que j’ai envie de visibiliser cette démarche.

 *

Il me paraît important de commencer par dire d’où je parle.

Je suis une personne privilégiée : j’ai fait des études soutenue par mes parents, je suis blanche, valide, je dispose d’un fort capital culturel et d’un certain capital économique qui me permet de ne pas avoir peur de me retrouver en galère du jour au lendemain.

Je précise tout ça d’emblée parce que ce qui va être raconté ici est lié à ces privilèges. La démarche même de moins travailler, je ne pourrais pas l’envisager pareil si je ne disposais pas de tout ça, ou si j’avais des contraintes supplémentaires (comme par exemple des membres de ma famille qui dépendraient de moi pour subsister).

Je veux raconter quelque chose de vrai, ma propre expérience dans cette recherche de diminution du travail, mais j’ai conscience que ce ne serait pas reproductible pour tout le monde et par conséquent, je n’ai aucune prétention de me poser en modèle.

Aucune prétention tout court, en fait. Juste envie de laisser une trace de cette aventure, de générer peut-être des échanges autour de cette démarche.

Je travaille en tant que contractuelle dans une université française dont je vais taire la localité précise, histoire de préserver l’anonymat des personnes qui vont apparaître dans ce récit. Mon service : la scolarité d’une UFR dont la gestion est connue comme complexe. C’est de l’administratif rythmé par une année universitaire, de la gestion de grosses cohortes d’étudiant·es, avec des périodes tendues et d’autres un poil plus relax, des tas de tâches répétitives-et-faciles-mais-si-tu-en-oublies-une-tu-mets-du-monde-dans-la-merde.

Moi, ce boulot me convient très bien. J’aimerais bien y rester pour plusieurs raisons, dont les principales sont :

  • ce boulot ne me rend pas malheureuse, stressée ou insatisfaite
  • ce boulot me permet d’avoir l’esprit libre pour les soirées, les week-ends, les vacances 
  • ce boulot ne me bouffe pas trop d’énergie pour tout ce que je veux faire sur ce temps libre

En avril, nous avons reçu un mail de l’université au sujet des demandes de temps partiel, alors ça y est, je me remonte les manches.

Quand j’avais été recrutée, ma première question avait porté là-dessus : « Est-ce que c’est possible un mi-temps, ou un temps partiel ? » On m’avait dit non, pas sur ce poste.

J’avais réfléchi, je m’étais dit que j’allais voir ce que ça donnait ce boulot, et qu’on aviserait pour le temps partiel. J’avais même dit à celle qui est devenue par la suite ma responsable : « Pour le moment je mets de côté cette préoccupation du temps partiel, qui était très importante pour moi, afin de me consacrer à l’apprentissage de ce travail. Mais ce sera forcément une chose dont j’aurai besoin de rediscuter si je suis amenée à rester. »

Le temps partiel. Mon graal.

Je ne rentre pas dans les critères du temps partiel de droit, qui concerne principalement les parents de jeunes enfants, les aidants de proches malades ou les gens qui veulent se réorienter/monter leur entreprise.

C’est donc un temps partiel sur autorisation que je vais solliciter. Et qu’on pourra me refuser.

Il y aura aussi une question délicate à résoudre pour moi : si on me refuse mon temps partiel, peut-être que je mettrai dans la balance mon renouvellement de contrat. Ça signifie qu’il y a un monde où ma demande est acceptée parce qu’on veut me garder, et un autre monde où ma demande est rejetée et où je dois envisager de quitter cet emploi.

Et je suis franchement en hésitation sur ce point-là.

Mais je tente, on verra bien. Et c’est ça que je vais raconter.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.