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La bourgeoisie s'acharne jour et nuit à maintenir le salaire des femmes dans le carcan de l'emploi pour conserver son pouvoir sur le travail des 35 millions de femmes que compte la France en 2022. La généralisation du droit au salaire en tant que personnes est une des voies pour libérer les femmes et le reste de la société de la folle logique capitaliste.
Le salaire signifie que nous participons à la production de valeur économique (1). Or cette production est assumée majoritairement par 35 millions de femmes. Alors pour conserver son pouvoir sur ce travail, la bourgeoisie s'acharne jour et nuit à maintenir les femmes sous domination économique, patriarcale, politique, culturelle, anthropologique. Enfermer le salaire des femmes dans le carcan de l'emploi est une des armes majeures dont elle use et abuse. Par tous les moyens elle ne cessera pas de lutter contre le droit des femmes à l'égalité et contre leur droit au salaire en tant que personnes. C'est pourquoi la direction et la définition de la production de valeur économique doit être arrachée à la bourgeoisie et devenir la responsabilité de toutes les femmes dès 18 ans, dès la majorité politique.
Lier le salaire des femmes à leur qualification personnelle permet d'attacher leur salaire à leur personne. De cette façon le salaire se trouve délié de l'emploi, du poste de travail et des performances sur le marché des biens et services. Accéder au droit au salaire en tant que personne exprime alors la reconnaissance pleine et entière de la responsabilité des femmes dans la production. Une réalisation concrète de ce droit fait de chacune, à 18 ans, la titulaire du premier niveau de qualification et du salaire qui lui est lié. Étant entendu que l'on peut monter en qualification tout au long de sa vie en étant en permanence titulaire du salaire lié au niveau atteint. L'occasion nous est ainsi donnée d'établir au nom du principe d'égalité un salaire maximum et d'ordonner la hiérarchie des salaires.
Le refus de la reconnaissance pleine et entière de la responsabilité des femmes dans la production maintient les femmes dans l'inégalité professionnelle et la domination patriarcale. Les chiffres sont connus de tous (2). Entre les femmes et les hommes : 26% d'écart salarial ; 82% des salarié.es à temps partiel sont des femmes ; 17% seulement des métiers sont mixtes ; 63% de salarié.es payé.es au smic sont des femmes ; 40% de pension de retraite (droits directs) en moins pour les femmes ; 59% des entreprises de plus de 50 salarié.es ne respectent pas la loi et n'ont ni accord ni plan d'action sur l'égalité professionnelle ; 0.2% seulement des entreprises ont été sanctionnées ; 2/3 des tâches ménagères sont réalisées par les femmes ; tous les 3 jours une femme meurt sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint ; 170 viols ou tentatives de viol par jour dont 8 sur le lieu de travail ; 20% des femmes victimes de harcèlement sexuel au travail.
En effet pour la classe dirigeante il n'y a d'autre issue que d'entraver le chemin vers l'égalité professionnelle parce qu'il conduit le travail des femmes hors des logiques de domination. Maîtriser la vie des femmes au travail repose de fait sur l’intermittence de la reconnaissance des femmes comme productrices. Dans le capitalisme, le travail productif est à la main des détenteurs du capital, qui entendent bien décider, eux, des moments où les femmes sont productrices et des activités dites productives. De cette façon la bourgeoisie sépare les femmes de leur travail. Elles sont « étrangères » à leur travail. Fonctionne dès lors à plein régime la mécanique capitaliste qui fait alterner une temporalité « dans le travail » et une autre « en dehors du travail ».
Ce « hors travail » capitaliste n'a rien de naturel. Il ne tombe pas du ciel. Il est fabriqué de toutes pièces. Et il est manié comme une guillotine qui nous coupe du travail. Vous êtes une jeune femme – et on peut l’être de 16 à 35-40 ans – alors pour vous c'est « avant le travail » et vous serez rangée dans la case « insertion ». « Dans un travail » il faut y persister. Vous êtes privée d'emploi « pendant le travail » alors vous serez placée dans le tiroir « chômeuses ». Vous rentrez à la maison et la catégorie « travail invisible » justifie la seconde journée d’activités domestiques. Et au terme de cette odyssée vous voici « retraitée » avec le badge « après le travail » pour ne rien avoir à redire. La violence sociale est bien là sous nos yeux puisqu'elle tient le travail à distance de nos vies, pour transformer en servitude cette dimension essentielle de nos existences.
Dans ces temps « hors travail », la bourgeoisie capitaliste construit les ressources qu'elle nous octroie comme le différé de la rémunération non consommée de notre travail productif : un prêt aux étudiants qui anticipe les remboursements qu’ils feront sur le supplément de salaire lié à leurs études, l’indemnisation du chômage ou la pension de retraite comme revenu différé de cotisations antérieures.
Elle entend déclarer producteur qui elle veut, quand et où elle veut et pour faire ce qu’elle veut. Nous ne sommes, en tant que personnes, titulaires d’aucun droit et d’aucune responsabilité sur le travail : nous ne décidons rien sur ce qui est produit, sur les investissements, sur les collectifs de travail, nous sommes séparés des fins et des moyens du travail. Notre reconnaissance comme producteur est suspendue à des activités dont nous n’avons pas la maîtrise. Notre rémunération est la mesure de ces activités, comme ces magasiniers d’Amazon dont l’activité, dictée par GPS, est la stricte mesure de leur salaire, ou comme tous ces jeunes diplômés embauchés sur des missions, avec des CDD de projet, etc…
Accéder au droit au salaire en tant que personne exprime alors la reconnaissance pleine et entière de la responsabilité des femmes dans la production. Il va sans dire que cette émancipation du travail des femmes s'inscrit dans toutes les batailles pour le droit au salaire de toute personne de 18 ans à sa mort, quel que soit son genre, son passé scolaire, son handicap, son emploi, son non emploi, ses papiers, ses mauvais papiers.
1948 : « À TRAVAIL ÉGAL, SALAIRE ÉGAL », Déclaration universelle des droits de l’Homme (3)
2022 : « À UNE VIE DE TRAVAIL, SALAIRE À VIE ».
Alors le 8 mars 2022 que vive et continue à grandir les luttes pour les droits des femmes.
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(1) Toutes les citations de l'interview sont en italiques – L'interview de Basta.media date du 9 janvier 2020 et s'intitule: Bernard Friot : un droit au salaire à vie pour « libérer le travail de la folle logique capitaliste »
(2) Chiffres - Gagner l'égalité professionnelle (cgt.fr)
(3) Egalité de traitement et différences de statut (cgt.fr)