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Billet de blog 8 juin 2013

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Les enseignements de Roland Szpirko sur la violence et les moyens de la combattre

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« 
Lors de la manifestation qui a mené à la préfecture de Compiègne dit Xavier Mathieu dans Continental, le récit de l'intérieur, l'idée n'était pas du tout de tout casser. Seulement quand on a appris la décision du tribunal qui entérinait la fermeture de l'usine, c'était la fin de l'espoir. De colère, j'ai poussé un écran d'ordinateur, une imprimante. Il y avait 200 personnes à l'intérieur de la préfecture et, en quatre minutes, tout a été explosé ».

En regardant la Saga des Conti, je vois Xavier Mathieu au téléphone lorsqu'il apprend la décision du tribunal, il pousse un juron et ce qui se trouve devant lui. A partir de cet instant, tous les objets à portée volent contre les murs. Je connais bien cette violence, elle me rappelle les lancers d'assiettes dans les cuisines quand on s'engueule en famille ou quand on apprend que l'on est victime d'une injustice ou d'une dégueulasserie. Ce genre de violence ne va jamais plus loin que des dégâts matériels même quand on est 200 à l'intérieur d'une préfecture et qu'on apprend une décision de justice qui aujourd'hui encore reste d'un point de vue juridique totalement inique. Il s'agit d'une réaction à un trop plein, comme quand le sifflet de la cocotte-minute se met à tourner avec fureur en crachant de la vapeur. Si j'avais été là avec les Conti, moi aussi j'aurais fait voler les pots de fleurs et les vases, sauf s'ils avaient été jolis. Cette violence-là je la connais, elle s'appelle la colère, cette violence-là je la comprends, c'est une réaction d'impuissance et de rage que je m'efforce d'éviter car elle me fait plus de mal que de bien et peut toujours avoir des conséquences malheureuses sur les autres. Pourtant à ce moment-là du film je me suis laissée avoir.

C'est la scène suivante du film et Roland Szpirko qui me remettent les idées en place. « Il faut les taper là où ça fait mal dit-il, il faut les taper au porte-feuille, le saccage d'une préfecture, ils savent gérer ». Xavier Mathieu la boucle, moi aussi, je me sens penaude, prise en flagrant délit de connerie.

Il ne faut jamais répondre à la violence par la violence, c'est un principe moral et aussi une stratégie, mieux que cela, c'est un chemin qui exige un effort et un courage extraordinaires. Accuser le coup, puis trouver les mots pour qualifier et récuser la violence subie. Il y a là une conversion et un travail auxquels mon milieu familial et social ne m'ont pas préparés. Dans mon milieu d'origine les femmes sont des robinets et les hommes des tombes, deux façons de taire l'essentiel et de mettre le couvercle de la cocotte dessus. Savoir dévisser le couvercle sans se faire sauter la caisse et cracher le morceau est un art extrêmement difficile que l'on apprend pas toujours à l'école. Cet art est pourtant essentiel, car c'est la condition de possibilité d'une parole humaine et juste et d'un monde sans exclu. « Avant, j'étais la grande gueule confie Xavier Mathieu mais c'était péjoratif. Là, je suis devenu celui qui parlait bien parce que j'osais dire les choses au directeur. »

Répondre à la violence par la violence c'est d'abord masquer la violence originelle et par conséquent faire le jeu des dominants qui auront ensuite toute latitude pour se poser comme défenseurs de la sécurité et l'ordre public. Répondre à la violence par la violence, c'est se figer dans un rôle de victime. Être victime d'une injustice ou d'une violence est un fait, être une victime est un rôle mortifère et un comportement pathologique qui interdisent qu'on se pose en acteur d'un combat à mener.

Voilà pourquoi tous ceux qui luttent contre l'extrême-droite et ses préjugés racistes, xénophobes et homophobes ne sont pas des extrémistes de gauche mais des résistants, voilà pourquoi il est faux et fautif de mettre dans le même sac l'extrême-droite et les idées fausses et haineuses du front national et ceux qui à gauche les combattent. En outre, si je comprends que l'on puisse parfois se laisser aller à casser de la vaisselle ou à proférer des noms d'oiseau quand la coupe est pleine, cette violence réactive est sans commune mesure avec la violence insidieuse, parfois légalisée qui pèse sur ceux qui travaillent comme le montre très bien le film de Jérôme Palteau, car cette violence provient non de la colère d'être bafoué mais de l'égoïsme institutionnalisé qu'est le système capitaliste dont la seule raison d'être est le profit et l'intérêt particulier. Elle a encore moins à voir avec la violence directe ou indirecte des discours et comportements d'extrême-droite qui s'attaquent aux personnes et dont l'origine est la haine.

Que tous ceux qui sont animés par la colère face aux inégalités et aux injustices trouvent la force et l'intelligence de répondre par des mots, des idées et des actions qui désarment leurs adversaires. Et surtout qu'ils ne perdent pas de vue que ce [ux] qu'ils combattent est animé par la haine et l'intérêt et non par l'amour de soi, des autres, de la vérité, de la liberté et de la justice. Ne pas être naïf et pourtant ne pas perdre espoir car « Dans ce monde, la haine n'a encore jamais dissipé la haine. Seul l'amour dissipe la haine. » Bouddha, Dhammapada 5

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