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Billet de blog 14 juillet 2013

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Les émotions démocratiques

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Quand j'étais à l'Hôtel-dieu près de la place Bellecour à Lyon , je me souviens que je profitais de la salle de soins qui donnait sur le Rhône pour regarder le feu d'artifice du 14 juillet. Au moment où la maladie m'excluait de facto du champ social actif, je gardais la conscience d'être reliée à ma patrie. L'Hotel-Dieu construit par l'archevêque de Lyon pour les pélerins au XII° siècle, racheté par la municipalité en 1478 a servi de centre hôpitalier et universitaire jusqu'en 2010. L'établissement où François Rabelais a été médecin de 1532 à 1535 a été vendu pour un euro symbolique par Gérard Colomb à Eiffage construction. Le site de 62.000 m2 qui abritait des malades et des universitaires sera transformé en un Hôtel 5 étoiles ainsi qu'en galeries marchandes.

Sous la présidence de Chirac et Sarkozy, je parvenais encore à mettre mon opposition entre parenthèse, même si c'était particulièrement difficile sous Sarkozy, pour laisser au 14 juillet sa vocation à être l'occasion de la réminiscence des souvenirs personnels ou collectifs qui ont construit mon identité de citoyenne française. L'affaire Cahuzac, les exactions du ministre de l'intérieur sur les roms, l'omerta ou l'immobilité des socialistes sur ces faits gravissimes ont définitivement et irréversiblement brisé la confiance que je portais dans nos institutions. Aujourd'hui je suis triste, car je suis sans cité : «  L'homme est un animal politique... et celui qui est sans cité... on peut le comparer à une pièce isolée au jeu de tric trac » écrit Aristote au livre 1 de la Politique.

Prendre acte de la fracture qui sépare la majorité des français de François Hollande et de tous ceux, socialistes et écologistes, qui continuent de soutenir sa politique, ce n'est pas jouer les rabat-joie ou les Cassandre comme le redoute Vingtras * , c'est faire preuve de lucidité. En prendre acte n'est pourtant pas suffisant, il faut encore en prendre la mesure. Ma tristesse et ma colère ne sont pas le résultat d'une déception mais d'une trahison. L'homme des 60 propositions à qui, malgré mes réserves, j'ai donné ma voix donner sa voix, ce n'est pas rien ! C'est déléguer son pouvoir ! - n'a pas échoué à mettre sa politique en œuvre, il ne l'a pas voulu. La ratification du TSCG en octobre 2012 a été l'acte fondateur d'une trahison que, ni le parti socialiste français ni le parti écologique qui y ont participé activement ou passivement, ne pourront, même s'ils le voulaient, se faire pardonner. Il n'est pas question de mélanger ici l'ordre moral et politique, mais simplement de comprendre que le salut ne pourra pas venir de ceux qui ont achevé nos institutions républicaines alors que nous savions qu'ils en étaient le dernier recours, exception faite du Front de Gauche.

La promesse de renégocier le traité comme la proposition de miser sur l'Education Nationale et donc sur la formation de la jeunesse française, ainsi que l'appel insistant et sans aucune ambiguïté de Jean-Luc Mélenchon à éliminer Sarkozy au second tour, ont été les trois éléments qui m'ont décidée à donner mon vote à François Hollande. Sous l'influence de Mélenchon, j'ai accordé ma confiance à Hollande un peu comme une femme mille fois trompée accorde une dernière chance à son mari 1000 fois volage, parce que son fils ou son meilleur ami vient lui rappeler les qualités qui l'avaient conquises. Déjà là, ce n'était plus en Hollande que j'avais confiance, mais dans le médecin qui m'explique que pour guérir, il faut utiliser un médicament désagréable aux nombreux effets secondaires.

François Hollande, ce binoclard joufflu, avec sa gueule de premier de la classe et sa misérable mentalité de comptable, à qui j'aurais sûrement collé des beignes s'il avait été avec moi à l'école, ne sait-il pas que la confiance ne doit pas être obtenue des seuls marchés ? L'oublier ce n'est pas seulement faire une erreur politique qui lui coûtera sa réélection et entraînera la mort du parti socialiste français, c'est par delà la destruction de son propre camp, laisser apparaître la véritable nature de ce pouvoir technocratique qui s'adresse non à des esprits pour les convaincre, non à des cœurs pour les persuader, non à des volontés libres pour emporter leur adhésion, mais qui traite les citoyens et les hommes comme s'ils étaient des choses ou des variables d'ajustement. La violence de ce pouvoir technocratique n'est pas celle de la force physique qui contraint les corps, c'est une violence indirecte et perverse qui ruine les esprits. Le bilan comptable que nous a servi le cerveau hypertrophié de ce président planificateur ne saurait être la substance d'un discours qui s'adresse à la nation, elle peut seulement en être un argument parmi d'autres. Le propre des technocrates depuis le 20° siècle , qu'ils aient mis en place la rationalisation du temps de travail, la déportation dans les camps de concentration ou d'extermination, c'est qu'ils appauvrissent la pensée en la réduisant à un calcul -le temps c'est de l'argent- et qu'ils anéantissent les esprits en les submergeant des slogans de cette pensée dénaturée, strictement rationnelle – Arbeit macht frei-. Heidegger dans la question de la technique a très bien montré les affinités profondes entre le système capitaliste et le régime nazi, car ils réduisent l'un comme l'autre, tout être vivant et naturel à un produit manufacturé. A n'en pas douter, ce sont de tels textes qu'Hanna Arendt s'est inspirée pour ses analyses du système totalitaire, ainsi que pour ses distinctions entre le travail et l'oeuvre qui structurent la condition de l'homme moderne, dont le propos est de revaloriser l'action et la politique et de mettre à leur juste place la production technique et le monde des objets.

Une franche tyrannie serait moins dangereuse pour nos esprits que le régime totalitaire sous lequel nous vivons. Que tous ceux qui comme moi éprouvent encore des émotions de tristesse et de colère se rassurent, elles sont le signe que nous sommes encore humains, et que nous ne sommes pas coupés du monde de tous ceux qui subissent la violence de ces esprits pervers, qu'ils soient humains, animaux, vivants ou minéraux. Ceux qui règnent sur nous, ne les éprouvent pas tant ils sont dans le déni de tout ce qui est humain.

« Nos misères nous rapprochent » écrivait Rousseau dans la seconde partie du discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes . Que la compassion que nous éprouvons pour tous ceux qui souffrent des méfaits des politiques perverses qui soutiennent un système économique inhumain et inique, soit le flambeau qui nous donnera le courage et l'intelligence de transformer ce sentiment de trahison en politique révolutionnaire de rupture !

A tous ceux qui reculent encore à sauter le pas , car ils pensent que les révolutions sont violentes, comme à ceux qui, tels Stéphane Alliès dans son dernier article (entre-hollande-et-melenchon-la-gauche-en-depression), considérent que Mélenchon et le front de gauche ne représentent pas une alternative à Hollande et Le pen, je dis, suivant ici l'exemple de Vingtras :

MERDE !

 *http://blogs.mediapart.fr/blog/vingtras/140713/la-retraite-sans-flambeaux,

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