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Billet de blog 16 juin 2015

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Ce que je pense de la dissertation en 3 parties

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J'ai l'habitude d'user d'un bon mot pour détendre les élèves de terminale que la perspective d'avoir à faire une dissertation en philosophie tétanise. Je vous le livrerai en fin de ce billet, mais ne le divulguez pas trop car vous me priveriez d'un stratagème efficace que j'utilise pour libérer mes élèves des affirmations erronées et parfois venimeuses dont les abreuvent les experts ou les historiens de l'éducation voire certains journalistes qui n'ont jamais enseigné la philosophie ni reçu la formation pour le faire.

Il me semble que les mieux informés pour rendre compte de la nature de la dissertation et des problèmes que posent sa rédaction aux élèves, ce sont les professeurs de philosophie qui enseignent cet exercice, corrigent des copies tout au long de l'année et lors du baccalauréat. Je fais partie de cette communauté et c'est pourquoi je répondrai ici aux fausses affirmations concernant cet exercice colportées dans ce journal même par Claude Lelièvre, fausses affirmations qui reviennent chaque année comme un boomerang en Une des journaux au moment même où les élèves que nous avons mis un an à former à cet exercice dans des conditions parfois impossibles se préparent à affronter l'épreuve de philosophie. Merci pour eux !

Je laisse de côté le récit historique de l'introduction de la dissertation dans l'institution scolaire, car il occulte l'essentiel, à savoir la pratique de cet exercice en classe terminale et en université depuis 1982 - date où j'ai passé moi-même le baccalauréat. Affirmer que la dissertation est un exercice en trois parties réductibles à la logique hégélienne thèse, antithèse, synthèse, comme le fait C Lelièveest une affirmation vaniteuse faite par quelqu'un qui n'a pas lu Hegel ou ce qui est pire, qui utilise son savoir pour frapper les imaginations au lieu d'éclairer les esprits.

Une dissertation, c'est la démarche d'une pensée qui s’efforce de dégager un problème - en partant d'une question posée par le professeur - puis de construire une réponse articulée et argumentée.

La dissertation n'est ni une question de cours ni un exercice formel en trois parties, car la dissertation n'est pas un exercice logique ou scolaire (formel) mais philosophique (critique) où seules deux choses comptent :

  1. la capacité d'un candidat à dégager des problèmes là où on se contente d'habitude de ressasser des opinions faites par le milieu dans lequel "on" baigne
  2. sa capacité à construire une réponse cohérente, claire et pertinente à partir des connaissances qu'il aura acquises en philosophie ou dans d'autres disciplines. Il n'y a en dissertation aucun critère formel pour définir l'exercice et moins encore pour l'évaluer.

La difficulté de l'exercice est donc ce qui fait son intérêt pour l'élève et le futur citoyen, puisqu'il s'agit d'exercer son jugement. Tous les lecteurs de Médiapart le savent, écrire, exercer son jugement, faire preuve d'esprit critique est un art difficile, qui demande patience, vigilance, maîtrise de soi. Faut-il pour autant en supprimer l'enseignement ? L'exercice de la dissertation a été supprimé en Histoire et en Lettres, il ne subsiste qu'à grand peine en philosophie et en sciences économiques et sociales. A grand peine car en philosophie nous avons perdu des heures d'enseignement précieuses vu notre tâche, dans les séries technologiques et techniques là où les élèves connaissent de grandes difficultés avec l'écriture mais aussi en série scientifique où il importe moins desormais de former des scientifiques sachant démontrer et penser que des ingénieurs capables d'appliquer des savoirs qu'ils auront ingurgités.

Les professeurs de philosophie ne sont pas les seuls à déplorer le recul de la formation du jugement, les professeurs de Lettres, d'Histoire Géographie mais aussi de Mathématiques, de Sciences Physiques et Naturelles le déplorent tout autant. Cela ne signifie évidemment pas que l'exercice de la dissertation ne puisse pas être modifié, par exemple en série technologique et technique mais ce sont aux professeurs de philosophie de mettre en œuvre ces modifications et non à Monsieur Gattaz qui se plaignait sous Sarkozy de ce qu'on enseignait Marx à sa fille en sciences économiques et sociales ainsi qu'en philosophie.

Le seul tort de cette discipline consiste moins dans ce qu'elle peut avoir d'éprouvant que dans le fait qu'elle n'est pas rentable et qu'elle est une occasion pour les élèves de se sevrer de la doxa dominante.

Ce que je pense de la dissertation en 3 parties de Claude Leliève ? Thèse, antithèse, foutaises !



Merci de prendre connaissance et de vous associer à l’appel des universitaires pour la défense de l'enseignement de la philosophie dans le secondaire.
Ce texte a déjà reçu le soutien des associations professionnelles et des organisations syndicales impliquées dans la reconquête des dédoublements en séries technologiques et du rétablissement des heures d'enseignement perdues en série scientifique.

Nous avons choisi symboliquement le jour de l'épreuve de philosophie pour convertir cet appel en vaste pétition publique que nous vous invitons d'ores et déjà, à signer et à faire signer.


L'appel sera transmis officiellement au ministère le 3 juillet, après avoir reçu le soutien le plus large possible.

Signer l’appel : appel-universitaires-philosophie-lycee.net

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