Je voulais juste donner mon sentiment à Mediapart sur leur article sur la journee de grève chez les profs le 26 janvier 2015, mais ayant lu les commentaires, j'hésite à me glisser dans ce flot d'injures et cette foire d'empoigne qui manque singulièrement d'objectivité.
Je voulais simplement dire que je m´étonne de n'entendre nulle part même pas sur Mediapart quels sont les faits, la réalité, les chiffres. On ne nous parle que des opinions des profs et du ministère. Alors on entend tout et n'importe quoi. Cela ne me semble pourtant pas si difficile à expliquer.
Je veux juste pointer quelques incohérences qui pour ma part minent la crédibilité que j'accorde à cette réforme. Une chose d'abord, je ne me plains ni de gagner moins, ni de travailler plus, aider mes élèves est ma priorité. Je suis bien décidée à réformer et à commencer par moi même et ma pédagogie. Je n'ai pas peur des heures de concertation et des changements de programme à tous les niveaux. Pourtant, je suis dans la confusion quant aux AP et aux EPI moi aussi. J'aimerais comprendre.
Les heures d'AP, personne ne le dit, ne sont pas des heures en plus des cours. Ce sont des heures prises sur le cours de maths, de SVT, de Français... Les élèves seront donc par exemple en classe tout ensemble avec leur prof de SVT : que sont-ils censés faire à part un cours de SVT ? Le A d'accompagnement, je le fais déjà à chaque heure de cours. Je ne suis pas assise dans ma chaire. Le P de personnalisé, je vois aussi, je le fais chaque jour par ma relation aux élèves, mes conseils et les activistes diverses que je leur propose. Je ne fais pas de cours magistral. Je fais des heures de soutien en petits groupes avec mes élèves en difficultés. Alors , AP, c'est quoi ? Je veux bien faire mais faire quoi ? Parlez-moi pédagogie, pas grillé horaire.
Les heures d'EPI, on ne le dit pas non plus, sont prises aussi sur les heures de cours. Chaque prof doit en théorie faire 20% de son programme sous forme d'EPI. Les exemples fournis dans les programmes ou sur le site du ministère sont irréalistes ou ininteressantes pour la plupart et ne couvrent non seulement pas du tout 20% du programme mais parfois pas même 1 %, comme l'EPI langue et cultures de l'Antiquité. L'Antiquité est au programme de 6eme, les EPI commencent en 5ème. Un EPI langues et cultures de l'Antiquité, c´est donc 1h par semaine de francais hors programme et 1h de latin sans programme, puisque il n'y en a plus. C'est ubuesque, non ? Qu'on m'explique.
Je crains que l'ensemble des ambiguïtes de la réforme et les difficultés de sa mise en place concrète ne créent une concurrence entre les profs pour ne pas que les AP et les EPI "tombent" sur eux. Je crains aussi que les 4h30 de français, par exemple, ne deviennent 2h30 de cours +1h de méthodologie déconnectée de toute matière +1h d'EPI mal conçu où les élèves passeront plus de temps à colorier leurs panneaux ou à construire leur maquette qu'à faire des recherches, rédiger, réfléchir...
Il est d'ores et déjà clair que nous n'aurons aucun dédoublement ou aucun co- enseignement dans mon école puisque pour maintenir le latin, 1h en 5ème et 2h en 4 eme et en 3eme, il faut puiser dans les heures de marge(2h45 par classe), heures qui servent aussi à dédoubler les classes.
'Telles que les choses sont présentées dans l'article, on croirait que l'AP, les EPI, le latin ce sont des heures en plus pour les élèves. Le ministère rusé les appellent il est vrai, "enseignements complémentaires et de complément." Il laisse ainsi entendre que le programme est fait hors de ces dispositifs. Or, il n'en est rien. D'ailleurs, il serait impossible de faire le programme de français en 2h30, d'autant qu'il n'a pas été allegé contrairement à ce qui avait été annoncé.
Alors après 20 ans d'enseignement, j'en arrive à la conclusion de tant d'autres avant moi. Ne rien attendre du ministère. Ne pas y prêter trop attention. Lire des livres de pédagogie, me documenter, réfléchir, essayer, m'adapter, être à l'écoute, innover mais seul, très seul, toujours seul. Car oui, il y a bien un quart de mes élèves de collège qui ne maîtrise pas la lecture et je ne peux pas vivre avec ça. J'avais espéré beaucoup de cette reforme. Dommage.