Mercredi 11 février, nous avons suivi les élections israéliennes en famille. Selon les différents sondages réalisés par les medias israéliens à la sortie des bureaux de vote, il semble que ce soit Tzipi Livni qui remporte les élections législatives israéliennes.
Les chiffres du sondage Rafi Smith :
- Kadima : 28 sièges
- Likoud : 26 sièges
- Israël Beitenou : 16 sièges
- Travailliste : 14 sièges
Les chiffres du sondage de la première chaîne de télévision :
- Kadima : 30 sièges
- Likoud : 28 sièges
- Israël Beitenou : 14 sièges
- Travailliste : 13 sièges
Les chiffres du sondage de la seconde chaîne de télévision :
- Kadima : 29 sièges
- Likoud : 27 sieges
- Israël Beitenou : 15 sièges
- Travailliste : 13 sièges
Le taux de participation atteignait les 65% à 24h, dépassant celui des élections de 2006.
Le scénario qu’aucun sondage n’avait prévu vient de se réaliser. Il y a quinze jours encore Binyamin Netanyahu était donné gagnant de ce scrutin, mais la chef du parti Kadima, Tsipi Livni, créée la surprise.
Selon les premières estimations de la seconde chaîne de télévision israélienne, Kadima est crédité de 29 sièges et le Likoud 27.
Le troisième partie politique serait Israel Beiteinou (Israël ma maison) d’Avigdor Liberman avec 15 mandats devant Havoda, le parti travailliste qui n’obtiendrait que 13 sièges.
Le parti religieux Shass est crédité de 10 mandats est crédité de 4 sièges, Ihoutd Haléoumi, : 3 mandats, Taal Raam,: 3 et Balad 3 sièges. Le parti des retraités obtiendrait qu'un siège. Selon toutes les estimations des différentes chaînes de télévision, les tendances sont claires :
Livni est en tête de deux mandats, le parti travailliste est le grand perdant de ce scrutin.
Pour la première fois dans l’histoire d’Israël, le parti fondateur de l’Etat devient la quatrième formation politique.
Si Avigdor Liberman peut se réjouir des résultats de ces élections, il n’obtient que 15 mandats ou 16 mandats, un peu plus qu'auparavant.
Le parti Méretz est aussi un perdant avec seulement quatre sièges.
A savoir qui va être chargé de mener le gouvernement... Rien n'est encore vraiment fait...
Quel va être le choix du président Peres.
Nous nous disons que ces élections ont vraiment été de "drôles d'élections".
Des élections malades de la guerre...
Les Israéliens pour la grande majorité craignent l'avenir...
Une population qui construit sa vie au jour le jour sur une névrose non avouée.
Vers 22 heures Raheli, une amie d'origine française, mère de famille, m'a téléphoné ce soir d'Ashdod, une ville du sud, victime des tirs du Hamas pendant l'opération "Plomb durci", une ville proche habituellement du Likoud.
Elle me raconte cette journée d'élections sous la pluie, jour férié en Israël, sa balade entre le Canyon noir de monde (centre commercial) et la Tayelet (promenade au bord de la mer), l'état d'esprit sur place : « Tu sais, le monde entier nous voit comme des monstres alors que les terroristes du Hamas ne veulent qu'une chose nous rayer de la carte. Si on les laisse faire quels seront nos lendemains et ceux de nos enfants. Maintenant que nous nous défendons, c'est nous les monstres, c'est trop fort ? Non ?"
Je lui dis que même si je suis sioniste et attachée profondément à Israël, nous sommes obligés de faire des concessions car sinon il n'y aura pas de paix envisageable avec les Palestiniens. Et que nous devons faire la paix, pour nos enfants.
Elle n'ose pas me réprimander car nous sommes amies et nous nous sommes toujours beaucoup respectées, mais je sens bien à sa voix qu'elle ne partage pas tout à fait mon opinion...
"Tu verrais si tu étais à ma place, si tes gosses n'allaient plus à l'école et courraient tous les jours se réfugier dans les abris, tu crois que c'est une vie ?" me lance-t-elle.
Je sais ce qu'elle ressens. J'essaye de la comprendre.
Je lui réponds : "Raheli, ne me dis pas que tu as voté pour ce trublion de Libermann"?
(Silence)...
"Non, j'ai voté Livini, une femme honnête qui ne veut pas se compromettre."
Je me demande alors jusqu'à quel point Tsipi Livni refusera de se compromettre, acceptera-t-elle de mener une politique commune avec Liebermann, qui a remporté ce soir près de 16 sièges à la Knesset.
Un Liebermann qui surfe sur la vague du sécuritaire, un Avigdor Liebermann, faiseur de roi.
Cela ne me dit rien de bon pour les années à venir.
Par réflexe sécuritaire, l'Etat hébreu se replie sur lui-même chaque jour davantage.
Les Palestiniens,eux, ne font pas mieux.
Cette peur des voisins palestiniens y devient presque incontrôlable.
Il y a longtemps que les deux peuples ne se connaissent plus. Mais d'ailleurs se sont-ils connus un jour ?
Je ne sais pas. Je ne sais plus.
La muraille de béton construite autour de la Cisjordanie les a sûrement coupés l’un de l’autre.
L'opinion israélienne s'est divisée pendant des mois sur ce sujet d'ailleurs.
J'étais en Israël à l'époque, les débats télévisés étaient assez mouvementés, manifestations, et puis rien.
Le mur se dresse fier coupant les champs, séparant parfois les familles ou les amis.
Le mur se dresse fier coupant les champs, protégeant les Israéliens des terroristes.
"Le mur de la honte" me hurlait ma copine Yudit proche de Hadash.
Pour certains ce mur est le mur de l'éloignement. Pour d'autres ce mur est le mur de la sécurité. Pour d'autres encore c'est le mur de la honte.
"Je ne sais pas si un Français, qui n'a jamais été confronté ni au terrorisme ni à la guerre, peut comprendre ?", me questionne mon amie Raheli.
"Je ne crois pas enfin j'en sais rien en fait".
Peur quand tu nous tiens...
Cette angoisse des Palestinien s'est cristallisée et s'étend même aux Arabes israéliens.
Il y a quelques mois, des députés, dont un travailliste, ont demandé que deux des quatre partis arabes de la Knesset, le Balad et la Liste arabe unifiée-Taal, ne puissent présenter de candidats aux législatives. La Cour suprême, ce bastion de l’Israël démocratique et non religieux, les a déboutés.
Les tensions montent au sein de la société israélienne.
La situation est complexe, les Arabes israéliens, descendants des Palestiniens qui sont restés dans le pays en 1948, refusent pour d’être vus par certains politiques comme des étrangers sur leur terre de naissance. On peut facilement le comprendre.
Dans les premiers jours de la guerre de Gaza, nombreux Arabes israéliens brandissaient le drapeau israélien et palestinien lors d’une manifestation à Tel-Aviv en faveur de la paix. Beaucoup d'Israéliens ont du mal à comprendre et considèrent ce genre de manifestants comme "la cinquième colonne", "les traitres parmi la nation".
Je peux le comprendre aussi.
Ma copine Yudit qui vit à Haifa avec un Arabe israélien, le suit souvent dans certaines réunions politiques. Elle défend des opinions d'extrême gauche, que moi-même pour les plus extrêmes, de mon point de vue, je ne peux envisager pour l'Etat d'Israël...
Cependant je respecte son opinion et je n'ai aucun problème à parler avec son ami. Il nous arrive parfois de tomber d'accord. D'autres fois en revanche, nous nous avons des discussions bien plus animés.
Mais qu'importe ? Ce n'est pas grave, discutons, parlons, aux débats citoyens... Il vaut mieux communiquer que de prendre les armes.
Nous éviterons peut-être ainsi les travers du populisme.
Le problème de cette campagne électorale, c'est qu'il n'y a pas vraiment eu de campagne et qu'elle s'est révélé du reste d'un ennui terrible.
Les perdants de cette soirée sont certes le parti travailliste, mais le plus grave encore, les populations les plus précaires, frappées durement par la crise.
A la maison, nous avons tous beaucoup parlé ce soir, le français se mélange à l'hébreu, nous avons échangé nos avis, nous avons partagé nos espoirs pour cette terre que nos grands-parents croyaient promise ou pour cette terre qu'on leurs avait tellement promis après l'horreur des camps de la Mort.
Cet espoir que je porte tant en moi encore.
Cette attachement profond à cette terre...
Que va-t-il donc se passer demain ?
Quelque soit le vainqueur, dans cet Israël des paradoxes, le futur Premier ministre devra composer avec les partis religieux et/ou les partis de l'extrême droite laïque, un présage qui semblent des plus sinistres.
En allant me coucher, je préfère me souvenir que le pessimisme est un luxe qu'un juif ne peut jamais se permettre.