...sa mère avait été parfaitement claire « hors de question de débourser le moindre sou pour quelques grammes de soie et de tulle, un tailleur fera parfaitement l’affaire…et tu pourras le remettre » Sens pratique, jugement sans appel.Anne avait 26 ans et envie, pour son mariage, de dentelles et de rubans, d'une robe hollywoodienne…seule alternative : s’offrir SA ROBE.Elle finit par dénicher une minuscule boutique du côté de l’Eglise de la Trinité.Pas d’essayage en famille…juste sa meilleure amie pour conseillère.La boutique était sombre. Elles furent accueillies par une femme sans âge, trop parfumée, un trait de crayon noir sur les paupières, les lèvres peintes en vermillon…qui les entraîna vers le fond de la boutique. Là sur des portants étaient suspendues des robes merveilleuses, irréelles, mousseuses… débauche de tulle, de taffetas, de velours, de mousseline et de soie.L’endroit ressemblait aux coulisses d’un vieux théâtre oublié de tous. Un sofa de velours rouge trônait au milieu de la pièce, un paravent laqué et incrusté de nacre, un miroir psyché ouvragé dans un angle.La vieille maîtresse des lieux fit parler Anne un long moment puis avec un sourire malicieux s’éclipsa quelques instants.Elle revint portant dans ses bras une robe ivoire et expliqua « cet endroit jeunes dames, j’y ai passé pratiquement toute ma vie. Ces murs ont vu défilé de très nombreuses femmes, maîtresses, comédiennes, danseuses… Certaines robes pendues ici ont déjà été portées avant de revenir dans ces murs…d’autres attendent patiemment leur moment ".Elle tendit la robe à Anne et lui désigna le paravent … " ôtez tout ce que vous portez, jeune dame, cette robe exige votre peau nue et rien d’autre "Anne s’exécuta et puis se dirigea vers le miroir les yeux mi-clos…Et elle se vit….La robe était une pure merveille. Un fourreau de dentelle de Calais champagne et une cascade de tulle à partir des genoux. Une robe de femme fatale." Cette robe est ancienne, montée, cousue comme seulement les grands couturiers le font encore " expliqua encore la femme. Il y a à l’intérieur du fourreau, un corset baleiné qui permet de maintenir votre taille et votre buste.La femme, quelques épingles pincées entre ses lèvres, ajusta la robe." Elle sera prête dans deux semaines ".La robe était fabuleuse certes, mais Anne devait mettre un terme à ce rêve. Aucune étiquette sur la robe, mais il était clair qu’elle n’avait pas les moyens d’une telle folie." Quelque chose vous tracasse, jeune dame ? "…en effet....Effectivement il y avait un problème, un os...et un gros.Anne se regarda une dernière fois dans le miroir. Il fallait qu’elle redescende sur terre, cette robe superbe n'était pas pour elle."Et bien...merci Madame, mais je n'ai absolument pas les moyens d'une telle folie".
La femme qui venait de visser une cigarette dans son porte-cigarette en nacre, sortit un briquet en or. Elle alluma sa cigarette et fit claquer le briquet en le refermant...."Foutaises, pures foutaises !" répondit-elle en exhalant une longue bouffée de fumée...
To be continued…