Est-il encore possible de vivre dans ce monde là… Comment vous expliquer?
Hier il y a eu une magnifique fulgurance dans cette histoire sordide: un homme, un père d’une dignité inimaginable a prononcé les plus belles paroles qui se puisse imaginer, lui le père de l’un des soldats, il s’est adressé à la mère du tueur et lui a exprimé sa solidarité: “tenez-bon madame”.
Cette image m’a poursuivie, je m’y suis raccrochée de toute la force de mon désespoir devant tous ces êtres jeunes saccagés y compris le jeune tueur, je ne lui en voulais même plus j’étais là au milieu d’un gigantesque gâchis d’enfants morts et de jeunes gens avilis par la haine et la guerre… Alors cet homme était le visage de l’humanité auquel je m’accrochais.
Pour écrire ces quelques lignes, j’ai cherché son nom, j’ai cherché le nom des soldats exécutés à Montauban, la description de l’enterrement et de l’hommage de la nation. Impossible de retrouver les noms, il n’y avait plus que ceux de Sarkozy, Eva Joly, Marine le Pen, François Hollande. la campagne électorale cette campagne de merde avait repris ses droits.
Et ce pauvre type qui nous la joue président, caricatural à force de névrose de puissance, en profitait pour inventer une nouvelle répression: il fallait surveiller les sites terroristes comme ceux des pédophiles… Toujours M le maudit, organiser la traque de “l’ignoble” pour que rien ne change…
Au point que je ne pouvais m’empêcher de penser à l’attentat terroriste de 1994-95, une campagne électorale, les mêmes et on recommence j’ai écrit un texte en tentant d’éviter le complotisme qui ne manquait pas de surgir à l’énoncé des ressemblances parce que j’ai peur d’engendrer encore plus de mal, encore plus de ces imbéciles qui ne font pas de politique mais se prennnent pour de grands géostratèges quand ils débusquent “les maîtres du monde”…
Penson à lui… Je ne trouve pas ce nom, mais j’ai devant moi ce magnifique visage serein qui pense d’abord à la douleur de l’autre au nom de la sienne. Existe-t-il encore des gens comme ça ? Ou sommes-nous condamnés à cette efficacité de l’inhumanité et de la représentation à laquelle se limite le politique aujourd’hui: créer des camps, faire grossir le sien avec des comportements d’avare, de tueur, un ring et la foule des supporters qui hurle comme pour faire oublier que rien n’a changé, tout s’est aggravé, le sang pisse et la foule hurle de bonheur. créer des mannequins pour la haine et des faux pour bréviaires…
La guerre se poursuit en Afghnaistan, on y tue des enfants et on y apprend la haine qui tue d’autres enfants qui n’y sont pour rien, et pas un seul candidat ne va dénoncer cette horreur de peur de perdre un point dans les sondages. La guerre menace avec des interventions en Syrie, en Iran. La torture s’étend dans la Libye libérée mais les champs de pétrole sont ouverts et l”ingérable Khadafi n’est plus là pour dénoncer les secrets. Des intervention qui n’arrageront rien au contraire, aucune intervention occidentale n’est faite pour porter la paix au contraire.
Rien ne change en Israël, du meurtre de petits enfants, certains toujours les mêmes n’ont vu que l’occasion de renforcer leur répression contre le peuple palestinien, moi je suis hantée par cette petite fille blonde qui me resxemble étrangement enfant. Ma petite soeur, mon petit enfant tu ne seras donc morte que pour légitimer la haine? Pour que des imbéciles écrivent des saloperies accusant Charles Ederlin d’être à l’origine de ton martyre parce qu’il a osé dénoncé la mort du petit Mohamed. Mort que je n’ai jamais oubliée, cette solitude d’un père devant un mur avec un petit cadavre d’enfant sur les genoux, image abominable à laquelle répond comme en écho celle de cette petite fille traquée dans une cour d’école, tirée par les cheveux et executée à bout portant. Suis-je donc la seule à vous porter ensemble dans mon coeur ? Et comme en écho à ces minables racistes qui refusent de pleurer un crime et sélectionnent celui qui conforte leur camp il y a d’autres ordures qui se répandent sur le net en disant “quand on tue un juif c’est toute une histoire, mais quand on tue un arabe il n’ya pas un mot”.
Belbel disait que l’antisémitisme était le socialisme des imbéciles, il y a là effectivement une haine de classe qui a pris la Palestine pour abcès de fixation, tout le racisme, toute l’injustice dont sont victimes les maghrébins, les Antillais sur le sol de France, ils l’attribuent aux juifs au point de n’éprouver que contentement devant la mort d’un enfant juif. Alors accrochons-nous à ce visage lumineux d’un père dont l’enfant a dû s’engager dans les combats de l’Afghanistan pour avoir sa place dans une nation xénophobe qui n’a jamais coupé avec la colonisation. Ce père qui salue la mère de celui que l’armée française a refusé et qui est aussi parti en Afghanistan et en est revenu la tête folle d’images atroces au point d’avancer lui-même avec une caméra et des armes jusque dans cette cour d’école.
Et ne nous faisons pas d’illusion si Melenchon monte dans les sondages ce n’est pas parce qu’il est communiste, ce moment limuneux où l’on pouvait être français au nom de l’internationale, anticolonialiste, anti-exploiteurs sans pratiquer le négationaisme, sans se taire devant la guerre quitte à perdre des voix. je me revoie encore enfant en pleine guerre d’Algérie, le dépot de pétrole de Mourepinane dans les quartiers nord explosant et les communistes proclamant la paux en Algérie, qu’est qu’ils ont perdu comme électeurs ce jour-là… Malenchon c’est autre chose, le canda dry de ce que furent mes combats… Il y a du positif dans ce ralliement parce que cela veut dire que la colère qui monte reste canalisée dans le jeu électoral. mais quand le jeu électoral ressemble à une défilé de pompom girl, est-ce que chacun n’avance pas avec une camera sur le ventre. Sur mon mur face book durant ces jours de douleur, je recevais des photos de la manifestation de la Bastille. Moi qui avais connu la joie des défilés avec les copains, ces visages hilares, ces foulards, drapeaux et poses m’étaient totalement étranger, comme des confettis et des langues de belle-mère sur le cadavre de gens que je pleure.
Et pourtant il faut que je m’accroche à cette idée, à ma France, ma france imprévisible… Je pense encore à cette immonde campagne électorale de 1994-95, ces attentats, les mêmes à la manoeuvre et sur quoi tout cela a débouché sur le grand mouvement de 1995. Juppé disant “on va vous expliquer” et Bourdieu lui répondant “Ils cont compris, ils n’en veulent pas”… La france, ma France a été un des rares pays à refuser le néolibéalisme, la plupart des autres baissaient la tête… ils ne se sont pas laissé avoir par le chantage à l’attentat… Pour moi la vague pro- melenchon c’est à la fois cette france-là, la mienne et la trahison dans l’ombre des tractions qui préparent la participation aux gouvernement des privatisations… Alors je repense à ce visage lumineux “Tenez bon madame, on y arrivera!” Oui mais il faudrait une force pour ce peuple là, qu’il ne se laisse pas bouffer par les carriéristes, ils sont déjà là…
le pire a été quand j’ai reçu une proclamation de Maxime Vivas en faveur de melenchon, Toulouse, Grand soir et le négationnisme, dire que j’ai eu quelques liens avec ces gens-là… je n’ai pas été ailleurs je suis restée seule sur les ruines d’un idéal… Certes Melenchon a choisi d’affronter marine Le Pen et c’est bien mais avec la rouerie d’un politicien qui sait exciter la meute sur les fondamentaux sans toucher à ce qui fâche réellement, par exemple la dénonciation de la guerre. D’ailleurs ça piaffait autour de moi, sur mon mur: “arrêtons de parler de ces tueries ça fait monter sarkozy, revenons sur ce qui est important la dénonciation de la crise, des banquiers, etc..; mais surtout pas l’euro, l’Europe…” Et en plus d’un strict point de vue de la tactique électorale ils n’avaient pas tort. Je recevais des textes qui me donnaient la nausée, il fallait protester contre le fait que le maire de marseille UMP n’accordait pas la plage du prado. Et moi, j’étais effondrée de douleur et je devais subir cette propagande… Comme en quarante… mais peut-être avais-je tort…
Rien n’avait changé, la crise était là, les chômeurs dans les cités chercheraient encore et toujours des boucs émissaires jusqu’à ce qu’un jeune Mohamed se prenne pour le Che guevara des banlieues, tandis que sur le net des abrutis inventent qu’il y a un complot des juifs y compris en faisant du protestant Rockfeller un juif… D’autres moins primaires soutiendront des campagnes contre la loi Gayssot et relayeront la volonté de l’extrême-droite de banaliser la Shoah. J’ai vainement cherché la moindre allusion à ce massacre d’enfants à Cuba, dans les reflexions de Fidel castro, il ne parlait que de celui d’ Afghanistan, que du danger de risque nucléaire avec l’intervention en iran. Il avait raison sur ces derniers points mais une fois de plus il avait choisi son camp celui de la négation de ce qui frappait les juifs, une petite fille juive pouvait mourir, elle n’esistait pas de toute façon. Et la petite fille juive en moi pleurait comme elle pleurait quand des juifs immondes voulaient nier la mort du petit Mohamed.
Rien n’a changé, l’islamophobie sous la fausse unanimité a encore avancé en France sans que pour autant les juifs en bénéficient : le racisme ne se divise pas. Et il me faut encore subir cette amie juive pied-noir qui me téléphone et me dit: “tu as vu c’est un arabe et toi qui les défend!” Et à Montauban espèce de conne, c’est qui qui est mort? Huereusement il y a Dajouida qui n’y comprend rien en politique et dit “la palestine n’a rien à voir avec ça… imagine que quelqu’un vienne dans la cour de l’école et traîne maya par les cheveux et l’exécute”. Faut-il ne plus faire de politique pour être humain?
Alors je repense à ce visage lumineux, à ce mouvement de 1995 qui a été trahi, je suis montée à la tribune du comité central et j’ai exigé que l’on explique pourquoi les communistes préparaient en sous main la participation gouvernementale, le plat était trop chaud alors on inventait qu’il ne “fallait pas corseter le mouvement populaire”, la mutation.. J’ai été une fois de plus totalement inefficace, seule..; je n’ai pas le moindre sens politique…
C’est fini, je suis seule, les camps sont construits, les fortifications élevées. toute ma vie j’ai fait un rêve, les nazis venaient me chercher, j’étais pétrifiée et je n’avais même pas la force de m’enfuir. A chaque fois le décor changeait, un jour j’ai rêvé que j’étais au coeur d’un bombardement, quelque chose comme Dresde pendant la deuxième guerr mondiale. j’étais dans une cathédrale éventrée et je ne sais pourquoi je piochais dans les murs en ruine et je trouvais des poupées, des stocks de poupées nues, aux cheveux hérissés et je les ramenais à poignée… J’en suis là, dans un monde en ruine, je erre comme une folle solitaire en ramenant à moi des bras et des jambes d’enfants massacrés… Au loin une lueur, cet homme dont je n’ai pas pu retrouver le nom et qui interpelle la mère de l’assassin de son enfant et lui dit “tenez bon!”
Mon cher peuple français de quoi seras-tu capable ?
Danielle Bleitrach