estrella

Abonné·e de Mediapart

19 Billets

0 Édition

Billet de blog 24 mars 2012

estrella

Abonné·e de Mediapart

L’’américanisation de la France et de l’’Europe : vers la fascisation ? par danielle Bleitrach

estrella

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

un ami expédie un texte que j’avais écrit en juillet 2008 et qui est toujours d’actualité y compris en ce qui concerne les manipulations sécuritaires et les enjeux qui dépassent le cadre actuel de la campagne présidentielle. Vous remarquerez une fois de plus la référence aux modifications intervenues dans le cadre d’une autre campagne présidentielle celle de 1994-95 avec les attentats du GIA sous la direction des mêmes Sarkozy et Guéant. Simplement la crise s’est encore aggravée et témoigne de la vulnérabilité française dans ce cadre de financiarisation et d’intégration militaire et économique aux Etats-Unis. malheureusement désormais ceux qui s’opposent à l’euro et à l’intégration européenne le font en France sur des bases fascistes et rétrogrades. je ne cesse de répéter que le fascisme ne se limite pas au Front national, celui-ci joue un rôle de répulsion et d’éclaireur. la fascisation, la récherche de l’ennemi intérieur et le développement guerrier à l’extérieur témoigne malheureusement d’une nébuleuse beaucoup plus large et beaucoup plus opératoire pour un capital à la recherche d’une force capable de diviser les masses en lui laissant les coudées franches. (Danielle Bleitrach)

3 juillet 2008

La France inaugure une présidence européenne dans des conditions un tantinet brouillées par le « non » irlandais. Une présidence européenne de six mois nest en général quun moment éphémère par rapport aux lenteurs bureaucratiques du monstre quest lUnion Européenne. Au titre des obstacles à la présidence “harmonieuse”, il y a le refus des peuples de la dite Union européenne, au premier rang desquels les Français de plus en plus eurosceptiques. Mais la prise en compte des exigences des citoyens nest pas le problème de Sarkozy, il y a des intérêts puissants.

La machine est monstrueuse, lourde, opaque, mais elle est lancée sur des rails et elle prend de la vitesse sans que personne ne paraisse sapercevoir vers où et vers quoi nous conduit cette charrette fantôme : aux côtés des Etats-Unis. Pour la plus grande gloire des multinationales, nous allons vers la guerre au reste de la planète pour lappropriation des ressources et vers la traque de lennemi intérieur. Une logique paranoïaque du choc des civilisations. Et là-dessus il semble y avoir entente tacite entre les forces politiques, la droite et le PS, mais aussi les petits partis satellisés, les Verts mais aussi les communistes de toutes obédiences, le PCF comme la LCR pour parler dautre chose.

1 – Sarkozy nest que lhomme dun capital financier de plus en plus intégré aux Etats-Unis.

Est-ce un hasard si la crise des sub-primes a débuté dans une banque française BNP-Paris Bas ? La finance française est totalement engagée dans les fonds dinvestissements situés aux Etats-Unis. Les enquêtes du FMI placent depuis 2005 la France en quatrième position mondiale par le volume des investissements financiers qui sont placés dans le monde. Dans les années 1960, le gaullisme a favorisé cette vocation mais ce sont les années Mitterrand qui ont vu un effort de lEtat : financement public massif et action de restructuration pour la compétitivité mondiale, déréglementation financière des marchés et consolidation du capital financier (Bérégovoy). Le tout dans un contexte de chômage massif et durable et dacceptation des inégalités sociales. Nous avons donc eu à partir de ce moment une logique qui ne cesse de saccentuer et qui entraîne laffaiblissement du capital industriel, une innovation technologique de plus en plus limitée aux secteurs financés par fonds publics et un développement du capital financier parasitaire. La classe dominante française préfère placer ses capitaux au gré des spéculations financières complètement opaques. Si lon veut comprendre lUnion européenne et son actuel président, il faut se référer à cette réalité et pas seulement à son métissage pro-israélien vrai ou supposé. Sarkozy est lhomme du capital financier français. Il est à ce titre complètement intégré au capital étasunien et à ses stratégies planétaires. Les récentes crises à lintérieur du patronat français ont témoigné du déclin du capital industriel au profit dune alliance entre le secteur financier, les clients de lEtat et les services, le tout vers cette accélération atlantiste.

Le divorce entre le peuple français qui subit une situation de plus en plus défavorable et ses élites est noté par lhebdomadaire The Economist qui sétonne du divorce croissant entre lopinion des citoyens français dont une minorité seulement déclare que léconomie de marché est le meilleur système économique et les innovations financières de classe mondiale réalisée par les élites françaises grâce à une formation scientifique dexcellence dans les grandes écoles (1) On retrouve, cest naturel, le même divorce entre lEurope et les Français (2). Ce mécontentement a tendance à sétendre à dautres pays européens.

2 – LUnion européenne devrait devenir une zone de libre échange des Etats-Unis ?

Voici à ce propos ce que déclare la motion présentée par le Sénateur du PS, Jean-Luc Mélenchon au Congrès de ce parti quil accuse de faire opérer un virage dintégration économique mais aussi géostratégique, la défense de lOccident et de ses intérêts contre tous les autres, derrière les Etats-Unis, sans que cela ait été jamais débattu au sein du PS. Jajouterai quaucune force politique jouissant dune audience médiatique, y compris le nouveau chouchou des médias français, Olivier Besancenot, ne met en débat devant lopinion publique. Il est probable que celui qui parle de cela sera aussitôt censuré par le système, condamné à la marginalité dinternet.

« La gauche démocrate en Europe sest en effet engagée, en accord avec la droite européenne, dans la construction dun futur « grand marché transatlantique ». Ce projet avait été mis en échec par le gouvernement de Lionel Jospin en 1998. Mais il a été relancé en 2006 par deux rapports dont lun défendu par une députée européenne du SPD en faveur dun « grand marché transatlantique sans entraves en 2015 ». A lépoque les députés européens de notre parti sy sont opposés. En mai 2008, une nouvelle résolution favorable à un marché commun transatlantique a été adoptée par le Parlement européen. » Cette fois, la quasi totalité des eurodéputés PS français lont soutenue et ce, comme le note le sénateur du PS Jean Luc Mélenchon, sans quil y ait le moindre débat au sein du PS français.

« Le projet de grand marché transatlantique prévoit la création dune zone de libre échange pour les services, lélimination des barrières douanières, technique et réglementaire au commerce, la libéralisation des marchés publics de la propriété intellectuelle et des investissements. Il engage lEurope dans une promotion fanatique du libre échange au niveau mondial comme le montre la déclaration commune du sommet UE-USA du 10 juin dernier : « nous résisterons au sentiment protectionniste à lintérieur et nous nous opposerons au protectionnisme à létranger. Les modèles du libre et juste échange et de linvestissement ouvert sont les piliers de la croissance économique mondiale ». Il consacre lévolution de lUnion européenne vers une vaste zone de libre-échange uniquement motivée par la libre circulation des biens et des services.

« De plus, ce marché commun na pas seulement un objectif économique. Il est officiellement présenté comme la « base propice à létablissement ferme du partenariat transatlantique, qui permettra à l Union et aux États Unis de relever ensemble les défis politiques et économiques mondiaux ». Il est même proposé de créer à terme une véritable « Assemblée transatlantique ». Cest donc un projet politique de grande ampleur impliquant des Institutions communes aux deux côtés de lAtlantique.

Car si nous voyons bien son objectif économique, nous voyons aussi sa signification géopolitique. Il donne corps au projet de formation dun « Occident politique » voulu par la doctrine américaine du « Choc des civilisations ». Telle est la ligne adoptée par de très nombreux dirigeants européens et en France par Nicolas Sarkozy. Cette vision géopolitique repose sur lidée que lhégémonie de « lOccident » est mise en cause et quil faudrait répondre au phénomène par une intégration croissante des nations « occidentales » sur le plan économique comme militaire.

3 Lennemi est partout, du choc des civilisations aux émeutes urbaines en passant par les épidémies

Il est normal que dans une telle logique, comme nous lavions noté dans un précédent article, la France et lEurope se donnent un système de défense-sécurité correspondant, totalement intégré à lOTAN mais qui désigne clairement lennemi extérieur et intérieur.

Larticle 5 de la Constitution prévoit que le président de la république est chef des armées. Le nouveau livre blanc sur la Défense va plus loin. Sarkozy, qui regrette visiblement de ne plus être ministre de lintérieur, a adjoint à ce rôle de chef des armées, donc de la Défense, celui de grand coordonnateur de la Sécurité. Le domaine réservé du président de la république nest plus seulement en priorité la Défense et les Affaires Etrangères. Avec la création du Conseil de Sécurité Nationale qui supprime la différence entre Défense et Sécurité, le chef des armées redevient premier flic de France.

Cette réforme prend tout son sens dans le contexte présenté par le Livre Blanc, celui dune création dune Défense européenne intégrée à lOTAN. Si la Défense européenne indépendante avait été le but, avant dannoncer cette nouveauté de la suppression de cette frontière entre Sécurité et Défense, il aurait fallu au minimum sentendre avec les autres nations européennes pour voir si leur conception de la sécurité saccommode avec la notre. Mais il est clair que cela nest plus utile si la référence commune, admise par les gouvernements européens (sur 27, 20 dentre eux sont membres de lOTAN) est effectivement lOTAN sous directive européenne. Comme le notait Pascal Boniface en annonçant ce Livre Blanc : . « Le cadre des relations France-OTAN a dores et déjà été clarifié. Tant le président que le ministre de la défense ont affirmé assez explicitement leur acceptation de voir la France réintégrer lOTAN en échange dune européanisation de celle-ci. Reste à connaître la réponse de Washington. » Elle a été enthousiaste et G.W Bush sest félicité de ce retour français, a accueilli avec enthousiasme lidée dune Défense européenne.

A propos de labandon de la doctrine de la dissuasion nucléaire française, Pascal Boniface note dans le même article que la Commission qui a été nommée par le Président pour rédiger le Livre Blanc de la Défense est composée de faucons néoconservateurs : « Mais la composition de cette Commission, pour ce qui est des experts extérieurs, peut susciter sur ce point quelques inquiétudes. Elle est, sur le plan des idées stratégiques (où les clivages dépassent ceux des familles politiques), nettement moins diversifiée que celle mise en place par le ministère des affaires étrangères. Lhorizon – étroit – va des atlantistes traditionnels aux partisans des thèses néoconservatrices les plus radicales. Des experts stratégiques pourtant proches de lactuelle majorité politique, mais sinscrivant plus dans la tradition gaullo-mitterrandiste, nont pas été retenus. Ceux qui lont été étaient favorables, ouvertement ou plus discrètement pour ceux qui vivent de fonds publics, à la guerre dIrak, même sils ont désormais sur ce point une mémoire défaillante. Nombre dentre eux plaident aujourdhui pour la fermeté, y compris par des moyens militaires, à légard de lIran. Ils étaient également pour la plupart, partisans du concept américain de riposte graduée (acceptant que les armes nucléaires soient considérées comme des armes de combat), opposé au concept français de dissuasion. » (3)

La réforme qui efface la différence entre Défense et Sécurité, sous lautorité dun exécutif tout puissant, tire incontestablement son origine de lanalyse néoconservatrice qui, nayant plus dennemi à la fin de la guerre froide, sen est fabriqué un : le « terrorisme ». Le 11 septembre 2001 étant une divine surprise qui leur permettait daffirmer que nous avions changé dépoque, une grande bataille est désormais ouverte dans un monde globalisé et interdépendant, les menaces sont partout, il ny a plus de frontières et plus de différence entre sécurité extérieure et intérieure. Pour défendre la sécurité intérieure, la guerre préventive (y compris nucléaire) doit être menée et le « renseignement omniprésent ». On ne peut plus raisonner en termes de Défense Nationale car la sécurité sétend à la planète. Elle justifie toutes les opérations préventives et, au plan intérieur, il faut protéger le territoire contre des agressions qui peuvent être de toute nature (4).

Il faut voir la nature réelle de lennemi, celui que nos médias nous fabriquent jour après jour : dabord la peuplade étrangère qui, sous les ordres dun tyran, nous refuse laccès à ses ressources naturelles ; mais aussi le phénomène dit des « banlieues », voire les luttes revendicatives, qui peuvent être criminalisées. Lamalgame est total entre les menaces à la sécurité de lEtat (où le citoyen est redevenu lindividu isolé face à la dite menace « collective » et étrangère) et les luttes pour lindépendance comme les luttes sociales. Cest la conception paranoïaque mais pas gratuite des néoconservateurs qui est à luvre.

Dernière citation : dans son blog, Alain Gresh, spécialiste du Moyen Orient dans le Monde Diplomatique, nous met en garde : « Je nai pas lhabitude de réagir rapidement à une information. Pourtant, celle révélée par Isabelle Mandraud dans Le Monde du 20 juin, dans son article « Les surprises de la fusion entre les Renseignements généraux et la DST » mérite dêtre largement diffusée.

Evoquant la fusion entre les renseignements généraux et la Direction de la sécurité du territoire, la journaliste écrit : « Comme prévu, les Renseignements généraux (RG) se scindent en deux : une partie de leurs effectifs fusionne avec la DST pour former le renseignement intérieur (RI), une autre rejoint la nouvelle sous-direction de linformation générale (SDIG) au sein de la sécurité publique. Doucement, le partage des missions et des effectifs sopère, dans le cadre de la réforme mise en oeuvre par Michèle Alliot-Marie, ministre de lintérieur. Aux uns, le renseignement en milieu fermé, la lutte contre terrorisme et la protection des intérêts économiques, aux autres, la surveillance, en milieu ouvert, des violences urbaines, les sans-papiers, lenvironnement, les voyages officiels »

Mais la surprise est ailleurs :

« Deuxième innovation : si lislam traditionnel, comme toutes les religions, reste du domaine de la SDIG, tandis que lislam radical est du ressort du RI, la future direction centrale du renseignement intérieur pourra, quand elle lestime nécessaire, et sans prévenir, intervenir dans tous les domaines. »

Si lon comprend bien, le Renseignement intérieur (cest-à-dire lancienne DST renforcée) pourra, quand il lestime nécessaire, surveiller, infiltrer, interroger des musulmans ou des organisations ou des mosquées dont la pratique pourrait lui déplaire. Si cette interprétation était avérée, elle marquerait un tournant dans les pratiques sécuritaires en France. »

Voilà brièvement esquissée la logique que lon peut lire, pour peu que lon sen donne la peine, derrière les caricatures aisément brossées sur lEurope. Nous sommes bel et bien devant un processus de fascisation impérialiste qui passe par lintégration économique, institutionnelle et militaire de lOccident.

Danielle Bleitrach

(1) The economist France has a paradoxical attitude to financial risk 31.01.2008

(2) Un récent sondage BVA ( 29 juin 2008) montrait que 13% des ouvriers français faisaient confiance à lEurope pour 49% des cadres.

(3) Pascal Boniface, le nécessaire débat sur le nucléaire, La Croix, 14 janvier 2008

(4) L’arsenal militaire pour lutter contre le terrorisme existe et a été rendu plus performant à partir de 1995 avec le plan Vigipirate, suite aux attentats du GIA algérien. Cette date de 1995 qui correspond non seulement à une série dattentat mais à un autre livre blanc de la défense en 1994, est déjà celui dune inflexion de la vision de la dissuasion. Toute la politique de Nicolas Sarkozy peut être analysée comme à la fois une rupture mais aussi la poursuite dinfléchissements pris dans le cadre dune Europe allant de plus en plus vers latlantisme et vers les grandes coalitions.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.