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Billet de blog 27 avril 2012

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A propos du président du CRIF, plaidoyer au peuple juif pour une parole, enfin… par danielle Bleitrach

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L’intervention de Richard Prasquier, le président du CRIF, est plus que préoccupante et je voudrais la prendre avec distance, réflexion sur le fond qui s’impose non seulement aux juifs mais à l’ensemble de la société française.

Voici pas mal de temps que l’on peut considérer le président du CRIF comme un porte-parole détestable et dans une lettre récente à propos de son mensonge sur Salah Hamouri je dénonçais le danger d’une vision qui attisait les haines au lieu de chercher la paix.

La France est le pays qui se caractérise par la présence d’une des plus forte communauté juive et de la plus forte communauté musulmane d’Europe, cela peut-être une chance ou un drame et sur le fond c’est bien pour cela que nous pouvons craindre la montée de Marine Le Pen ou l’évolution parallèle de Nicolas Sarkozy: le choix des antagonismes et de l’ouverture des hostilités au sein de la Nation comme réponse à la crise sociale, économique et culturelle qui se développe.

L’intervention de Prasquier au quotidien Haaretz va dans le même sens, celui de l’enfermement et de la peur. Chacun aura noté la manière dont il minimise ce que représente Marine Le Pen et ce n’est pas un hasard, comme le président Sarkozy il choisit de se déplacer sur le même terrain, celui des fantasmes face à l’Autre et de choix identitaires mortifères.Alors même que nous avons un rôle politique de dialogue à jouer nous citoyens français de confession juive et musulmane pour aider à la paix.

Reprenons l’affaire Salah Hamouri, ce jeune homme est franco-palestinien et il est devenu dans une partie de la jeunesse française le porte drapeau d’une cause juste comme le soldat Shalit l’a été pour la communauté juive. Apparement  ces deux emprisonnements ont été l’occasion de marquer la fermeture de tout dialogue et ceci largement par la faute du président du CRIF. Alors que sur le fond que l’on prenne le soldat Shalit et sa famille ou Salah hamouri nous avons là les conditions d’un véritable dialogue entre des gens faits pour s’affronter certes mais pour le faire dans des conditions politiquement fructueuses. Nous sommes avec la famille Shalit et la famille Hamouri loin de tous les fanatismes religieux et trés proches en revanche d’un positionnement de gauche à la recherche de la paix dans la justice.

Israêl a fêté hier les 64 ans de son existence et cet anniversaire intervient dans une situation de crise profonde comparable à celle qui existe en france et dans le monde et partout se pose la question d’un dialogue pour la paix comme seule voie pour la survie de l’humanité ou l’enfermement dans les ghettos de la haine derrière des murailles que l’on érige et qui ne nous protègent de rien.

D’abord il faut résoudre ensemble la question fondamentale du vivre ensemble, celle des conditions matérielles d’existence, le droit à la santé, à l’éducation,aux protections sociales, aux logements et au travail. Les murailles ont la fonction de nous faire accepter non seulement la spoliation de l’Autre mais la notre, de donner tous les leviers au profit et aux marchands d’armes. En israêl comme en France.

Les murailles du ghetto sont celles de la peur dans lequel on espère faire trembler celui que l’on hait mais peu à peu chacun se trouve pris. Est-ce cela que nous voulons pour israêl et pour la France ? Regardez comme ceux qui font ce choix font la démonstration de vers quoi ils sont prêts à aller? On nous raconte que Salah hamouri est un monstre, un dangereux terroriste, on transforme ses propos et on termine dans le délire intégral où c’est françois Hollande qui est désigné comme le danger pour mieux minimiser celui de marine Le pen, alors même que l’on use et abuse des peurs légitimes des survivants de la Shoah; Mais jusqu’où ira-t-on?

Je voudrais m’adresser en priorité à vous Juifs d’Israël et de France, parce que chacun doit interpeller les siens et que je souhaite que de leur côté des musulmans interpellent les leurs pour dénoncer le négationnisme et l’antisémitisme qui se développe comme un lèpre chez eux. je sais qu’il existe des gens capables de s’élever contre ces horreurs. Mais je voudrais parler au coeur des “miens”. Oui les miens, pourquoi taire ce sentiment d’appartenance, cette obscure fierté qui fait que chaque persécution nous attache plus les uns aux autres même et surtout quand nous sommes des “laïcs” et que nous ne voulons pas que religion et Etat se confondent. Je ne sais d’où vient ce sentiment mais il est trés fort et l’antisémitisme le renforce encore. Confrontée à la stupidité du négationnisme il a envahi mon propre coeur et aurait pu me conduire à l’injustice, à aider le ghetto à m’enfermer dans ses murs, à fermer les yeux sur l’injustice face à d’autres être humains et alors comme le président du CRIFj’aurais accompli contre les “miens” le pire: l’autodestruction programmée.

Hier j’ai lu un texte que je voudrais vous citer. “Que peux la parole? Tout. Ce que ne peuvent plus, en certains cas les armes, ce que ne peut soudain plus la ruse. Ce que les dieux choisissent comme argument quand les hommes ne croient plus en eux. Arafat fut un combattant d’une intelligence tactique extraordinaire, d’une ruse constante, doué de qualité hors du commun. Mais il lui manqua la parole. Prononcer des phrases simples. Dire à son peuple: Il y aura dorénavent et à jamais un Etat Israélien à côté de notre Etat. C’est un honneur pour nous arabes d’héberger le peuple d’Israêl. Les Juifs, l’occident les a exterminés, nous nous les recevons, nous les accueillons.” Il aurait fait des palestiniens un peuple fier des paroles que prononçait son chef et qui valaient serment devant l’histoire. Le sort du Monde en eut été changé à jamais. C’est cela la parole” (1).

C’était le rêve d’Einstein que les Juifs deviennent comme à Cordoue l’occasion d’un rayonnement intellectuel et artistique, une prospérité au sein du monde arabe mais trés vite il a dénoncé la facisation d ‘Israêl sous l’infuence de ceux qui prétendaient chasser les Palestiniens au lieu d’inventer un  vivre ensemble qui aurait ébloui le monde.

Cette parole n’a pas été prononcé par les Palestiniens parce que les israéliens ou du moins un certain nombre d’entre eux ont refusé de la dire. Et la spoliation continue s’accélère, on parle beaucoup de Gaza mais m’indigne tout autant et plus encore la manière dont on chasse les Palestiniens de jérusalem est, dont on traverse les terres de leur culture, les prive d’eau. Darwich le grand poète palestinien avait su trouver les parole pour dire  l’identité en éternelle construction de son peuple et par là même il s’est le plus approché de cette mystérieuse identité juive que la persécution renforce et l’espérance qui se développe alors au coeur de ceux qui la vivent. A cause de cela, je ressens les Palestiniens comme les descendants de ces anciens hébreux, ces tribus d’esclaves révoltées qui ont fondé un monde messianique criant la soif de justice et revendiquant la LOI. Nous juifs nous avons une histoire originale remontant haut dans le temps et sommes capables de retrouver les notres dans un temps et un espace sans équivalent. Les Palestiniens sont notres eux aussi sauront répéter sans fin “l’an prochain à Jérusalem!” quoique nous fassions. Et si nous ne respectons pas cela, le peuple de la LOI perd son droit à l’existence, il perd son âme. Le dialogue ou la mort, un nouvel exil ou pire encore, est-ce cela le destin auquel nous vouent des gens qui ne veulent pas de la paix et du dialogue, qui refusent de saisir au coeur des périls la moindre espérance ? Qui veulent que les victimes du nazisme ignorent où mènent la haine et la recherche de boucs émissaires ?  Jusqu’à quand allons nous ignorer cette évidence nous n’avons pas le choix, les Palestiniens et nous appartenons au même creuset, et comme tous les combats fratricides cette lutte-étreinte peut mener au pire ?

Est-il encore temps, je l’ignore ? je l’ignore pour Israël, je l’ignore pour la France. Quand j’en suis pour éviter le pire à aller voter pour François Hollande dont je n’attends rien si ce n’est – et c’est déjà beaucoup – des paroles de paix et de respect du droit, c’est dire… Je n’attends que cela et c’est fragile parce que la parole n’a de sens que si nous imposons les conditions matérielles de la justice, sans elles la parole ne sera pas entendu et la haine renaîtra toujours plus forte. Sans une volonté têtue des peuples, sans leur révolte et leur mobilisation, cet homme pour lequel je vais voter ne sera qu’une illusion.  Déjà ceux qui vivent de plus en plus mal ne sont pas en état de croire dans des mots justes et cherchent l’utilité immédiate.

C’est un travail immense auquel nous sommes tous confrontés pour que puisse naître cette parole qui donnera confiance à tous, à chacun et le conduira à s’engager aux côté des autres pour la survie de l’humanité, par des phrases simples, inédites que respecte enfin celui qui les prononce parce que les corps, les actes sont là et donnent sens à cette parole qui libererait l’être humain de tous les ghettos.

En seront nous capables? je l’ignore mais c’est ça ou la mort! Et comme toujours derrière le destin juif se profile celui de l’humanité.

Danielle Bleitrach

(1)Michel Butel. L’Impossible , N°2, la Parole, p 10

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