
Cette phrase de Bertolt Brecht prend à contre-poil, c’est même ce que nul ne lui pardonne et pourtant les faits lui donnent raison et c’est ce que je m’évertue à vous dire: premièrement le fascisme n’a jamais été éradiqué, deuxiémement le nazisme qui condamna Bercht et tant d’autres allemands anti-fascistes à l’exil et même au suicide n’est pas de l’ordre du passé même si notre mémoire est effacée, le passé diffamé, il reste un présent où se joue la même comédie. celle qui dans un temps de crise a fait qu’Hitler est venu au pouvoir à la suite d’élections où il avait obtenu 37% des voix. Un temps où le capital et les forces conservatrices ont vu en lui le rempart contre l’assaut des masses révoltées.Regardez l’Europe autour de vous! Nous sommes à un moment où il s’agit non pas de dénoncer les élections, mais de comprendre leur utilisation pour maintenir une classe sociale en place. Le vieux maréchal Hildenburg placé au pouvoir comme un moindre mal par la social démocratie est le même que celui qui chosit Adophe Hitler comme chancelier du Reich et tout cela dans un cadre parfaitement “démocratique”.
Comme désormais me voici en situation non pas d’abstention, c’est insuffisant, mais de tentative de penser la politique en dehors de cette élection et de l’hystérie vaine qui s’y déploie, corollaire de l’élimination de toute perspective de transformation pourtant indispensable, je hante les bibliothèques, les cinémathèques, les expositions puisqu’il n’y a plus que là que j’ai des chances de retrouver l’Histoire disparue, engloutie.
les temps nouveaux sont déjà là? ceux qui comme moi devrait jouir d’une retraite confortable se retrouvent dans la situation de mes collègues universitaires sénégalais qui doivent entretenir une famille entière. Chaque universitaire ayant charge d’environ 15 âmes. Je n’en suis pas tout à fait là mais déjà en amont et en aval la moitié de ma retraite passe dans l’art de compenser la politique de Sarkozy et celle qui sera probablement celle de son sucesseur. Si je dis cela c’est pour écarter la vision facile de l’intellectuel vivant comme un sybarité et pouvant se permettre de ne pas prendre parti. Non seulement de toutes parts je suis comme vous cernée par l’augmentation des factures mais aussi par un nombre grandissant de mes proches atteints par le chômage et la maladie. Heureusement, il y a le véritable luxe des intellectuels, le goût de plaisirs peu onéreux qu’un abonnement à l’année dans des bibliothèques ou des cinémathèques m’offre, sans parler de la marche dans la campagne aixoise.
A ma manière, à l’aide de ces abonnements , je tente de remplir le programme de Didi-Huberman à partir de l’atlas de Waburg. Je renvoie mes lecteurs à un article de ce blog où il est question de cette démarche de Didi-Huberman de repenser l’histoire après Auschwitz sans tomber dans le pessimisme radical d’un Pasolini. Ce dernier, relisez les écrits corsaires, voyait surgir un nouveau néo-fascisme dont personne ne se sortirait parce qu’il était lié à la consommation. Je crains hélas que Pasolini ait été en-dessous de la réalité, il ignorait internet et face book et ne pouvait imaginer jusqu’où irait la dépolitisation. L’impossibilité dans l’état de paranoïa généralisée d’envisager la moindre remise en cause fondamentale qui produise autre chose qu’une accumulation de supporters isolés les uns des autres.
Il y a quelque chose de fascinant dans la classification des programmes des candidats, le plus extraordinaire est bien sûr Sarkozy qui en énonçant une mesure par jour donne un rythme encore plus absurde à la campagne, et tous les autres suivent, ce qui ressemble à première vue à la classification des animaux à la chinoise vu par Borgès et rapportée par Foucault dans les mots et les choses:
Les animaux se divisent en a) appartenant à l’empereur, b) embaumés, c) apprivoisés, d) cochon de lait, e)sirènes, f)fabuleux, g) cjhiens en liberté, h)inclus dans la présente classification, i)qui s’agitent comme des fous,j) innombrables, k) dessinés avec un pinceau très fin en poils de chameau,l)et caetera, m)qui viennent de casser la cruch,n) qui de loin semblent des mouches.
Quand chaque jour est énoncée une mesure et que les réponses sont soit techniques, soit incatatoires cela nous fait penser à un programme mais sans que nous puissions nous souvenir du contenu réel. Parce que ce qui est fascinant dans cette classification de Borges est qu’elle nous conduit à nous interroger: est-ce que Borgès l’a réellement recopieé à partir d’un vieux texte chinois ? Et bien la campagne électorale, tous candidats confondus nous invite à la même interrogation: est-ce que cela a été pris dans un vieux catalogue du temps où existait la politique. Il est vrai que les perspectives ont disparu, le progrès, la démocratie rempart du totalitarisme et même l’avatar européen ne sont plus des horizons capables de donner une logique quelconque à l’énumération. Sans parler de la fin du temps des révolutions au profit de l’insurrection citoyenne, une sorte de hoquet, enfin c’est ma perception de la chose.
Le fascisme n’est rien d’autre que la suspension de la politique y compris dans le respect formel du jeu démocratique, son évolution en temps de crise.
Si la politique tire son tragique de la guerre, ou de la lutte des classes, il n’y a plus de stratégie, les troupes de quelque côté qu’elles se déploient, crient, manifestent, élaborent parfois une gestuelle mais les sentiments exprimés flottent en l’air, sans lendemain. A la classification chinoise des mesures répond l’aggressivité gratuite d’Alice au pays des merveilles. Souvenez-vous de la party de tea ou la tea party, il n’y a pas de camp simplement de l’hostilité, de l’irritabilité : “ne m’insultez pas!” Il a osé dire” “mais pour qui prenez vous le président ? …
“Sous un arbre, devant la maison, se trouvait une table servie où le Lièvre de Mars et le Chapelier étaient en train de prendre le thé ; un Loir, qui dormait profondément, était assis entre eux, et les deux autres appuyaient leurs coudes sur lui comme sur un coussin en parlant par-dessus sa tête. « C’est bien incommode pour le Loir, pensa Alice ; mais, comme il dort, je suppose que cela lui est égal. »
La table était très grande ; pourtant tous trois se serraient l’un contre l’autre à un même coin. « Pas de place ! Pas de place ! »s’écrièrent-ils en voyant Alice. « Il y a de la place à revendre ! » répondit-t-elle avec indignation, et elle s’assit dans un grand fauteuil à un bout de la table.
« Prends donc un peu de vin », proposa le Lièvre de Mars d’un ton encourageant.
Alice promena son regard tout autour de la table, mais elle n’aperçut que du thé.« Je ne vois pas de vin, fit-elle observer.
– Il n’y en a pas, dit le Lièvre de Mars.
– En ce cas, ce n’est pas très poli de votre part de m’en offrir, répliqua Alice d’un ton furieux.”
Bon tout cela n’est pas sérieux… Revenons-en à l’essentiel, les lucioles de Didi-Huberman. Toujours cet étrange sentiment que la mélancolie et sa crépusculaire lucidité est l’ultime manière d’être rassurée, j’ai déjà éprouvé ça l’été derniers avec le film de Lars Von trier, Melancolie et hier j’ai retrouvé cet intense soulagement à l’idée que tout cela allait être terminé. Le 6 mai, l’astre noir de Melencholia allait toucher mes contemporains, les Français reprendraient leur bon sens devant le choc qui ne manquerait pas de déferler sur eux, ce n’est plus seulement la Grèce mais nos voisins espagnols et Italien sont déjà dans l’orbite et à ce moment là peut-être il se trouvera des gens pour prendre conscience de la situation. ce qui a provoqué ce soulagment crépusculaire a été un film : JLG/JLG.
Un film assez court, un espèce de point que l’auteur aurait fait non pas sur lui-même mais sur ce qu’il a filmé et en quoi son oeuvre est un acte politique dans le brouhaha de ce regard sur lui-même entre biographie, art et histoire…
Le cinéma de JLG est exactement le contraire de cette invraisemblable campagne électorale : Une idée, une autre idée, une bobine, une bobine, laquelle entraîne l’autre. On a une image et si on a une image, on a une pensée, on a un jugement. Voilà pourquoi était fait le cinéma. Le cinéma ne juge pas, il est comme le juge d’instruction, il étudie le dossier, après il y a le jugement.”
Le cinéma pense… Le fascisme commence quand l’on ne pense plus et quand la procédure a pris le pas sur la pensée.
Pendant ce temps mon petit fils algérien revient de l’école à Marseille, en racontant que le tueur de Toulouse est devenu le héros de tous ses copains africains et maghrébins. Il est en sixième. Quand ils seront grands c’est sûr ils feront comme lui, ils tueront des juifs. Mon petit-fils leur répond “moi je ferai le djahad et je deviendrai un guerrier contre vous. il y aura un bon contre les mauvais!”
Ilana, ma nièce m’interpelle d’Israël parce que j’ai pris position pour Salah hammouri en m’expliquant qu’elle a dû fuir les roquettes et qu’au lieu de me préoccuper des terroristes, je ferai mieux de m’intéresser à son cas… Et là-dessus mes anciens compagnons de lutte font campagne pour le négationnisme ou du moins pour qu’il ait droit de cité. Pas un mot contre la guerre en Afghanistan, contre la paranoïa généralisée que le patronat cultive dans le monde du travail. Alors réfugions-nous dans les livres, les images, tentons une mise à distance si faire se peut… Avant de tenter de lutter contre cet écartélement de chacun…
L’Institut de l’Image où passait le film de Godard est aussi la bibliothèque municipale de la ville d’Aix-en-provence. ce qui me permet d’aller consulter les revues et d’y découvrir souvent matière à réflexion à propos d’événements de l’actualité qui me préoccupent. je n’arrive pas à émerger de l’abime de perplexité dans lequel les événements de Montauban et Toulouse m’ont plongée. Reviennent sans cesse delà du tintamarre qui a accompagné les dits événéments, mes interrogations sur le silence autour de la mort de ces trois petites fille gitanes. Ces petites filles prises dans les phares de voitures lancées sur un autoroute sont une image qui me hante à cause du silence cotonneux dans lequel leur mort a été engloutie ; Il me paraît invraisemblable que l’on ait pu jeter trois gamines en rase campagne sans même songer à les prendre en charge fut-ce sur le mode de la répression. Alors que la polémique est déjà là sur le sort particulier qui serait réservé aux juifs et qui trancherait avec l’indifférence avec laquelle sont censés être traités les musulmans ou les maghrébins de quelque confession que ce soit. Que dire alors des gitans?
Demain, je vous parlerai de ma plongée dans l’affirmation : les tsiganes n’existent pas… à partir d’ un article par la revue l’homme (197/2011,P.7 à 24), un article de Patrick Williams intitulé “Une ethnologie des Tsiganes est-elle possible?”
Une connaissance nomade derrière des tsiganes qui n’existent pas pour tenter de survivre à cette campagne électorale invraisemblable … En attendant le réveil…
Danielle Bleitrach