
Comme je suis vexée dans mon honneur français par la manière dont la presse étrangère se gausse de nos élections dans la mesure où ce n’est guère mieux chez eux et surtout à propos des Etats-Unis des systèmes sur lesquels ils étendent leur bienveillante protection je voudrais vous parler du Mexique. On peut toujours se remonter le moral en contemplant d’autres méthodes de changement politiques autour de nous. Comme le note justement Jean Salem, si nous avons coutume de nous ébaudir sur le pouvoir nord Coréen, nous assistons de fait à “une prolifération de dynasties électives” et de votes confisqués par la fraude ou le non respect de la décision des électeurs comme cela a eu lieu avec le NON à la Constitution Européenne pour le peuple français.
Il y a le cas du Mexique .
Il y a pire que les élections présidentielles françaises suivies immédiatement des législatives (merci Jospin), il y a les élections mexicaines qui auront lieu le 1 er juillet et dont la campagne débute en ce moment. Non seulement le président mexicain est avec notre président le chef d’Etat qui jouit de pouvoirs quasi monarchiques mais l’élection présidentielle mexicaine se joue au scrutin majoritaire uninominal à un tour. Le 1er juillet doivent également être renouvelés les 128 sièges du Sénat, les 500 sièges de la Chambre des députés, ainsi que le maire de Mexico et les autorités de plus d’une dizaine d’Etats. Le mexique ayant à peu près la taille de l’Europe. Ce qui fait que comme chez nous l’élection présidentielle est la clé de tout un système de transaction et de distribution des places, on peut dire que de telles élections en domino font que le débat électoral se présente par le siège et non par les idées, c’est la lutte des places.
Mais la lutte des places est infiniment plus dangereuse que chez nous…
Autre ressemblance, pourtant le gagnant semble connu d’avance : il s’agit de celui du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), principale formation d’opposition, donné largement favori pour récupérer un pouvoir perdu en 2000 après 71 ans de règne sans partage.Le candidat du PRI, Enrique Pena Nieto, un avocat de 45 ans qui est crédité de 45% des intentions de vote. Le Mexique est en effet le pays qui se fonde sur une Révolution ayant entamé celles du XXe siècle et dont le parti s’est instituionnalisé mais qui a fini par crouler sous les scandales sans parler des violences politiques, l’exécution d’un candidat n’ayant rien d’exceptionnel. le cas mexicain où une révolution débouche sur l’institutionnalisation qui réserve le pouvoir aux grands propriétaires et aux nantis par recours aux élections sans pour autant, au contraire, arriver à juguler la violence et en la portant à un niveau plus élevé en ayant simplement transformé l’insurrection populaire en corruption et gangstérisme paraît illustrer les thèses de Badiou sur le fait que l’élection n’est que la violence étatique qui brise la Révolution populaire.
Selon la Constitution mexicaine, le président sortant Felipe Calderon, membre du Parti action national (PAN, conservateur), n’est pas rééligible pour un second mandat. Son règne est sans doute un des plus sanglants qui soit parce que la guerre qu’il a prétendu engager contre les trafiquants de drogue non seulement n’a pas été gagnée mais a provoqué plus de 50.000 morts et les cartels de la drogue sont en train de tenter de profiter de cette élection pour installer partout leurs hommes.la candidate du PAN, qui a pris le relais est une femme Josefina Vazquez Mota,créditée de 32% .
Il y a aussi le candidat de la cialition de gauche Andres Manuel Lopez Obrador, déjà candidat en 2006 qui est crédité à 22%. En 2006, Il semble avoir gagné l’élection mais l’appareil d’Etat avec l’aide des Etats-Unis fit nommer Calderon. Il s’agissait à l’époque d’empêcher la poussée des gouvernements démocratiques et progressistes d’Amérique latine de s’emparer de ce pays clé. Le résultat de la présidentielle de 2006 avait été contesté par Andrés Manuel Lopez Obrador (dit AMLO), le candidat de la gauche, qui n’a jamais accepté la victoire de Felipe Calderon.
Pratiquement on peut considérer que le Mexique, qui a toujours manifesté une indépendance par rapport à son puissant voisin, est dévenu une zone ouverte, économiquement, socialement aux Etats-Unis alors même que la frontière était le lieu d’affrontement et de violence accrue. Il est vrai que le PRI avait fondé un système où le gangstérisme, le clientélisme et le système politique était étroitement mêlé mais l’offensive qu’a prétendu mener le président Calderon sous la pression des Etats-Unis qui dénonçaient l’infiltration de la drogue chez eux alors même que se nouaient des complicités politiques a déchaîné encore plus la violence sans endiguer l’influence des narcotrafiquants qui n’a cessé de croître.
La pression des trafiquants sur les élections s’exercera à la fois sur les candidats et sur les électeurs, moyennant finances ou intimidations. Aucune candidat ne paraît en situation ni de reconquérir l’indépendance nationale, ni de trouver une issue à cette stratégie d’affrontement dont le peuple mexicain fait les frais. Washington a soutenu la stratégie de M. Calderon et le vice-président américain Joe Biden qui a rencontré début mars les trois candidats mexicains, a affirmé que ces derniers s’étaient engagés à poursuivre l’engagement du Mexique dans la lutte contre les cartels qui fournissent la drogue surtout à destination des Etats-Unis. Mais l’armée que l’on a impliqué dans cette lutte est elle même sous influence.
Seul le candidat de la Gauche, Lopez Obrador s’est engagé à retirer progressivement l’armée et à rénover la police nationale, mais d’une part sa crédibilité est entamée, d’autre part om a contre lui un système de plus en plus puissant dans lequel se mêlent les choix des Etats-unis, l’influence grandissante des narcotrafiquants et toute une société en crise qui ne survit que du mal qui la ronge.
A trois mois des élections, 27% des quelque 77 millions d’électeurs appelés à voter (sur une population de 112 millions d’habitants) demeurent indécis.